Reinan : Les Sirènes Du Soleil Levant
Dans un petit village de pêcheurs niché au bord de la mer du Japon, vivait un jeune garçon du nom de Taro. Doué d’un véritable talent pour la pêche, il parvenait à subvenir à ses besoins grâce à sa seule persévérance.
Orphelin depuis sa naissance, il n’avait jamais connu ses parents. Il avait toujours vécu seul, mais cela ne l’avait jamais empêché de sourire à la vie. Plein d’énergie et de joie, il avançait dans le monde avec un courage admirable.
Chaque jour, il vendait ses prises à un homme qui l’avait vu grandir. Cet homme, chaleureux et constant, était la seule figure paternelle que Taro ait jamais connue.
Ce matin-là, comme à son habitude, Taro se rendit au petit restaurant de ce vieil ami, un panier rempli de poissons frais sous le bras.
— Bonjour, Monsieur Fujisawa, lança-t-il joyeusement.
Le vieil homme, affairé derrière son comptoir, se retourna aussitôt, un large sourire aux lèvres.
— Ah, bonjour Taro. Comment vas-tu, mon petit ?
— Je vais très bien, je suis en pleine forme, répondit le garçon avec entrain.
— Je suis ravi de l’apprendre, mon petit.
Taro tendit le panier à Fujisawa.
— Je vous ai apporté les poissons que vous aviez commandés la dernière fois.
Monsieur Fujisawa jeta un œil au contenu et écarquilla légèrement les yeux, impressionné.
— C’est incroyable ! Beaucoup de pêcheurs ne savent même pas où les trouver, et toi, tu les déniches en deux jours.
Fier de lui, Taro se frotta le nez d’un air espiègle.
— N’oubliez pas que je suis le meilleur pêcheur du village, personne ne peut me rivaliser.
Fujisawa rit doucement, puis désigna l’arrière du restaurant d’un geste de la main.
— Je vois, c’est très aimable de ta part. Tu peux le confier à Nanami, elle est à l’arrière.
— D’accord, je m’en occupe tout de suite.
Taro s’élança gaiement vers l’arrière-boutique, sous le regard attendri de Fujisawa. Dans la cuisine, Nanami s’activait, rangeant la vaisselle avec efficacité. Le garçon s’approcha.
— Bonjour, Nanami.
Elle se retourna, rayonnante.
— Bonjour, mon petit Taro ! Comment vas-tu aujourd’hui ?
— Je vais très bien. Et toi, que fais-tu ?
— Je range ces assiettes, le restaurant va bientôt ouvrir. Et toi, qu’est-ce que tu fais ici si tôt ?
— M. Fujisawa m’a demandé d’apporter ces poissons.
Il lui tendit le panier. Elle en examina rapidement le contenu.
— Merci, Taro, tu es vraiment un garçon adorable.
Elle le rangea avec soin, puis se tourna de nouveau vers lui.
— Viendras-tu manger avec nous ce soir, Taro ?
Le garçon hésita, baissa un peu les yeux.
— Euh, non merci, c’est vraiment très gentil, mais je préfère ne pas me mêler aux gens du village.
Nanami haussa légèrement les sourcils, peinée.
— Taro, tu ne peux pas fuir les gens du village indéfiniment… Tu restes toujours seul, même pour le dîner. Et encore aujourd’hui, tu refuses.
Il détourna le regard.
— Si je venais, je crains d’apporter des problèmes.
— Taro…
Le garçon fit demi-tour.
— Je te laisse, j’ai encore beaucoup de poissons à aller pêcher.
Il s’éloigna, laissant derrière lui une Nanami silencieuse, les mains crispées sur une assiette. Dehors, Taro se dirigea vers sa barque avec sa fidèle canne à pêche. Mais ce qu’il trouva lui serra le cœur.
Sa barque, recouverte de graffitis et de gribouillis, dégoulinait de peinture. Même l’intérieur était souillé.
Une colère mêlée de tristesse s’empara de lui. En se retournant, il aperçut des enfants qui riaient de loin.
— Et vous, vous trouvez ça drôle, bande d’idiots !
Les enfants s’égaillèrent en riant plus fort encore. Taro soupira, déposa sa canne et commença à frotter chaque planche souillée avec ardeur. Le soleil passait lentement dans le ciel quand, enfin, il se redressa, fier de lui.
— Voilà, ma barque est toute belle et toute propre !
Il poussa son embarcation vers l’eau, embarqua et se mit à ramer avec un large sourire. Arrivé au large, il lança sa ligne avec enthousiasme.
Les heures passèrent, et les prises furent nombreuses. Le ciel, pourtant radieux, lui donna soudain un étrange frisson. Une sensation de malaise. Taro leva les yeux vers les nuages immobiles, son front plissé d’inquiétude. Il attrapa un dernier poisson et murmura :
— Eh bien, c’est tout pour aujourd’hui. Je vais rentrer.
Pendant ce temps, au village, le restaurant de M. Fujisawa s’emplissait de voix, de rires et d’odeurs appétissantes. Parmi les clients du jour, Dame Sakura et sa fille entrèrent avec élégance.
— Bonjour, Monsieur Fujisawa.
— Ah, bonjour, Dame Sakura ! Quelle agréable surprise ! Qu’est-ce qui vous amène ici aujourd’hui ?
— Je suis venue récupérer ma commande habituelle. J’espère qu’elle est prête ?
— Oui, elle est prête, on me l’a livrée ce matin.
Il se tourna vers la jeune fille.
— Dis-moi, Rika, pourrais-tu aller chercher le panier chez Nanami ?
— Oui, tout de suite !
Rika s’éclipsa. À peine avait-elle disparu qu’un autre client important fit son entrée : le riche marchand Saï, accompagné de son fils Haru.
— Bonjour, monsieur Fujisawa.
— Ah, monsieur Saï, comment allez-vous aujourd’hui ?
— Je vais très bien, merci.
— Et comment se porte le jeune Haru ?
Le garçon, gêné, protesta.
— Arrêtez de me parler comme à un enfant, je grandis maintenant !
Tous rirent de bon cœur.
— Pardonne-moi, cher Haru, répondit Fujisawa en souriant.
Rika revint à ce moment-là et salua Haru.
— Salut Haru, comment ça va ?
— Je vais bien, Rika. Que fais-tu ici ?
— J’aide ma mère à faire les courses. Et toi ?
— Moi aussi, j’aide mon père.
— Ah, vraiment ? s’étonna Fujisawa.
— Oui, intervint monsieur Saï. Ma femme est malade. Nous sommes venus chercher du poisson pour lui préparer une bonne soupe, cela va l’aider à guérir.
— Je l’espère sincèrement, répondit Fujisawa, en lui remettant un paquet soigneusement emballé. Je vous souhaite un prompt rétablissement pour votre femme.
— Je ne manquerai pas de lui transmettre vos vœux.
Soudain, un cri fendit la rumeur ambiante.
— Monsieur Fujisawa !!!
Tous les regards se tournèrent. Taro, le souffle court, arriva en courant au restaurant.
— Que se passe-t-il, Taro ? Pourquoi cries-tu ainsi ?
— Une grande tempête approche. Vous devriez envisager de fermer votre restaurant dès aujourd’hui.
Un silence. Puis des chuchotements sceptiques s’élevèrent parmi les clients.
— Encore ce jeune garçon… Il ne fait que dire des mensonges. Ne l’écoutez pas, M. Fujisawa.
Dame Sakura fronça les sourcils.
— Une tempête ? Pourtant, le temps est si beau aujourd’hui.
— C’est le calme avant la tempête. Je vous assure que j’ai raison. Croyez-moi, M. Fujisawa.
Nanami surgit de la cuisine.
— Eh bien, si c’est le cas, nous allons fermer plus tôt aujourd’hui.
Monsieur Saï la fixa, étonné.
— Croyez-vous vraiment en ce garçon ?
Nanami hocha la tête, sûre d’elle.
— Oui, je crois fermement en Taro. C’est grâce à lui que notre restaurant est toujours debout aujourd’hui.
Intrigué, Monsieur Saï se tourna vers Taro.
— Dis-moi, mon garçon, comment peux-tu être si sûr qu’il y aura une tempête ?
Taro soutint calmement le regard de l’homme, sa voix douce mais assurée :
— Je ne sais pas vraiment comment l’expliquer… mais je le ressens profondément, au fond de moi. Ce n’est pas rationnel, c’est comme un pressentiment. Quelque chose m’avertit quand un danger approche.
Un silence se fit. Autour de lui, les autres observaient le garçon avec curiosité, intrigués par ses mots et son étrange certitude. Mais l’instant fut brutalement interrompu.
— Dégage, sale gamin maudit ! cria un homme en lançant une tomate qui s’écrasa sur le front de Taro, éclaboussant son visage d’un rouge poisseux.
Nanami se leva d’un bond, indignée :
— Mais enfin, qu’est-ce qui vous prend ? Pourquoi agir ainsi ?!
Taro, sans colère, hocha simplement la tête. Il murmura, d’un ton résigné :
— Ce n’est rien, Nanami… Je commence à avoir l’habitude.
Le silence retomba, lourd. Monsieur Fujisawa, le visage fermé par la colère, se tourna vers l’homme qui avait jeté la tomate.
— Je ne tolérerai pas un tel comportement dans mon établissement. Je vous prie de quitter les lieux immédiatement.
— Quoi ? s’écria l’homme, pris de court.
— Et je vous serais reconnaissant de ne plus jamais revenir.
Rouge de rage, l’homme tourna les talons et quitta le restaurant, en bousculant une chaise au passage. Taro, le visage encore humide de jus de tomate, s’essuya doucement avec sa manche. Il se leva sans un mot et, avant de franchir la porte, dit simplement :
— Je ferais mieux de partir. Mais… vous devriez faire attention. Mettez-vous à l’abri.
Puis il s’en alla, tête basse, les épaules alourdies par une peine invisible.
Rika, restée silencieuse jusque-là, s’approcha de Monsieur Fujisawa :
— Qui est ce garçon ?
Le vieil homme soupira, l’air grave.
— Il s’appelle Taro. C’est un jeune pêcheur, très doué. Mais il est malheureusement mal vu dans ce village.
Dame Sakura fronça les sourcils :
— Pourquoi donc ?
— Les habitants le considèrent comme un enfant maudit, expliqua Fujisawa. Ils l’accusent des tempêtes, des disparitions en mer, des ouragans… Chaque fois qu’un malheur s’abat, les regards se tournent vers lui.
Haru secoua la tête, révolté :
— Quelle absurdité ! Ce ne sont que des superstitions idiotes. Pourquoi s’en prendre à un enfant ?
Nanami intervint, la voix douce, presque triste :
— Taro a été retrouvé flottant en pleine mer, seul, alors qu’il n’était qu’un nourrisson. C’est un vieux pêcheur qui l’a recueilli. Mais peu de temps après… cet homme a disparu en mer, lui aussi.
— Oh… souffla Dame Sakura.
— Taro n’a jamais connu ses parents, reprit Nanami. C’est nous, les villageois, qui l’avons élevé. Il est gentil, courageux… mais tout cela n’a pas suffi à effacer les peurs et les rancunes.
Un silence pesant s’abattit sur la pièce. Tous semblaient bouleversés, ébranlés par ce qu’ils venaient d’apprendre. Le destin de Taro, chargé d’injustices, avait laissé une impression vive dans leurs cœurs.
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