** Le jour des aveux**
Il était deux heures du matin quand mes yeux se sont ouverts brusquement, comme si mon corps refusait de dormir plus longtemps. J’étais allongé sur mon lit, immobile, le regard fixé sur le plafond plongé dans l’obscurité. Mon cœur battait vite. Impossible de retrouver le sommeil. Aujourd’hui, c’était le 13 juillet, mon anniversaire, mais aussi le jour que j’avais choisi pour donner ma réponse à Darils.
Je sentais un mélange d’émotions contradictoires : la peur, l’excitation, la tristesse. Peur de ce que mes mots pouvaient déclencher. Excitation à l’idée de peut-être commencer une histoire avec lui. Mais aussi tristesse… une tristesse silencieuse, profonde, parce que je n’avais personne à qui confier ce que j’étais sur le point de vivre.
J’avais envie de parler, de crier ma joie et mon anxiété. J’avais envie d’avoir un ami à qui dire : « Tu sais, aujourd’hui je vais répondre à Darils. Aujourd’hui peut-être ma vie change. » Mais je n’avais personne. Mes amis riaient, sortaient, vivaient leurs vies sans soupçonner l’ouragan d’émotions qui m’habitait. Alors j’ai gardé tout cela pour moi, enfermé dans mon cœur qui menaçait d’éclater.
Et puis, une idée a traversé mon esprit. Pourquoi ne pas écrire à maman ? Elle était loin, en Norvège, mais elle restait ma mère. Peut-être qu’elle comprendrait, peut-être qu’elle aurait les bons mots pour moi. Alors j’ai pris mon téléphone et tapé :
— Cc maman, j’ai un truc à te dire.
J’ai attendu. Mon cœur espérait une réponse rapide. Mais rien. L’écran est resté muet, vide. J’ai reposé mon téléphone, les yeux lourds de silence. J’ai senti un pincement dans ma poitrine. J’étais seul face à ce grand moment, et personne n’était là pour m’écouter.
Le jour s’est lentement levé. Les heures s’égrainaient comme des secondes interminables. J’ai essayé de me concentrer sur autre chose, mais c’était impossible. Je pensais à Darils, encore et encore. Son nom résonnait dans ma tête comme une chanson. Darils. Juste l’idée de lui suffisait à me donner des frissons.
Nous avons échangé quelques messages dans la journée. Des banalités, mais chaque mot, chaque réponse portait un poids immense pour moi. J’avais envie de lui écrire mille choses, mais je retenais tout, comme si je devais préserver ce moment sacré pour le soir.
Enfin, quatorze heures sonnèrent. Mon impatience avait atteint son comble. Je suis allé prendre ma douche, me préparant comme pour une cérémonie. Je n’avais pas d’habits luxueux, mais j’ai choisi mon vêtement le plus simple, celui qui me donnait confiance, celui dans lequel je pouvais être moi.
Quand je suis sorti, le soleil était encore haut dans le ciel. Je me suis dirigé vers Sena Monto, là où j’ai pris mon taxi. J’étais nerveux, mes mains tremblaient, mes jambes paraissaient légères comme si je flottais. Chaque bruit, chaque geste autour de moi semblait s’effacer. Une seule pensée guidait mes pas : Je vais voir Darils.
La route jusqu’à Kpogan me sembla à la fois longue et courte. Longue, parce que mon impatience me rongeait. Courte, parce que je n’avais pas vu le temps passer, perdu dans mes pensées.
La rencontre
Quand j’arrivai enfin, il était déjà là. Assis sous un citronnier, le téléphone à la main. La scène était presque irréelle : l’ombre des feuilles dansant sur son visage, son corps légèrement penché, ses doigts glissant sur l’écran.
Je le fixai un moment avant d’oser avancer. Un sourire timide se dessina sur mes lèvres. Mais lui, concentré sur son téléphone, ne leva pas les yeux. Pas de sourire, pas de signe. Ce silence me piqua un peu, me parut étrange. Mais je ne dis rien.
Je pris le temps de saluer Fernando et les autres dans le jardin. Ils riaient, bavardaient entre eux. Puis je revins vers lui et m’assis à ses côtés.
— Salut, ça va ? demandai-je d’une voix un peu tremblante.
Il leva les yeux, enfin.
— Wep, ça va. Et toi ?
— Ça va.
Le silence s’installa aussitôt, lourd, presque pesant. Je sentais ses yeux sur moi. Mon cœur battait si fort que j’étais sûr qu’il pouvait l’entendre. Je détournai le regard, gêné, incapable de soutenir son regard trop intense. Il sourit en voyant mon malaise.
Puis, sans détour, il lança :
— Alors ? C’est quoi ta réponse ?
Mes mains se crispèrent. J’avais attendu ce moment, je l’avais imaginé mille fois. Et pourtant, je me sentais pris au piège. Les mots ne sortaient pas. Alors, pour gagner du temps, je demandai doucement :
— Et Cephas ?
Il eut un petit rire amer.
— En vrai, Cephas et moi, ça ne marche plus vraiment bien.
Une vague de soulagement me traversa. J’étais heureux, au fond de moi. Mais aussitôt, la culpabilité me mordit. Était-ce juste ? Était-ce bien de me réjouir alors qu’il était encore avec quelqu’un ? Je me demandais si je n’étais pas en train d’arracher un mec à un autre. Mais mon cœur, lui, refusait d’entendre ces doutes. Il battait trop fort, trop fort pour que la raison ait sa place.
— Je veux bien être avec toi, mais d’abord va parler à Cephas. Je veux pas de problème, répondis-je, la voix basse.
Il me fixa, ses yeux brillants, et répondit avec assurance :
— T’inquiète, pour Cephas je vais lui parler. Alors, c’est un oui ?
Je restai silencieux. Je n’ai rien dit. Mais dans ce silence, il y avait déjà toute ma réponse. Mes yeux, mes gestes, mon souffle… tout criait déjà « oui ».
Le cadeau
Soudain, son téléphone sonna. C’était la maison qui l’appelait. Son frère, ou un autre membre de sa famille, venait de recevoir la nouvelle : il avait son bac. On voulait le voir.
Avant de partir, il fouilla dans ses affaires et sortit un paquet. Il me le tendit.
— Tiens. C’est pour toi. Joyeux anniversaire.
Je déballai doucement. C’était un tissu, rose et blanc. Simple, mais beau. Je restai un moment sans voix. Je n’avais pas l’habitude de recevoir des cadeaux, encore moins de quelqu’un qui me draguait. C’était la première fois que quelqu’un marquait ainsi mon anniversaire. Mon cœur se serra.
— Merci… merci beaucoup.
Je l’aimai immédiatement, ce tissu. Pas pour sa couleur, pas pour sa matière, mais pour ce qu’il représentait : l’attention de Darils.
Il se rapprocha alors. Ses yeux plongèrent dans les miens. Je compris son intention. Ses lèvres s’approchaient, doucement. Mais au dernier moment, je reculai.
Non. Pas maintenant. Pas comme ça.
Il ne dit rien. Pas un reproche, pas une insistance. Juste un regard doux, compréhensif.
— Tu m’accompagnes au bord de la route ? demanda-t-il simplement.
Sans répondre, je me levai et marchai à ses côtés. Arrivés là, il me dit au revoir, avec un sourire calme. Puis il partit.
Le message
Je retournai dans le jardin. Les autres étaient toujours là : Fernando, Florent — le plus drôle d’entre nous —, Legé, et Jérémy, qu’on surnommait « grand maman » tant il se comportait comme une diva. Je riais avec eux, mais mon esprit n’était pas là.
Mon esprit était déjà parti avec lui.
Cinq minutes après son départ, je pris mon téléphone. Mes doigts tremblaient. Je respirai profondément, puis écrivis :
— Ma réponse, c’est un oui. Tu me plais, et oui pour tout.
Je restai figé, attendant. Chaque seconde paraissait une éternité. Puis enfin, la notification apparut.
— Je t’aime.
Je souris. Un sourire vrai, profond, que personne autour de moi ne comprit. Mais moi, je savais. Je savais que ces trois mots venaient de changer ma vie.
Le poids du silence
Et pourtant, au milieu de cette joie, une douleur persistait. J’étais heureux, oui. Mais je n’avais personne avec qui partager cette nouvelle, personne à qui confier mon cœur qui débordait.
J’aurais voulu courir vers un ami et dire : « Tu sais quoi ? Il m’a dit qu’il m’aime ! » Mais non. Je restai là, entouré de rires, mais seul avec mon secret.
Cette solitude me pesa. Elle mit une ombre sur ma joie. Parce qu’aimer en silence, aimer sans pouvoir en parler, c’est porter un fardeau invisible.
Mais malgré cette tristesse, je choisis de sourire. Parce que pour la première fois, quelqu’un avait dit « je t’aime » et c’était pour moi.
\*\*a suivre\*\*
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