Obsédé

Obsédé

Les premiers signes

L’air glacé de janvier s’engouffrait dans les rues de Lyon, faisant voler l’écharpe de Kenza alors qu’elle pressait le pas pour rejoindre l’arrêt de bus. Le lycée venait de sonner, mais au lieu de la légèreté que ses camarades semblaient ressentir en sortant, elle avait l’impression d’avoir des poids attachés aux chevilles.

La terminale. Le mot sonnait comme une promesse pour certains, mais pour elle, c’était un compte à rebours. Dans moins de six mois, le bac déciderait de son avenir. Et elle savait déjà ce qu’elle voulait : intégrer une grande école de commerce spécialisée dans le luxe. Travailler pour Dior, Chanel, Yves Saint Laurent… Les noms résonnaient comme une musique dans sa tête depuis qu’elle avait quinze ans. Mais pour ça, il fallait plus qu’un bon dossier. Il fallait de l’argent.

Ses doigts tremblaient un peu autour de son téléphone alors qu’elle rouvrait pour la énième fois la page d’annonces de jobs étudiants. Rien de motivant : serveuse de nuit, caissière en grande surface, garde d’enfants… Des métiers honnêtes, mais loin de l’univers feutré des maisons de couture.

Elle soupira et rangea son téléphone dans sa poche.

Le bus arriva. À l’intérieur, la buée recouvrait les vitres. Kenza s’assit à l’arrière, les écouteurs dans les oreilles, laissant défiler des musiques qui n’arrivaient même pas à masquer ses pensées. Elle imaginait déjà les défilés, les vitrines de la 5e Avenue, le parfum du cuir neuf dans les boutiques. Elle voulait cette vie. Pas dans dix ans. Maintenant.

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En rentrant chez elle, elle monta directement dans sa chambre. Sa mère lui cria du salon :

— Kenza, n’oublie pas que ta grand-mère vient dîner ce soir !

— Oui maman, je sais !

Elle posa son sac sur le lit, ouvrit son ordinateur portable et reprit ses recherches. Les néons blancs de l’écran éclairaient ses traits concentrés. Par réflexe, elle reprit son téléphone… et remarqua immédiatement quelque chose d’étrange.

L’écran venait de s’allumer, mais aucune notification n’était apparue. Pourtant, l’icône de la batterie montrait une légère baisse, comme si l’appareil avait travaillé tout seul.

En le déverrouillant, elle eut un arrêt.

Son fond d’écran avait changé.

Ce n’était plus la photo de ses amies prise au parc l’été dernier. C’était une image d’horizon urbain, un ciel orangé derrière les gratte-ciel de New York. Elle ne se souvenait pas l’avoir téléchargée.

— C’est quoi ce délire…?

Elle tenta de remettre son ancienne photo, mais une sensation étrange s’installait déjà dans son ventre. Une impression de… présence. Comme si quelqu’un avait touché à ses affaires pendant qu’elle n’était pas là.

Elle secoua la tête, se disant qu’elle avait peut-être oublié avoir changé l’image. Mais en ouvrant Instagram, une autre bizarrerie l’attendait : un message dans ses “demandes” d’un compte sans photo de profil. Pas de texte, juste un emoji 👁️.

Elle referma immédiatement l’application.

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À quelques centaines de kilomètres — ou peut-être à quelques rues seulement —, dans une pièce sobre éclairée par la lumière froide de plusieurs écrans, un homme observait.

Sur son tableau de bord numérique, les notifications de Kenza défilaient : ses recherches Google, ses discussions, même les photos de son appareil. Il cliqua sur une image et l’agrandit : Kenza, devant son lycée, en train de rire avec une amie.

Ses doigts effleurèrent la souris.

— Belle, murmura-t-il, comme pour lui-même.

Il la connaissait depuis trois semaines. Pas personnellement. Pas encore. Mais il savait déjà quelle musique elle écoutait, quelles heures elle préférait pour réviser, et qu’elle buvait son café noir, sans sucre. Il savait aussi qu’elle cherchait un job, et que bientôt, elle aurait besoin de lui.

Il ouvrit un dossier nommé simplement : K.

Dedans, des captures d’écran de ses stories, de ses messages publics, et… quelques photos prises à distance.

Il sourit, pencha légèrement la tête.

Il pouvait avoir toutes les filles qu’il voulait, mais elle… elle, c’était différent.

Elle n’avait pas encore compris, mais Kenza lui appartenait déjà.

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Le soir, le dîner familial battait son plein, mais Kenza n’entendait que d’une oreille les histoires de sa grand-mère. Son téléphone vibra encore une fois, posé à côté de son assiette. Elle le prit, discrètement, et constata qu’aucune notification ne s’affichait. Pourtant, l’appareil était chaud, comme après une longue utilisation.

Elle se promit d’en parler à un ami qui s’y connaissait en informatique. Mais en elle, une voix murmurait que ce n’était peut-être rien.

Peut-être.

Ce qu’elle ignorait, c’est qu’à cet instant précis, quelqu’un regardait en direct la photo d’elle en train de sourire à table.

Et que, pour lui, ce n’était que le début.

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