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Smith croyait, naïvement, qu’il pourrait se fondre dans cette réalité. Qu’il pourrait jouer le jeu, ne serait-ce que quelques jours. Mais cette illusion s’écroula la seconde où son regard croisa le sien.
Sa mère.
Elle était là, dans le salon inondé de soleil, et elle riait. Un rire cristallin, libre, qu’il ne lui avait jamais connu. Elle parlait avec un jeune homme élégant, Day, et lui tapotait le bras avec une familiarité affectueuse. Pour Smith, ce fut une gifle. Une vision si radicalement opposée à la femme réservée, presque sévère, de son monde à lui. Ici, elle rayonnait d’une joie authentique en présence de son fiancé à lui.
Son cœur se serra si brutalement qu’il en eut le souffle coupé. Non, c’était trop. Beaucoup trop. Comment feindre la normalité face à ce bonheur qui lui était à la fois offert et volé ? Comment supporter le poids de ce sourire maternel qui, dans une autre vie, se serait éteint à la seule évocation de sa vérité ?
Il ne pouvait pas s’attacher. S’il s’attachait à cette mère version alternative, à cet ami, à ce fiancé de pacotille, le retour dans son enfer quotidien serait une torture insoutenable. Un contraste trop cruel entre l’acceptation ici et le rejet là-bas.
Pour l’amour du ciel, songea-t-il, la panique lui griffant la gorge, je suis un homme qui aime les hommes. Mon plus grand vœu s’est exaucé ici, et je ne peux même pas en profiter sans que ça me déchire les entrailles !
Sans un mot, poussé par un instinct de fuite primal, il se rua vers l’escalier. Ses pas lourds et précipités firent écho dans la maison, brisant net la conversation joyeuse du salon.
— Smith ? appela la voix de sa mère, teintée d’une surprise inquiète.
Julien, témoin de la scène, sentit un pincement au cœur. Il lança un sourire apaisant à Madame Croft et à Day.
—Ne vous inquiétez pas, je vais voir ce qui ne va pas, dit-il d’une voix qu’il s’efforça de rendre légère, tout en attrapant nerveusement le tissu de son pantalon.
— Bien… Vois ce qui lui arrive, murmura sa mère, son visage soudainement assombri. J’ai peur que les préparatifs du mariage ne le stressent trop.
Elle se tourna vers Day,une coupable tristesse dans le regard.
—Je suis désolée, Day. Toi qui voulais tant lui parler…
Le jeune homme secoua la tête avec une douceur qui surprit Smith, s’il l’avait entendu.
—Ne vous excusez pas, Madame Croft. Je comprends tout à fait. Je reviendrai lorsqu’il se sentira mieux. Le moment n’était sans doute pas bien choisi.
Julien gravit les marches deux à deux, laissant derrière lui les murmures confus. Arrivé devant la porte close de la chambre, il frappa doucement.
Smith ? C’est moi.
Aucune réponse. Seul un bruit étouffé, des reniflements rauques et saccadés, lui parvenaient de l’autre côté. Une inquiétude viscérale s’empara de lui. N’y tenant plus, il actionna la poignée et fit irruption dans la pièce.
La vision qui s’offrit à lui le glaça.
Smith était assis au bord du lit, le visage enfoui dans ses mains, ses épaules secouées de tremblements incontrôlables. Lorsque la porte s’ouvrit, il sursauta et releva la tête, et ce que Julien vit dans ses yeux lui coupa le souffle.
Ce n’était pas là le regard de son ami.
Le Smith qu’il connaissait était un roc, une force tranquille que rien ni personne ne pouvait ébranler. Celui qui se tenait devant lui n’était qu’un fragile assemblage de peur et de détresse.
— Smith… ? prononça Julien en faisant un pas précautionneux à l’intérieur.
Il dut s’arrêter net quand Smith, dans un geste d’impuissance absolue, agrippa ses propres cheveux et tira, comme pour s’arracher à la réalité.
Julien se figea, le sang glacé dans ses veines.
— Smith… souffla-t-il, la voix devenue un murmure à peine audible. Dis-moi ce qui se passe. S’il te plaît.
Comme si ces mots doux avaient brisé le dernier de ses barrages, Smith s’effondra. Littéralement. Il se laissa choir sur le matelas, son visage retourné à nouveau contre ses paumes, des sangs déchirants lui déchirant la poitrine. Des larmes brûlantes inondaient ses joues, traçant des sillons luisants sur sa peau.
Julien n’hésita plus. Il traversa la pièce en deux enjambées et se laissa tomber à genoux devant lui. Avec une infinie délicatesse, il entoura les poignets de Smith de ses doigts et écarta ses mains, dévoilant un visage ravagé par une angoisse qu’il ne comprenait pas.
Il plongea son regard dans celui, noyé de larmes, de son ami. Et il dit la vérité, doucement, mais avec une certitude qui ne trompait pas.
— T’es pas mon Smith, hein ?
Les yeux de Smith s’écarquillèrent, la panique y dansant une danse folle. La terreur pure.
—Comment… ? parvint-il à haleter, son cœur battant une chamade désordonnée contre ses côtes.
— J’ai tout de suite su en te voyant dans cet état, expliqua Julien, en caressant le dos de sa main d’un pouce apaisant. Mon Smith… il ne pleure jamais. Il n’a jamais peur.
À cette révélation, quelque chose en Smith se brisa définitivement. Une plainte rauque s’échappa de ses lèvres avant qu’une nouvelle vague de larmes, plus violente, ne le submerge. « Un bon à rien », pensa-t-il amèrement, les mots de sa vraie mère résonnant dans son crâne. « Je ne peux même pas réussir à être quelqu’un d’autre. »
— Eh, doucement, calme-toi, le supplia Julien, se relevant pour s’asseoir à côté de lui sur le lit, sans jamais lâcher ses mains glacées. Chut… respire. Et explique-moi. Raconte-moi tout.
D’une voix brisée, entrecoupée de sanglots et de silences lourds, Smith se vida. Il parla du placard, du rejet, du regard déçu de ses parents. Il décrivit l’oppression quotidienne, l’obligation de cacher son vrai soi, jusqu’à ce rendez-vous forcé, cette femme inconnue qu’on lui destinait comme un ultime châtiment.
— Et puis… après ça, j’ai atterri ici, finit-il par murmurer, épuisé, son visage étant une carte de détresse.
Julien resta silencieux. Un silence si long et si profond que Smith crut que le monde s’était arrêté de tourner. Il regardait son ami, immobile, les traits figés, et sentit la panique remonter en lui, plus forte. Sa respiration devint sifflante, son buste se soulevant par à-coups. Il se noyait dans ce silence.
Soudain.
— AH ! s’exclama Julien, frappant son poing contre sa paume, faisant sursauter Smith qui cligna des yeux, sa crise naissante stoppée net.
— Tu m’as fait peur, se plaignit-il faiblement.
— Désolé ! rit Julien, un peu gêné, en se grattant la nuque. C’est juste que… j’ai réfléchi. Et je crois savoir comment faire. Je connais une chamane. Une vraie. Elle pourra peut-être nous expliquer pourquoi et comment tu es arrivé ici, et… s’il y a un moyen pour que tu retournes dans ton monde.
Les derniers mots tombèrent comme une sentence. Une douleur aiguë transperça la poitrine de Smith.
Il veut que je reparte.
La réalité le frappa de plein fouet, cruelle et logique. Cette vie n’était pas la sienne. Cette famille, cet ami, ce fiancé… c’était un emprunt. Un rêve volé. Il avait un devoir ailleurs, une femme qu’il n’aimait pas l’y attendait.
— Je vais la contacter, voir si elle peut nous prendre ce soir même, qu’en dis-tu ? s’enthousiasma Julien en sortant déjà son téléphone de sa poche. Comme ça, tout va s’arranger, tu verras !
Smith tourna lentement la tête vers la fenêtre. Dehors, le soleil brillait, implacable et joyeux, indifférent au drame qui se jouait dans cette chambre.
Il ferma à demi les paupières, une larme résiduelle roulant sur sa tempe.
— Oui, murmura-t-il d’une voix éteinte, presque un souffle. Bientôt, tout va s’arranger.
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Comments
Ichigo Kurosaki
ça a bouleversé ma vie
2025-10-17
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