Chapitre 5_ La chasse aux trésors

Acte 1, Scène 5

La lettre sentait l’encre humide et l’obsession. Eliana la relisait pour la troisième fois, ses yeux verts parcourant chaque vers comme si les mots eux-mêmes voulaient lui mordre la peau.

Un poème. Un ridicule poème, truffé de métaphores et de rimes bancales. Pourtant, elle savait qu’il y avait un indice caché. Un code. Une piste.

Et elle ne le trouvait pas.

Elle s’assit à son bureau, tapotant ses doigts contre le bois.

On me compare à Mercredi Addams ? Quelle insulte… pour elle.

Elle, au moins, aurait déjà déterré la solution.

Un raclement de gorge la tira de ses pensées. Joshua – son pot de colle attitré – la fixait avec ses grands yeux inquiets.

— « Eliana… tu sembles stressée… quelque chose ne va pas ? »

Eliana haussa un sourcil, son ton glacé claqua comme une gifle.

— « Moi, stressée ? Si j’étais stressée, il y aurait déjà des cadavres pour en témoigner. »

Joshua hésita, prête à battre en retraite. Mais contre toute attente, Eliana reprit, sa voix moins dure :

— « Disons que je participe à… une chasse aux trésors. On m’a donné une énigme, et je dois la résoudre pour trouver le butin. »

Joshua s’assit sans demander, attrapa le poème et le lut avec lenteur. Ses lèvres murmurèrent les vers, puis soudain ses yeux s’écarquillèrent.

— « Regarde la première lettre de chaque vers… ça forme une adresse. »

Eliana se figea. Comment avait-elle pu manquer ça ? Une onde d’excitation parcourut son corps. Sans réfléchir, elle se jeta dans les bras de Joshua. Son sourire carnassier éclata, presque enfantin.

Puis, aussi vite qu’elle l’avait enlacée, elle reprit ses distances, son masque d’arrogance retombant.

— « Félicitations, Joshua. Ta dette envers moi est effacée. Tu n’as plus à me suivre comme une ombre. »

Joshua ouvrit la bouche pour répondre, mais Eliana lui tourna le dos, froide comme la lame d’un scalpel.

La découverte

L’adresse la mena dans une ruelle déserte. L’air y était humide, saturé d’odeurs de rouille et de pluie prochaine. Sous une pierre branlante, elle trouva une petite boîte métallique.

À l’intérieur, des photos.

Elle. Partout.

Elle seule, marchant dans la rue. Elle en cours. Elle lisant, observant, s’isolant.

Puis, des clichés plus anciens. Beaucoup plus anciens. Une fillette rousse, les mêmes yeux verts flamboyants. C’était elle. À huit ans. À six ans. À trois ans.

Eliana sentit son estomac se contracter. Quelqu’un avait suivi sa vie entière. Quelqu’un avait gardé trace de son existence, comme si elle n’avait jamais appartenu à elle-même.

Au fond de la boîte, un papier griffonné : un numéro de téléphone.

L’appel

Sans hésiter, elle composa. Chaque bip résonnait comme une sentence.

Un souffle. Une voix.

— « Alors, tu as réussi à la trouver. Pas toute seule, mais ce qui compte, c’est que tu l’as trouvée. »

Sa mâchoire se crispa.

— « Qui es-tu ? »

Un petit rire, bas et suave.

— « Tu crois vraiment que je vais me dévoiler maintenant ? Ce serait gâcher le plaisir. »

— « Montre-toi. »

— « Pas encore. Notre rencontre n’est pas pour sitôt. Mais elle viendra. Tout vient à point à qui sait attendre. »

Il marqua une pause, puis ajouta avec une douceur malsaine :

— « Garde ce numéro. Ne m’appelle jamais, je ne répondrai pas. C’est moi qui te contacterai… quand ta voix me manquera. »

Et il raccrocha.

La pluie

Le silence la heurta plus fort que les mots. Eliana resta figée, le téléphone contre son oreille, son souffle court.

La pluie se mit à tomber, dense, drue, effaçant les contours du monde. Elle leva le visage vers le ciel. Pour la première fois de sa vie, elle ne souriait pas.

Elle, Eliana Crawford, la fille qui prenait tout de haut, la prédatrice ironique et insensible… se sentait perdue.

Un rire sec lui échappa pourtant, presque imperceptible.

— « Voilà donc à quoi ressemble l’impuissance… Un goût amer, mais fascinant. »

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