Acte 1, Scène 2
Après son petit sabotage, Eliana arriva enfin chez elle. Elle resta immobile quelques minutes, à fixer la porte d’entrée comme si elle s’attendait à ce qu’elle se mette à respirer. Puis elle inspira profondément avant de tourner la clé et franchir le seuil.
À peine à l’intérieur, elle se précipita vers les escaliers quand une voix l’arrêta net.
— « Ma chérie, tu rentres sans venir dire bonsoir ? »
En bas, se tenait une femme d’âge mûr, le visage illuminé par un sourire bien trop lumineux au goût d’Eliana.
— « Bonsoir, mère. »
Et oui, cette femme qui empeste la joie et la médiocrité est bien celle qui m’a engendrée, pensa-t-elle.
— « Ce soir, c’est le dîner de famille. Les voisins sont là aussi, viens t’asseoir avec nous. »
Un silence pesant s’installa.
— « Les repas de famille, c’est comme des enterrements… sauf qu’on enterre la conversation. »
— « Est-ce un oui ou un non ? »
— « Bonne nuit, mère. »
Elle se détourna et monta les escaliers. À la dernière seconde, la voix de sa mère retentit, criarde :
— « Tu vas le regretter ! »
Le claquement brutal de la porte de sa chambre fut sa seule réponse. Eliana s’installa sur son lit, alluma la radio et commença à marteler le bouton skip.
— « Les tomates farcies de… » Skip.
— « Un chat adopté par… » Skip.
— « Une femme sauvée d’un cancer… » Skip.
Puis une voix grave annonça :
— « La petite Chloé, six ans, disparue hier soir, a été retrouvée morte dans une ruelle à 173 km de chez elle. Son corps a été découvert par un passant… »
Eliana arqua un sourcil, captivée.
— « La chance… Moi je n’ai encore jamais découvert de scène de crime. Le seul cadavre dont j’ai été témoin était celui de ma grand-mère. Mort naturelle : un ennui mortel. J’aimerais tellement en voir un vrai. »
Sous le bavardage journalistique, elle finit par s’endormir.
Le lendemain, Eliana entra dans la douche… et y trouva son frère.
— « Ahhhhhh ! Mais qu’est-ce que tu fous là ?! Dégage ! » hurla Henri, tentant de se couvrir avec le rideau.
— « Mon rêve s’est-il réalisé ? Suis-je enfin devenue paranoïaque ? »
— « Moi mon rêve, c’est que tu disparaisses, espèce de psychopathe ! »
Un sourire en coin. Mission accomplie : semer le malaise.
Dans la cuisine, Eliana lança :
— « Quand est-il rentré ? »
— « Qui ça ? » demanda sa mère.
— « Ta progéniture clandestine. »
Soupir.
— « Ton fils, quand est-il rentré ? »
— « Ah ! Hier soir. »
— « S’il est là… cela signifie que l’autre est là aussi ? »
L’autre, c’était Justin, le meilleur ami de son frère. La seule personne à n’avoir jamais reçu de menace de mort de la part d’Eliana.
— « Oui, il était même présent au dîner d’hier. »
Tu regretteras… La phrase de sa mère lui revint brutalement.
— « Le petit-déjeuner est presque prêt. Tu attends ? »
— « Ça ira. Je vais prendre un fruit du péché. »
Elle saisit une pomme et, avant de partir, ouvrit le robinet d’eau brûlante. Le cri strident d’Henri résonna à l’étage. Satisfaite, Eliana sortit, sourire aux lèvres.
À la fac, elle détestait chaque seconde. Un lieu saturé de puberté, de préservatifs usagés, de cocaïne, d’alcool… et pire que tout : d’amour.
En cours, l’enseignant finit par l’interpeller.
— « Mademoiselle Crawford, pourriez-vous faire semblant de m’écouter ? »
— « Désolée, je suis une piètre hypocrite. »
— « Avec plus d’efforts, vos notes seraient excellentes. »
— « Vos notes mesurent ma patience, pas mon intelligence. »
— « Je ne vous comprends pas. »
— « Si je voulais être comprise par des médiocres, j’aurais choisi une autre vie. »
— « Quelle arrogance ! »
— « Ce que vous appelez arrogance, moi j’appelle ça lucidité. »
Elle rassembla ses affaires.
— « Où allez-vous ? Les cours ne sont pas terminés ! »
— « Il est 17 h 30 pile. »
— « Mais la cloche n’a pas sonné ! »
— « Ça, ce n’est pas mon problème. »
Quelques secondes plus tard, la sonnerie retentit.
Dans la rue, une silhouette surgit d’une ruelle sombre et la percuta avant de disparaître. Intriguée, Eliana entra dans la ruelle. Ses sens s’aiguisèrent immédiatement. Là, derrière une poubelle, gisait un corps inerte.
Celui de son professeur.
Un sourire éclata sur ses lèvres. Son corps tremblait… d’excitation. Elle pleurait… de joie.
— « Mon rêve le plus cher vient de se réaliser. »
Témoin. Suspect n°1. Mais victime ? Certainement pas.
Est-ce une coïncidence… ou quelqu’un orchestre-t-il ce théâtre macabre pour moi ?
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