Chapitre 5 — Le marché des âmes

L’air était lourd, saturé d’une humidité poisseuse et d’odeurs mêlées de cendre, de fer rouillé, et d’encens brûlé trop longtemps. Dans les entrailles labyrinthiques du bas-monde, là où la lumière ne perçait plus depuis des décennies, un murmure continu s’élevait, souterrain et oppressant. C’était le souffle vivant d’Étheria décomposée, le sang palpitant d’une cité au bord du gouffre.

Nyrah avançait sans regarder devant elle, ses pas résonnant sourdement contre les pierres usées des ruelles étroites. Son regard fuyant s’attardait parfois sur les façades délabrées, là où des affiches déchirées promettaient la liberté, la fortune, la sécurité… autant de mensonges destinés aux Disparus. Elle avait appris à ne plus rêver. Seul le silence pouvait apaiser les tempêtes dans sa poitrine.

Mais ce soir-là, un événement cruel bouleversait le fragile équilibre du sous-monde. Le marché des âmes ouvrait ses portes.

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Une foire d’ombres et de douleur

Le marché ne ressemblait en rien à ce qu’on pourrait imaginer d’une place de commerce ordinaire. Ici, on ne vendait ni denrées, ni tissus, ni bijoux. On vendait ce qu’il restait de l’humain quand l’espoir s’était évaporé : des fragments d’âme, des serments brisés, des secrets dérobés dans la nuit.

Sous des tentes noires comme le charbon, dans une atmosphère saturée de fumée épaisse, des silhouettes encapuchonnées troquaient des reliques mystiques, des potions interdites, des cris capturés dans des fioles – des cris que les Élus utilisaient pour alimenter leurs pouvoirs.

Nyrah se figea devant un stand où une femme à la peau tatouée de runes anciennes exposait des colliers d’ossements et des pendentifs scintillant d’une lueur surnaturelle. Une pierre noire reposait au centre, pulsatile, comme si elle contenait un cœur battant.

« Ce sont des fragments d’âmes volées aux Disparus », murmura une voix rauque derrière elle.

Kaël.

Elle se retourna brusquement, surprise, son cœur serré par cette apparition inattendue. Kaël, en uniforme sombre marqué de l’emblème des Élus, fixait intensément les objets exposés, ses traits fermés dissimulant mal une tension palpable.

« Qu’est-ce que tu fais ici ? » demanda Nyrah, sa voix à peine audible, étranglée par un mélange de peur et de colère.

Kaël haussa les épaules, comme si la réponse allait de soi. « Je surveille. Ces objets servent à alimenter les rituels. Sans eux, la magie des nobles s’effondrerait. »

Le marché était un secret bien gardé des puissants, un lieu où se nouaient des alliances macabres et où la souffrance servait de monnaie d’échange.

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La révélation des chaînes invisibles

Nyrah sentit un frisson lui remonter l’échine. Chaque objet ici témoignait d’une violence indicible, d’un abus infligé au peuple des Disparus. Elle savait que la magie noire des Élus ne pouvait se nourrir que de cette douleur, mais voir la matérialisation concrète de ce commerce lui faisait mal, plus profondément que tous ses cauchemars.

« Et ces âmes… ils les gardent où ? » demanda-t-elle d’une voix tremblante.

Kaël détourna les yeux. « Dans des chambres scellées, sous le palais. Des sortes de réservoirs, où la souffrance est stockée pour être distillée aux moments-clés. »

Nyrah pensa à sa propre lignée, exterminée pour avoir tenté de briser ces chaînes, de rétablir un équilibre, une justice oubliée. Elle sentit une boule se former dans sa gorge.

« Je ne peux plus rester spectatrice, Kaël. »

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Un marché d’âmes, un jeu de dupes

Un cri perça soudain le brouhaha : une dispute éclatait entre deux acheteurs. Des gardes encapuchonnés surgirent, armes déployées, prêts à faire régner l’ordre par la force.

Kaël attrapa le bras de Nyrah. « C’est dangereux ici. »

« Alors pourquoi tu restes ? » répondit-elle durement, tentant de retenir la révolte qui grondait en elle.

Il la regarda, cette fois sans masque, révélant une fatigue et une douleur qu’elle n’avait jamais vue chez lui. « Parce que je ne suis pas sûr que ce système soit aussi stable qu’ils le croient. »

Un éclair d’espoir traversa l’esprit de Nyrah. Peut-être que, malgré tout, il n’était pas un simple serviteur du pouvoir.

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Rencontre au cœur des ténèbres

Ils s’éloignèrent du marché, cherchant un endroit plus calme. Nyrah le mena dans une vieille bâtisse abandonnée, dissimulée sous des vrilles noires et des ombres mouvantes.

« Pourquoi m’a-t-on désignée comme coupable des meurtres ? » demanda-t-elle, brisant le silence.

Kaël fronça les sourcils. « Parce que tu es l’héritière maudite, la dernière descendante des Velyn. Ceux qui veulent garder le pouvoir te voient comme une menace. »

Nyrah sentit son cœur se serrer. Toute sa vie, elle avait fui ce poids, ce stigmate.

« Tu ne me crois pas ? »

Kaël hocha la tête. « Pas entièrement. Mais je ne suis pas sûr de pouvoir te protéger non plus. »

Le silence retomba, lourd et chargé d’émotions inexprimées.

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Les ombres du passé

Nyrah pensa à ses cauchemars, aux souvenirs éclatés de son enfance brisée, à la trahison qui avait déchiré sa famille. La magie organique, liée à ses émotions, la consumait parfois, la forçant à lutter contre elle-même pour ne pas sombrer.

Elle posa une main tremblante sur sa poitrine. « Cette magie est à la fois un don et une malédiction. »

Kaël approcha, hésitant, comme attiré par une force qu’il ne comprenait pas encore. « Peut-être que, ensemble, nous pourrions trouver un moyen de briser cette malédiction. »

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Une alliance fragile

Leurs regards se croisèrent, lourds de méfiance, de douleurs partagées, mais aussi d’une étincelle fragile d’espoir.

« Mais comment faire confiance à quelqu’un qui représente le pouvoir qui m’a détruite ? » murmura Nyrah.

« Je ne suis pas ce pouvoir. Je suis juste un homme qui a fait des erreurs et qui cherche une rédemption. »

Leur conversation fut interrompue par un bruit sourd : un garde venait de franchir la porte. Instinctivement, Kaël attrapa Nyrah et la tira dans l’ombre, juste à temps pour disparaître dans un dédale de couloirs secrets.

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Le poids du destin

Dans cette obscurité, la tension monta d’un cran. Nyrah comprit que sa vie venait de basculer une fois de plus. Poursuivie par le pouvoir, traquée pour un crime qu’elle n’avait pas commis, et liée malgré elle à un homme qu’elle devait apprendre à connaître.

Elle sentit, au fond d’elle, que c’était le début d’un chemin terrible, mais aussi peut-être le seul qui lui permettrait d’échapper à sa prison intérieure.

Le marché des âmes n’était qu’un avant-goût des horreurs à venir.

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Alors qu’ils s’éloignaient, dissimulés par la nuit et la pluie fine, un cri déchirant s’éleva dans la cité flottante, porteur d’une menace nouvelle : un rituel interdit venait d’être déclenché, capable de réveiller des forces obscures enfouies depuis des siècles.

Nyrah et Kaël échangèrent un regard : leur combat ne faisait que commencer.

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Voilà, ce chapitre 5 met en place un tournant crucial entre l’univers corrompu du bas-monde, la nature du pouvoir des Élus, et la complexité croissante entre Nyrah et Kaël. La tension monte, le mystère s’épaissit, et le lecteur est invité à plonger plus profondément dans la noirceur et la magie d’Étheria.

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