Cinq années avaient passé.
Le village n’était plus le même. Les murs étaient plus colorés, les visages plus
doux, et les voix, moins inquiètes la nuit. Aria, elle, avait grandi. Sa silhouette
était devenue celle d’une jeune femme accomplie, mais son regard portait
encore cette douceur lumineuse qui la rendait unique.
Roy et sa grand-mère étaient partis pour quelques jours dans un village voisin, et
Aria, seule, avait repris sa routine quotidienne.
Ce jour-là, elle s’enfonça plus loin que d’habitude dans la forêt. Ses doigts
cueillaient des fleurs sauvages, des lys pâles, des pivoines mauves, et des roses
boisées pour la vieille dame.
Mais en marchant, elle ne vit pas le temps passer.
Les ombres s’étiraient. La lumière s’amenuisait. Un frisson parcourut son dos.
Soudain, au détour d’un sentier noyé sous les feuilles d’automne, elle le vit.
Un château.
Majestueux, ancien, comme arraché à un conte oublié. Ses tours touchaient
presque les nuages. Le lierre enlaçait les pierres grises, et des corbeaux
tournaient lentement autour de ses créneaux.
Aria resta figée.
Une mélodie sourde, presque inaudible, semblait flotter depuis les murs.
Quelque chose… un appel… ou un avertissement ?
Le ciel s’obscurcissait. Aria fit demi-tour précipitamment, son panier à la main,
mais déjà les chauves-souris apparaissaient — silhouettes noires planant autour
de la lune rouge qui s’élevait.
Le cœur battant, elle se mit à courir, ses jupes accrochées aux branches, ses
bottes glissant sur les feuilles.
Puis elle trébucha.
Une pierre mal placée, un cri étouffé, un choc.
Elle bascula en avant, son panier éclata, les fleurs se dispersèrent sur le sol. Son
genou heurta la terre. Et dans ce chaos, elle heurta un homme.
Mais il ne tomba pas. Il l’évita. Il se redressa, silhouette imposante enveloppée
dans une cape noire.
Il tourna le dos, prêt à disparaître.
Aria, les mains tremblantes, attrapa son poignet.
« Qui êtes-vous ?! » cria-t-elle.
Elle n’avait pas réfléchi. Son instinct avait parlé. Sa voix portait la peur, mais aussi
un écho lointain… comme une mémoire oubliée.
L’homme se figea. Puis, lentement, il se tourna.
Ses yeux rouges la transpercèrent.
« Lâche-moi. » Sa voix était glaciale, tranchante.
« Sale humaine… comment oses-tu me toucher ? »
Il s’approcha d’un pas, et d’un souffle rauque, il murmura comme une
malédiction :
> « Tu n’as donc rien entendu…
Derrière mes murs, un souffle s’élève…
Un vent brûlant… une douleur sans trêve… »
Sa voix tremblait de colère, mais quelque chose d’autre aussi… un désespoir
ancien, un chagrin figé.
Il tourna les talons. Mais Aria, sans comprendre pourquoi, attrapa le pan de sa
cape.
Le tissu glissa.
Sa capuche tomba.
Et alors elle vit.
Le visage du Roi.
Pas un monstre.
Un homme.
Un homme à la beauté inhumaine, des traits parfaits, presque irréels. Sa peau
pâle captait la lumière moribonde du ciel. Ses cheveux sombres encadraient un
regard profond, rouge comme le crépuscule.
Aria resta pétrifiée, les yeux rivés à lui, hypnotisée.
Le Roi la regarda, surpris de son silence. Il s’attendait à un cri, à un pas de recul,
à la peur habituelle.
Mais elle restait là, émerveillée.
Et cela… le troubla profondément.
Il gronda.
Puis, d’un geste brusque, il la repoussa.
Son cœur battait plus vite, mais ce n’était plus la peur.
Le Roi des Ombres ouvrit ses ailes noires, gigantesques, et dans un souffle de
vent et de silence, il s’envola vers le ciel.
Aria resta là, seule, les fleurs éparpillées autour d’elle.
Mais quelque chose en elle avait changé.
Elle savait maintenant…
> Ce n’était pas un rêve.
Il existe.
Et il souffre.
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