Chapitre 2
Le ciel était gris ce jour-là, d’un gris profond, presque hostile, comme s’il avait choisi de pleurer avec elle. De lourds nuages s’amoncelaient au-dessus du cimetière, menaçant d’éclater à chaque instant. Le vent faisait frissonner les arbres, arrachait les feuilles trempées pour les jeter au sol, comme s’il accompagnait le chagrin de la terre elle-même.
Imaya, emmitouflée dans un manteau noir trop grand pour elle, se tenait droite, les épaules raides malgré les tremblements de ses mains. À seulement dix ans, elle avait déjà compris que le monde ne promettait ni justice, ni consolation. Parfois, les pires cauchemars naissaient dans la lumière des foyers, sous le regard indifférent des dieux.
Autour d’elle, les adultes murmuraient, comme si le chagrin ne pouvait s’exprimer qu’à voix basse.
— Quel tragique accident…
— Un cambriolage qui a mal tourné…
— Ce pauvre homme, un avocat si respecté…
Mais Imaya savait que tout cela était faux.
Elle avait vu. Elle n’avait pas voulu, mais elle avait vu. La peur dans les yeux de sa mère. Le canon de l’arme. Le regard bleu, glacial comme la lame d’un couteau. Et ce silence après le coup de feu.
La scène avait été maquillée : vol, agression, banal fait divers. Les policiers avaient refermé leurs carnets trop vite. L’affaire classée.
Elle, on l’avait envoyée vivre chez un oncle lointain — un homme sec et silencieux, qui noyait ses douleurs dans un vieux thermos de café. Il ne parlait jamais de la mort, ni de la douleur. Il la laissait s’installer dans les silences, dans les recoins, comme une présence familière.
Parfois, il posait sur elle un regard vague, chargé d’une pitié muette. Comme s’il voyait en elle un fantôme déjà figé entre deux mondes.
Quand le cercueil de son père fut descendu dans la terre mouillée, Imaya sentit un frisson la parcourir de la nuque jusqu’aux pieds. Le froid s’insinua en elle, plus réel que la pluie, plus lourd que le chagrin. Et, à cet instant précis, quelque chose se brisa en elle.
Son regard se durcit.
Elle serra les poings si fort que ses ongles s’enfoncèrent dans sa chair, traçant dans ses paumes de fines lignes rouges. Elle ne pleura pas. Pas cette fois.
Elle se fit une promesse. Un serment silencieux, posé là, au bord d’une tombe encore fraîche.
Elle ne les oublierait jamais.
Elle retrouverait ce regard bleu dans la foule.
Et elle lui ferait payer.
Elle se jura aussi de ne plus jamais être faible. De ne plus jamais trembler. De devenir plus forte que la peur elle-même.
Dans le ciel, le tonnerre gronda à nouveau, long et grave, comme un écho céleste à sa promesse.
Le vent, lui, effaçait déjà les paroles creuses des adultes. Imaya comprit alors qu’elle était seule désormais. Seule face à son destin.
Elle ferma les yeux un instant, laissant la douleur la traverser comme un souffle glacé. Puis elle les rouvrit. Elle n’était plus une enfant. Elle était une promesse.
Un éclair fendit le ciel, illuminant brièvement les visages. Les têtes se tournèrent vers la lumière, surprises. Mais Imaya, elle, resta immobile. Les yeux fixés sur la tombe.
Elle savait que ce regard bleu reviendrait un jour.
Et ce jour-là, elle serait prête.
Car la peur ne disparaît jamais.
On apprend simplement à la dompter.
Et sous la pluie, Imaya fit un pas en avant, laissant derrière elle les derniers éclats de l’enfant qu’elle avait été.
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