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Marco avait passé la nuit à tourner en rond. Il s’était réveillé plusieurs fois en sueur, hanté par des rêves où Enzo pleurait, enfermé dans une pièce sombre, appelant son nom sans qu’il puisse le rejoindre. Le visage d’Eden apparaissait ensuite, lumineux, troublant, tendant la main… avant d’être arraché par une ombre inconnue.
Il s’était levé à l’aube, avait tiré les rideaux et contemplé l’horizon. Le ciel s’embrasait de rouge et d’or. Il détestait ces moments de beauté. Ils le forçaient à ressentir. À se souvenir qu’il était humain.
Un coup discret à la porte le tira de ses pensées.
— Entre, grogna-t-il.
Sandro passa la tête.
— Le conseil est là dans une heure. Et… Eden a demandé un rendez-vous privé avant la réunion.
Marco serra la mâchoire.
— Il est partout, ce type.
— Il te fascine, répondit Sandro avec un petit sourire.
— Il m’épuise. Et il m’obsède.
— Tu veux que je l’envoie balader ?
Marco hésita. Puis, à contre-cœur :
— Non. Dis-lui de monter.
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Eden entra dans le bureau une demi-heure plus tard. Il avait laissé tomber le costume strict pour une tenue plus simple : une chemise bleu nuit et un pantalon noir ajusté. Élégant, sans être provocant. Marco nota malgré lui à quel point cette simplicité le rendait… attirant.
— Bonjour Marco, dit Eden, un ton calme et posé.
— Tu joues à quoi ? demanda Marco sans lever les yeux.
— À rien. Je suis venu te parler. De toi. De ton frère. Et peut-être… de nous.
Marco haussa un sourcil.
— De "nous" ? Il n’y a pas de "nous", Eden.
— Pas encore, murmura Eden.
Le silence tomba. Marco inspira profondément.
— Tu ne devrais pas t’approcher de moi.
— Pourquoi ? Parce que tu me détestes ?
— Parce que je ne sais pas ce que je ressens. Et que ça me terrifie.
Eden s’approcha lentement, cette fois encore sans le toucher.
— Et si je t’écoutais ? Si tu me racontais vraiment ? Pour Enzo. Pour toi. Pour ce qui t’a brisé.
— Tu crois que ça m’aiderait ?
— Je crois que ça nous aiderait.
Marco se leva brusquement. Il tourna le dos à Eden, les mains crispées.
— Il a failli mourir. Il avait quinze ans. Quinze ! Et il me suppliait de le tuer parce qu’il ne supportait plus de se sentir sale. Je suis allé traquer son agresseur moi-même. Je l’ai fait torturer. Je l’ai détruit.
Eden resta immobile, silencieux.
— Et tu sais ce qui a été le pire ? reprit Marco. Enzo m’a supplié d’arrêter. Il m’a dit que tant que je haïssais les Omégas à cause de ce qu’il avait subi, je laissais gagner ce monstre.
Il se retourna, le regard tremblant.
— Je suis incapable d’aimer. Je suis une bombe à retardement, Eden.
— Alors je resterai à tes côtés. Pas pour désamorcer la bombe… mais pour t’apprendre à ne pas l’allumer.
Marco le fixa. Puis, dans un élan qu’il ne comprit même pas, il s’approcha. Il posa une main sur la joue d’Eden. Son pouce caressa machinalement la peau chaude.
— Tu me rends vulnérable, murmura-t-il.
— Et moi, tu me rends vivant.
Marco ferma les yeux. Il voulut l’embrasser… mais se ravisa à la dernière seconde. Il recula, troublé.
— Va-t’en, Eden. Avant que je fasse une erreur.
Eden recula doucement, sans colère.
— D’accord. Mais je reviendrai. Chaque fois que tu voudras fuir, je reviendrai.
Il sortit.
Marco resta seul, le cœur battant comme jamais.
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Pendant ce temps — Loin de là, dans une ruelle abandonnée
— Tu es sûr que c’est lui ? demanda l’homme à la voix grave.
— Certain, répondit le plus jeune. Eden Valenti. C’est lui. J’ai sa photo, son dossier, tout.
L’homme tira une bouffée de cigarette.
— Il n’aurait jamais dû revenir. Il avait disparu. Mort ou en fuite, on s’en foutait. Mais maintenant qu’il se rapproche de De Luca…
— Tu veux que je m’en occupe ?
— Non. Pas encore. On observe. On attend. Et s’il commence à parler du passé… alors on l’élimine.
Il écrasa sa cigarette sous sa botte.
— Cette fois, je ne laisserai pas un Oméga foutre en l’air tout ce qu’on a construit.
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Chez Eden — Nuit tombée
Eden rentra chez lui, épuisé. Il se servit un verre de vin, se posa dans le canapé et caressa lentement la cicatrice fine qui courait sur son poignet gauche. Un vestige d’un passé qu’il croyait enterré.
— Tu n’as pas changé, murmura-t-il pour lui-même. Toujours attiré par les flammes.
Son téléphone vibra.
Un message.
Inconnu : Tu ne devrais pas remuer les morts, Eden. Certains secrets ne veulent pas être réveillés.
Il resta figé un instant. Puis il effaça le message.
Son passé le rattrapait.
Et Marco n’était pas le seul à porter des cicatrices.
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