L’ordre était tombé, implacable.
Le roi, dans toute sa froideur, commanda à ses chevaliers de se rendre au village draconique pour l’anéantir jusqu’au dernier souffle. Aucun survivant. Aucune pitié. Les sabots des montures martelèrent les terres, résonnant comme le glas de l’innocence.
Akil, de son côté, faisait route vers ce même village, ignorant encore l’horreur qui l’y attendait. Lorsqu’il arriva, il était trop tard. Le massacre avait déjà eu lieu.
Le silence pesait lourd, comme après une tempête. Le village n’était plus qu’un amas de ruines fumantes. Les dragons avaient tenté de défendre les leurs, mais leur résistance n’avait pas suffi. L’air empestait le sang et la cendre. Pourtant, Akil n’hésita pas une seule seconde. Il s’élança dans ce chaos, le cœur battant d’une rage sourde.
Sairys, ce jour-là, s’était lui aussi dressé contre les envahisseurs. Il protégeait la jeune Asuka, blottie sous son aile. Akil les aperçut de loin, et courut dans leur direction. Mais avant qu’il ne les atteigne, un chevalier se dressa devant lui.
— « C’est le gamin de l’autre fois. »
À ces mots, Akil le fixa. Son regard, chargé de haine et d’un feu intérieur incontrôlable, sembla transpercer l’armure. Le chevalier prit feu sur place, hurlant, consumé par la magie enragée de l’enfant. Sans même accorder un regard à la scène, Akil continua sa course vers Sairys.
— « Sairys, emmène Asuka et sauvez-vous. »
Le dragon tourna la tête, ses yeux brillants de tension.
— « Es-tu sûr de toi, mon ami ? Et que fais-tu de ta sœur ? »
— « Si elle reste ici, elle mourra comme les autres. Je prendrai en charge les survivants. »
Sairys plongea son regard dans le sien. Un long silence s’installa. Puis, solennellement :
— « Très bien. J’emmènerai ta sœur loin d’ici. Mais tu dois me promettre de survivre. »
— « Je n’ai pas l’intention de mourir de sitôt. »
Alors qu’il s’apprêtait à faire demi-tour, Akil s’arrêta, comme frappé par un souvenir. Il revint sur ses pas, tendit un petit objet à Sairys.
— « Sairys... À son réveil, remets-lui ceci de ma part. »
C’était un collier. Celui de leur mère. Le dragon le prit délicatement entre ses serres.
— « Tu peux compter sur moi. »
Sairys s’envola dans un battement d’ailes gigantesque, emportant l’enfant, tandis qu’Akil le regardait s’élever vers le ciel, la gorge nouée par un adieu silencieux.
— « Je fais confiance en toi, Sairys. »
Après leur départ, Akil entreprit l’impossible. Il rassembla les rares survivants. Parmi eux, Fafnir et Naelyan, gravement blessés mais encore debout, purent s’échapper avec lui. Ensemble, ils trouvèrent refuge sur l’île de Mandragore. Mais le répit ne dura pas.
Les enfants, victimes du rituel interrompu, commençaient à montrer des symptômes inquiétants. Fafnir, dans un souffle râpeux, murmura avec une gravité poignante :
— « Akil, tu es le dernier debout parmi nous. Tu es le seul espoir de notre communauté. »
Mais Akil, les poings serrés, refusa de céder à la fatalité :
— « Ne dites pas cela. Nous allons vous sauver. »
Fafnir, le regard voilé, secoua lentement la tête.
— « Il est déjà trop tard pour nous. Nous allons disparaître de ce monde… et nos enfants nous suivront dans l’au-delà. »
Karla, bouleversée, demanda avec inquiétude :
— « Voulez-vous dire qu’ils sont condamnés ? »
Naelyan, d’une voix morne :
— « Malheureusement. Il est impossible de changer les choses. À ce stade… nous sommes impuissants. »
Fafnir tourna une dernière fois ses yeux vers Akil.
— « Akil, tu as été béni par Grael, le dragon de terre. Il t’a confié son pouvoir. Utilise-le… pour restaurer l’harmonie dans ce monde. »
Akil, tremblant :
— « Ne partez pas… Je vous en prie, restez… »
Naelyan posa une patte apaisante sur son épaule.
— « Nous retournons dans le monde spirituel des dragons. »
— « Cela ne signifie pas que nous vous abandonnons, » ajouta Fafnir. « Nous resterons toujours présents à vos côtés. Notre essence vivra à travers vous. »
— « Que va-t-il arriver à Karla ? »
Naelyan détourna les yeux, impuissant.
— « Elle était sur le point d’accomplir le rituel… mais sa santé est trop fragile. Je ne sais pas quand elle vous quittera. »
Karla, quant à elle, baissa les yeux.
— « Je m’en doutais. Je vais aussi mourir. »
Puis, tout se précipita.
Les dragons disparurent.
Les enfants s’éteignirent, un à un.
Karla pleura à en perdre la voix. Et c’est dans cette douleur que son souvenir s’éteint.
— « C’est ainsi qu’ils sont morts. », dit Akil d’une voix sourde.
— « Onze ans plus tard, Karla est partie de la même manière que tous ces enfants. Voilà toute l’histoire. »
Asuka, les yeux baignés de larmes, s’écria :
— « Pendant tout ce temps, tu as enduré tant de choses simplement pour nous protéger. C’est vraiment injuste… Ils ne le méritaient pas. Toi non plus, tu ne méritais pas de telles souffrances. »
Akil, la voix calme mais dure, répondit :
— « Tu n’as pas à t’en faire pour moi. De toute façon, aucun regret ne pourra les ramener. »
Keli, qui avait tout entendu, était figée. Honteuse, le regard fuyant, elle finit par murmurer :
— « Ce que ma famille vous a fait reste impardonnable… Je sais que ce que je vais vous demander peut sembler égoïste… Mais je vous en prie, revenez avec nous à Aconit et aidez-nous à repousser les semi-dragons. »
Mais Akil détourna les yeux.
— « Désolé. Débrouillez-vous sans moi. Les hybrides draconiques ne sont pas mon problème. »
— « Euh… », souffla Keli, désemparée.
— « La nuit va bientôt tomber. Je vous suggère de passer la nuit ici. Vous repartirez demain à la première heure. »
Il tourna les talons, disparaissant dans l’ombre, laissant derrière lui une Keli dévastée.
— « Je vous avais prévenu, » dit Asuka doucement. « Il est très difficile de convaincre mon frère, surtout après tout ce qu’il a vécu. »
Plus tard dans la nuit, tandis qu’Asuka dormait paisiblement près de Gwen, Keli, elle, restait éveillée. Ses pensées tournaient en rond. Elle revoyait le visage de la petite Mily, consumée par les flammes. Elle avait promis… mais elle savait, au fond d’elle, qu’elle ne pourrait pas tenir parole.
Pendant ce temps, Akil ne trouvait pas le sommeil non plus. Ses souvenirs le hantaient. Il revoyait sa famille, son village, les rires disparus… et la voix de Karla.
— « Akil, souviens-toi toujours que même si je venais à disparaître, sache que je vivrai toujours en toi. Tout comme Fafnir, Naelyan, le village… et nos camarades. »
— « Repose-toi. Garde tes forces. »
— « Akil… »
Elle avait posé sa main sur sa joue, une lumière douce émanant de ses doigts.
— « Que fais-tu ? »
— « Comme tu l’as fait pour Hasani, je t’offre mes pouvoirs. »
— « Non, arrête ! »
— « Akil… je te demande de me promettre que tu ne laisseras jamais tomber ceux qui auront besoin de toi à l’avenir… Sauve tous ceux que tu pourras sauver. Ne les laisse pas subir le même sort que nous avons subi. »
Et elle rendit l’âme.
Le lendemain, l’air était lourd de silence.
Keli et la capitaine Gwen embarquèrent sur le navire, les cœurs pleins de tristesse.
Keli, résignée, jeta un dernier regard à la plage. Et ce fut à ce moment-là qu’elle les aperçut. Une silhouette familière courait dans leur direction.
— « Gwen… Gwen, regardez ! »
— « Il a changé d’avis ! », s’écria Keli, les larmes lui montant aux yeux.
Asuka arriva en courant, un grand sourire aux lèvres.
— « Mon grand frère a changé d’avis, il est prêt à vous aider ! »
Un chevalier observa Akil avec stupéfaction, s’attendant sans doute à un héros plus… imposant. Mais Akil, malgré sa jeunesse, dégageait une présence qui faisait taire les doutes.
Ils embarquèrent. Le navire s’éloigna lentement de l’île.
Depuis la plage, Akil vit alors quelque chose. Les esprits de Karla et des autres enfants lui faisaient signe. Ils souriaient.
Une voix douce et lointaine s’éleva dans le vent.
— « Explore le monde… nous serons toujours là. »
C’était la voix de Karla.
Et dans ce souffle, Akil sentit renaître une lumière qu’il croyait éteinte.
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