Le lendemain, Isolde ouvrit les yeux dans une chambre qui n’était pas la sienne. Le lit immense, les draps en satin noir, les rideaux épais qui ne laissaient filtrer qu’un mince rayon de lumière… Tout respirait le luxe froid. Elle se redressa lentement, les souvenirs de la veille affluant : le regard tranchant de Kael, ses mots glacials, la promesse implicite qu’elle lui appartenait désormais.
Elle enfouit son visage dans ses mains. Sa sœur Selene l’avait vendue. Pas une métaphore. Vraiment livrée comme une marchandise. Et ce Kael Draven… cet homme, ce démon en costume, avait accepté. Une vague de colère la submergea, mais en dessous, un sentiment plus dangereux vibrait : de la curiosité.
Une servante entra sans prévenir. Une femme sèche, vêtue de noir, qui déposa des vêtements sur le lit sans un mot.
— Le maître vous attend, dit-elle simplement.
Le maître. Le mot lui donna la chair de poule. Elle enfila la robe qu’on lui avait donnée, une robe longue en soie rouge, provocante à souhait. Sans doute choisie par Kael. Elle se sentit exposée, vulnérable, mais décida de garder la tête haute.
Deux gardes l’attendaient à la sortie de la chambre. L’un d’eux, massif, ouvrit le chemin. Les couloirs du manoir semblaient infinis, chaque recoin décoré de tableaux représentant des scènes violentes, des symboles de pouvoir. Elle marchait comme une prisonnière escortée vers son jugement.
Ils débouchèrent dans une vaste salle à manger. Mais ce n’était pas un dîner qu’elle trouva : Kael était assis à l’autre bout de la pièce, une coupe de vin à la main, entouré de plusieurs hommes en costume sombre. Tous la fixèrent à son entrée.
Kael posa calmement son verre et fit signe aux autres de se taire.
— Approche.
Sa voix avait ce ton doux, presque feutré, qui cachait mal une autorité tranchante. Isolde avança, chaque pas résonnant dans le silence.
— Assieds-toi.
Elle s’assit à la table, face à lui. Un garde se pencha vers Kael et murmura quelque chose à son oreille. Kael hocha lentement la tête.
— Amenez-le.
Deux hommes traînèrent un autre individu dans la pièce. Isolde retint un cri : c’était un homme ligoté, le visage tuméfié, les vêtements maculés de sang. Il fut jeté à genoux devant Kael.
— Cet homme, dit Kael calmement, a essayé de vendre des informations sur moi à mes ennemis.
Kael se leva lentement, contourna la table, et s’accroupit devant le prisonnier. Il leva son menton d’une main, presque avec tendresse.
— Qui t’a envoyé ?
L’homme tremblait. Il ne répondit pas. Kael sourit.
— Tu sais ce qui arrive aux traîtres ?
Sans prévenir, il sortit un couteau de sa ceinture. Le geste fut fluide, élégant. Il fit glisser la lame sous le menton de l’homme, assez fort pour tracer une ligne rouge sans appuyer.
— Je vais te poser la question une dernière fois. Qui t’a envoyé ?
— N… non… personne…
Kael soupira, se redressa.
— Débarrassez-moi de lui.
Les gardes entraînèrent l’homme hors de la salle. Isolde resta figée, le cœur battant à tout rompre. Elle avait compris. Kael ne criait jamais. Il n’avait pas besoin de sangloter ni d’éclats de colère. Il ordonnait. Et ses ordres étaient exécutés.
Kael se tourna vers elle.
— Tu as peur.
Elle serra les poings.
— Évidemment que j’ai peur.
Un sourire en coin. Il s’approcha lentement d’elle, posa ses mains sur le dossier de sa chaise, se pencha.
— Bien. La peur est saine. Mais il faut apprendre à la contrôler.
Son souffle caressa sa joue. Elle frissonna malgré elle.
— Tu es à moi, Isolde. Et cela signifie deux choses : personne ne te touchera… mais personne ne pourra te sauver de moi non plus.
Elle détourna les yeux, incapable de soutenir ce regard.
— Pourquoi moi ? répéta-t-elle.
Il ne répondit pas. Il prit place à côté d’elle, versa du vin dans deux verres et lui tendit l’un d’eux.
— Bois.
Elle hésita.
— Ce n’est pas empoisonné, rit-il doucement. Je n’ai pas besoin de poison pour tuer.
Elle but une gorgée. Le liquide sombre glissa dans sa gorge, fort et amer.
Kael posa une main sur sa nuque, la caressant presque. Un geste tendre, mais empreint d’autorité.
— Je veux que tu comprennes une chose, murmura-t-il. Ici, tu n’as pas d’alliés. Pas même cette sœur qui t’a livrée. Si tu veux survivre, tu apprends. Tu regardes. Tu écoutes. Et tu obéis.
Elle voulut répliquer, mais sa main glissa dans ses cheveux, la forçant à lever les yeux vers lui.
— Ne me défie pas, Isolde. Pas encore.
Elle inspira profondément, sentant sa gorge se nouer. Il souriait, mais son regard était froid, tranchant comme une lame.
Kael se leva, fit un signe aux gardes.
— Qu’on lui montre le manoir. Qu’elle voie ce qui l’attend si elle tente quoi que ce soit.
Le manoir était un labyrinthe de couloirs, de portes verrouillées, de pièces sombres où régnaient des gardes armés. Elle aperçut des salles de réunion, des bureaux remplis de cartes et de dossiers, des couloirs où l’odeur du sang persistait. Elle comprit que cet endroit n’était pas seulement une maison : c’était un empire criminel.
Un garde s’arrêta devant une porte en acier.
— Là, dit-il.
Il ouvrit. Elle entra. La pièce était une salle d’armes : fusils alignés, couteaux, grenades. Chaque objet brillait sous des lumières froides. Isolde eut un frisson.
— C’est le monde du Patron, dit le garde. Si vous voulez vivre, vous feriez mieux de vous y habituer.
Elle sortit en silence. Son esprit bouillonnait. Elle n’était plus qu’une pièce sur l’échiquier de Kael Draven. Mais une part d’elle, une part qu’elle ne voulait pas reconnaître, était fascinée par cette puissance glaciale.
Quand elle retourna dans sa chambre, Kael l’attendait. Assis dans le fauteuil, un verre de whisky à la main.
— Qu’as-tu vu ? demanda-t-il.
Elle déglutit.
— Ton empire. Ton pouvoir. Ton… côté monstre.
Il éclata de rire.
— Monstre ? Peut-être. Mais je protège ce qui est à moi. Et à partir d’aujourd’hui, c’est toi.
Il posa son verre, se leva, s’approcha d’elle. Elle recula instinctivement, mais il attrapa son poignet et l’attira à lui.
— Regarde-moi, dit-il doucement.
Elle leva les yeux. Son regard la transperça.
— Tu apprendras à ne plus trembler. Tu apprendras à me comprendre. Et peut-être qu’un jour, tu seras plus qu’une simple captive.
Elle sentit son souffle chaud sur ses lèvres. Elle eut peur de ce qu’il allait faire… mais il se contenta de déposer un baiser sur son front.
— Repose-toi. Demain, tu verras à quel point ce monde peut être cruel.
Il sortit, la laissant tremblante. Elle toucha son front, là où ses lèvres avaient effleuré sa peau. Un geste si doux… et pourtant, il portait la marque de sa domination.
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13 épisodes mis à jour
Comments
Shinichi Kudo
Tellement bien écrit, chaque mot compte. J'aime vraiment ce livre.
2025-08-31
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