Isolde sentit son cœur battre trop vite alors que la voiture ralentissait devant une imposante bâtisse. Tout, dans cette demeure, respirait l’autorité et la menace : hautes grilles de fer forgé, façade sombre éclairée par des torches murales, silhouettes d’hommes en armes qui gardaient les entrées. Le chauffeur s’arrêta net. Sans un mot, Kael descendit, puis ouvrit la portière de son côté.
— Sors, dit-il simplement.
Sa voix ne montait jamais. Pas besoin. Une injonction si brève suffisait à geler son sang. Elle obéit, presque mécaniquement, ses talons claquant contre le sol pavé. Son regard se leva vers la bâtisse : un manoir digne d’un empire, mais qui ressemblait plus à une forteresse qu’à une maison. L’air portait un mélange de tabac, de cuir et de danger.
Kael s’avança, et elle dut suivre son pas. Deux hommes en costume noir vinrent à leur rencontre. L’un d’eux, massif, une cicatrice barrant sa joue, se pencha légèrement.
— Tout est prêt, Patron.
Kael se contenta d’un hochement de tête. Son attention revint aussitôt vers Isolde, et elle se sentit nue sous ce regard d’acier. Elle voulut détourner les yeux, mais il avança, et elle dut lui emboîter le pas.
À l’intérieur, le silence était encore plus oppressant. De hauts couloirs ornés de tableaux sanglants, des statues de marbre froid, des tapis épais étouffant leurs pas… Chaque détail semblait hurler que cet endroit n’était pas un foyer, mais un royaume. Et Kael en était le roi.
Ils entrèrent dans un vaste salon. Le contraste la saisit : luxe raffiné et atmosphère étouffante. Un bar en cristal, des fauteuils de cuir noir, un immense tableau représentant un faucon aux ailes déployées. Elle comprit que chaque symbole ici n’était pas décoratif, mais un rappel constant de pouvoir.
Kael s’assit dans un fauteuil, croisa les jambes et fit signe à Isolde de s’approcher. Elle hésita.
— Plus près, dit-il.
Ses yeux s’assombrirent d’une intensité qui la força à obéir. Elle se planta devant lui, droite, mais tremblante. Il sortit un briquet d’argent, l’alluma avec un claquement sec et alluma un cigare. L’odeur forte envahit la pièce.
— Tu sais pourquoi tu es là ? demanda-t-il.
Sa voix vibrait d’une autorité glaciale. Elle ouvrit la bouche, hésita.
— Je… non…
Il inspira la fumée, expira lentement, sans la quitter des yeux.
— Ta sœur, Selene, croit pouvoir m’humilier. Elle pense que je vais fermer les yeux. Alors, elle t’a livrée. Comme un gage. Comme une monnaie d’échange.
Isolde sentit ses entrailles se tordre. Selene… encore elle. Toujours prête à la sacrifier. Elle serra les poings.
— Je n’ai rien demandé ! lâcha-t-elle, la voix tremblante.
Un sourire fugace étira les lèvres de Kael. Pas de joie. Plutôt une satisfaction glaciale.
— Je le sais. Mais dans mon monde, l’innocence n’a aucune valeur. Ce qui compte, c’est l’utilité.
Il se leva brusquement, et elle eut un mouvement de recul. Sa haute stature la dominait, chaque geste mesuré, chaque pas calculé. Il se pencha vers elle, si près qu’elle sentit le parfum sombre de son costume.
— Deux options, murmura-t-il. Tu peux fuir… et tu mourras avant l’aube. Ou tu restes. Et tu apprends à survivre à mes côtés.
Ses doigts se posèrent sur son menton, l’obligeant à lever les yeux vers lui. Elle voulut protester, mais son corps refusa d’obéir. Le contraste la consumait : peur viscérale et attirance brutale.
— Pourquoi moi ? réussit-elle à souffler.
Un éclat passa dans son regard, fugitif, presque douloureux. Puis il redevint impassible.
— Parce que tu m’appartiens.
Ces mots résonnèrent comme une condamnation. Elle chercha à se libérer, mais il serra légèrement son menton, la maintenant dans cet échange qu’elle voulait fuir. Il la relâcha enfin, mais son emprise restait gravée dans sa peau.
Il recula, inspira à nouveau son cigare, puis parla comme si rien n’avait d’importance.
— Tu vas vivre ici. Pas comme une invitée. Pas comme une prisonnière non plus. Tu seras à moi, et c’est tout ce qui compte.
Isolde sentit une colère sourde naître en elle. Pour la première fois, elle osa le défier du regard.
— Et si je refuse ?
Un silence pesant s’installa. Les hommes près de la porte se raidirent, surpris de son audace. Kael, lui, éclata d’un rire bref, presque amusé. Il s’approcha encore, plaqua une main contre le dossier du fauteuil derrière elle, l’enfermant dans un cercle invisible.
— Alors je briserai ton monde jusqu’à ce qu’il ne reste rien de toi. Et tu finiras quand même à mes pieds.
Elle déglutit, mais tint bon. Ses yeux brûlaient de peur et de révolte à la fois. Kael l’observa longuement, comme s’il sondait chaque parcelle de son âme. Puis, soudain, il se détourna, comme lassé.
— Conduisez-la à sa chambre, ordonna-t-il aux gardes.
Les deux hommes s’avancèrent. L’un d’eux ouvrit la porte du couloir. Avant de franchir le seuil, Isolde jeta un dernier regard vers Kael. Il se tenait debout, de dos, silhouette sombre et majestueuse. La fumée de son cigare s’élevait comme une couronne d’ombre autour de lui.
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