Nihilo 5 : celui qui voit tout

Le jour se leva sur le campus, mais rien n’y ressemblait à un matin. Le ciel était gris d’encre, le vent portait une odeur de métal froid, et les étudiants parlaient moins — comme si leurs voix s’érodaient, elles aussi.

Dans le petit local qu’ils avaient réquisitionné, Jellal, Natsu, Blessing et Victor étaient réunis. Yasmine, absente.

— *Elle répond pas à ses messages,* dit Jellal, inquiet.

— *Elle est en danger,* affirma Victor. *Lui laisser une nuit seule après ce que ce type a dit… c’était une erreur.*

— *Aucun,* grogna Natsu. *Il faut l’éliminer.*

Victor fronça les sourcils.

— *On ne peut pas tuer une absence. Le Nihilo ne meurt pas. Il se dissout. Il revient toujours.*

— *Alors on le piège ?* demanda Blessing.

Victor hésita.

— *Peut-être. Mais pas sans Yasmine.*

Ils se précipitèrent à son dortoir.

—

Chambre de Yasmine. Tout était en ordre. Trop en ordre. Chaque objet était à sa place. Le lit parfaitement refait. Le miroir, cependant… était fissuré. En son centre, un œil gravé à l’ongle, avec cette inscription dessous :

> *“Elle a vu.”*

— *Qu’est-ce que ça veut dire ?* demanda Natsu.

Blessing s’approcha, toucha le miroir… et fut prise de vertige.

Elle recula brutalement.

— *Elle a vu. Elle a vu ce qu’il ne faut pas voir.*

— *Le Nihilo ?* demanda Jellal.

— *Non… pire. Celui qui voit tout. Celui qui est derrière même l’absence. Celui qui regarde le monde en oubliant son nom. C’est lui, le vrai centre.*

—

Pendant ce temps, Yasmine… était là.

Mais pas là.

Elle marchait dans un couloir sans fin, avec un ciel noir au plafond, et du sable blanc sous les pieds. Elle entendait des voix. Des siennes. Des autres. Des voix qui l’appelaient par des noms qu’elle n’avait jamais portés.

Et au loin… un être. Humanoïde. Immobile. Il n’avait pas de visage, mais sur sa tête flottait un œil. Ouvert. Jamais battant.

Yasmine cria :

— *Qui es-tu ?*

La voix résonna partout :

— *Je suis ce que tu caches sous ton regard. Je suis la vérité que ton esprit oublie pour survivre. Je suis le regard sans paupière. Et maintenant que tu m’as vu… tu dois me refléter.*

Elle voulut fuir.

Mais il était déjà en elle.

—

Dans le monde réel, Victor tremblait.

— *Elle est passée de l’autre côté. Mais pas dans le Nihilo. Dans l’œil. Celui que les textes interdits nommaient "Ophthalmos". Le témoin. Le juge. Celui qui collectionne les esprits égarés.*

— *Comment on la sauve ?* cria Jellal.

Victor ouvrit un vieux carnet :

— *Il faut la rejoindre. Dans ce monde-là. Par la Porte de la Conscience. Mais...*

— *Mais ?* demanda Blessing.

— *Seul celui qui a vu ses propres mensonges peut ouvrir la porte.*

Un silence.

Puis Jellal murmura :

— *Je l’ouvre.*

—

La nuit, ils revinrent dans la salle interdite. Victor traça au sol le symbole de l’œil, entoura Jellal de lignes brisées, puis dit :

— *Ferme les yeux. Pense à ce que tu refuses d’admettre. Ta peur la plus vraie. Ta vérité la plus sale.*

Jellal s’exécuta. Il trembla.