Chapitre 5 – Tensions croisées

Le samedi suivant, le lycée Saengthong était presque vide, à l’exception de quelques clubs en activité. Lay était venu travailler sur un projet de sciences. Perth l’avait rejoint, sans prévenir, apportant deux cafés et un sourire encore mal réveillé.

— Tu bosses trop, lança-t-il en posant la boisson devant lui.

— Et toi pas assez, répondit Lay sans lever les yeux, mais avec un léger sourire.

Ils travaillèrent côte à côte, dans une atmosphère étrange. Ni totalement détendue, ni tendue. Juste… fragile. À plusieurs reprises, Perth effleura la main de Lay en feuilletant les documents. Lay ne retirait plus la sienne aussi vite qu’avant.

À la fin de l’après-midi, Perth proposa :

— Tu veux venir chez moi ? Pas longtemps. Juste… pour qu’on parle ailleurs qu’entre deux cahiers.

Lay hésita. Puis accepta.

***

De l’autre côté de la ville, sur un petit terrain de basket en plein air, Alex et Tan jouaient depuis presque une heure. Les maillots trempés, les gestes tendus, les silences lourds.

Alex dribblait vite, précis, mais Tan jouait avec rage.

— Tu frappes comme si t’étais en guerre, lança Alex.

— Je le suis peut-être.

— Contre qui ? Perth ? Lay ? Ou toi-même ?

Tan s’arrêta. Alex en profita pour tirer et marquer.

— Je ne t’aime pas, dit Tan.

— C’est réciproque. Mais au moins, on est honnêtes.

Ils s’assirent un moment au bord du terrain.

— Pourquoi tu protèges Perth ? demanda Tan.

— Parce qu’il a mis des années à s’accepter. Et que maintenant qu’il ose aimer quelqu’un, je veux pas que ça lui explose à la figure.

— Et moi ? Tu crois que je l’ai pas vu, moi aussi, ce que Lay a de différent ?

Alex soupira.

— Je dis pas que t’as pas mal. Je dis juste que t’arrives trop tard.

Tan serra les poings. Mais ne répondit pas.

***

Chez Perth, Lay était mal à l’aise. Pas à cause de l’endroit — la maison était belle, calme, chaleureuse — mais parce qu’il sentait qu’il entrait dans une partie de la vie de Perth que peu connaissaient. Intime. Réelle.

Perth lui montra sa chambre, pleine de partitions et de photos anciennes. Une guitare traînait sur le lit.

— Tu veux que je joue quelque chose ?

Lay hocha la tête.

Perth s’assit, accorda rapidement l’instrument, puis joua un air doux, mélancolique. Sa voix, quand elle vint, était rauque, légèrement tremblante.

*Je t’ai vu dans le silence

Quand personne ne regardait

Tu marchais sans défense

Et moi, je voulais t’écouter…*

Lay ne parla pas. Il ne pouvait pas. Ce qu’il ressentait dépassait les mots.

Perth posa la guitare.

— Je veux pas te précipiter. Mais j’ai besoin de te dire que je ressens quelque chose. Quelque chose de vrai.

Lay ferma les yeux un instant.

— Moi aussi. Mais c’est flou. Et ça me fait peur.

— Alors on le découvre ensemble.

Perth tendit la main. Cette fois, Lay la prit.

***

Le soir même, Ram recevait un message de Tan.

*Tan : “Je crois que j’ai perdu.”*

*Ram : “Tu ne peux pas perdre un cœur qui ne t’a jamais appartenu.”*

Tan regarda l’écran longuement… puis l’éteignit.

***

Plus tard dans la nuit, Alex revint chez lui. En posant ses clés, il se surprit à sourire. Il sentait que Perth avançait. Que Lay ouvrait la porte. Que Tan reculait, à sa manière.

Mais ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que lui aussi… s’attache. À ce cercle, à cette histoire. Et peut-être, sans s’en rendre compte, à quelqu’un dans cette histoire.

Mais pour l’instant, il restait en retrait. Silencieux. Précis. Protecteur. Comme toujours.

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