Le silence dans la cabane n’était plus celui de la peur. C’était celui d’après…
Celui qu’on entend lorsqu’un battement de cœur rencontre un souffle inconnu.
Le garçon était assis, les jambes repliées contre lui, les paupières encore lourdes, mais éveillé. Une tunique propre recouvrait ses épaules, offerte par Bel. Un pain encore tiède entre ses doigts, une tasse d’eau fraîche à ses lèvres. Il mangeait à petits gestes prudents, comme s’il avait oublié ce que signifiait le mot confiance.
Bel, quant à lui, était assis un peu plus loin, en tailleur, le menton sur ses mains, l’observant sans dire un mot. Une lumière dorée dansait dans ses yeux, une lumière d’émerveillement pur, presque sacré.
Ce garçon… Il était tombé du ciel comme une prophétie.
Le feu crépitait doucement dans l’âtre, jetant sur les murs de la cabane des ombres mouvantes, presque vivantes. Dehors, la nuit murmurait, mais ici, c’était comme si le monde avait cessé de tourner.
Enfin, Bel rompit le silence, d’une voix douce, timide, presque effacée :
— Tu t’appelles comment ?
Le garçon releva lentement la tête. Ses yeux dorés rencontrèrent ceux de Bel. Il y eut un éclat étrange, comme si deux mondes se reconnaissaient sans se connaître. Puis il parla.
— Arden… Arden Drakher.
Il marqua une pause.
— Troisième prince du royaume de Drakher.
Le nom résonna dans l’air comme un coup de tonnerre en cage.
Bel cligna des yeux, surpris, et peut-être un peu intimidé. Un prince. Un vrai prince. Tombé dans la rivière comme un secret trop lourd pour flotter.
— Je… moi, je suis Bel, répondit-il avec un sourire maladroit.
Un silence. Puis il ajouta :
— Je crois que je n’ai que ce prénom. C’est tout ce que je connais de moi.
Ses mots tombèrent doucement, comme des feuilles mortes sur la terre. Il ne s’en plaignait pas. Il énonçait juste un fait. Un vide sans amertume.
Mais dans ses yeux brillait une autre lumière, celle de la curiosité.
— Alors… Tu viens d’où ? demanda-t-il. Le royaume de Drakher, c’est loin ? C’est comment, là-bas ? Est-ce qu’il y a… d’autres gens comme toi ? Avec ces cheveux, ces yeux… et ces marques ?
Il parlait vite, emporté par l’excitation. Ses questions coulaient comme un torrent, pures, sincères, pleines d’un feu qu’il n’avait jamais appris à retenir.
Mais Arden ne répondit pas.
Il fixait le sol. Ses doigts s’étaient arrêtés. La moitié du pain tremblait légèrement entre ses mains.
Bel sentit le changement. La tension invisible. Comme un souffle coupé.
Il se tut aussitôt.
Arden inspira profondément. Son regard semblait soudain plus lointain, perdu quelque part entre la cabane et des souvenirs qu’on n’ose pas réveiller.
— Je suis tombé, dit-il enfin. Sa voix était basse. Râpeuse.
— Tombé… d’un monde qui ne voulait plus de moi.
Bel ne bougea pas. Il ne comprenait pas tout, mais il comprenait l’essentiel. Il comprenait le ton, le poids dans les mots, cette douleur muette qu’on ne peut dire autrement.
Il voulut tendre la main, mais n’osa pas.
— Tu n’es plus là-bas maintenant, dit-il simplement.
— Tu es ici. Avec moi. Et je t’écoute. Si tu veux parler… ou pas.
Le feu crépita doucement.
Arden releva lentement les yeux. Et pour la première fois, quelque chose en lui s’adoucit. Pas encore de la confiance, mais peut-être… un début de paix.
Il ne savait pas encore s’il pouvait tout dire. Mais il savait déjà qu’il n’était plus seul.
Et Bel, lui, comprit sans mot : ce garçon n’était pas seulement un prince, ni un fuyard. Il était un mystère vivant. Un fragment du passé… ou du futur.
Et il venait peut-être, sans le savoir, réveiller les sceaux qui dormaient encore dans sa peau.
Mots d'auteure
« Ce soir-là, dans une cabane perdue au milieu des arbres, deux solitudes se croisèrent… et sans le savoir, changèrent le destin du monde. »
***Téléchargez NovelToon pour profiter d'une meilleure expérience de lecture !***
Comments