La nuit était tombée comme un voile de soie noire sur le monde. Le ciel, d’un bleu profond, laissait filtrer la lumière pâle de la lune, qui glissait lentement sur le dos tranquille de la rivière.
Assis au bord de l’eau, Bel observait ce miroir mouvant où dansait le reflet lunaire. Le silence alentour avait quelque chose d’éternel. L’air était frais, parfumé de mousse et d’écorce humide. Le temps semblait figé, suspendu à la respiration du monde.
Ses pieds frôlaient la surface, troublant à peine les ondulations calmes du courant. Il n’attendait rien. Il écoutait seulement. Le bruissement des feuillages. Le soupir lointain d’un oiseau nocturne. Le murmure de la rivière — comme une voix ancienne chuchotant à ceux qui savaient écouter.
Sur son bras, les marques mystérieuses vibraient doucement sous la clarté lunaire. Ce qu’il avait toujours cru n’être que de simples tatouages se révélait peu à peu autre chose… des lignes anciennes, des formes secrètes que la lumière semblait réveiller.
Un souffle glacial lui effleura la nuque. Il tourna les yeux vers l’eau… et vit.
Quelque chose flottait.
Non, quelqu’un.
Poussé par une force plus forte que l’étonnement, Bel entra dans la rivière sans réfléchir. L’eau lui mordit la peau, mais il n’y prêta pas attention. Il s’approcha lentement du petit corps dérivant. Frêle. Silencieux. Le sang colorait encore la surface comme une encre oubliée.
C’était un garçon, à peine plus jeune que lui. La peau pâle. Les cheveux noirs collés contre ses tempes. Il semblait sorti d’un cauchemar… ou d’une prophétie.
Bel le serra contre lui et le ramena vers la rive. Il ne posa aucune question. Il n’exigea aucun pourquoi. Il l’emmena simplement dans sa cabane, au cœur du bois, comme on accueille un présage sans mot.
Il alluma un feu, appliqua des herbes, nettoya les plaies. Le garçon ne bougeait pas. Seule sa poitrine soulevait doucement la couverture, signe qu’un souffle fragile y battait encore.
Bel veilla.
Il ne dormit pas. Il ne détourna pas le regard. Il sentait, sans savoir pourquoi, que ce garçon portait avec lui un fragment de vérité. Peut-être même une clef.
Et dans l’esprit du garçon blessé, un rêve s’ouvrit.
Un jardin éclatant, baigné de lumière douce. Une femme peignait sous un figuier en fleur. Elle souriait. Un sourire pur, ancien, presque sacré. C’était sa mère.
Sur son front brillait un tatouage étrange, un anneau suspendu comme une étoile entre deux mondes. Elle avait l’air d’une déesse oubliée. Elle tendit la main et effleura la joue du garçon, sa caresse effaçant toutes les douleurs.
Puis la lumière se déforma.
Et le garçon ouvrit les yeux.
Il crut, un instant, revoir ce visage maternel, ce sourire familier, cet éclat rassurant… Mais ce n’était qu’une illusion née du rêve.
À ses côtés, c’était Bel.
Assis en silence, veillant sur lui, son regard calme et profond, le vent jouant dans ses longs cheveux blancs. Une étrange douceur émanait de lui. Quelque chose de… céleste.
Pris de peur, le garçon se redressa d’un bond, le cœur affolé, le souffle court.
Bel recula à peine, levant lentement les mains, comme on calme un animal blessé.
« Tout va bien… Je ne te veux aucun mal. »
Sa voix était basse, comme un chant perdu dans les bois.
Le garçon le fixa, encore tremblant, mais cette voix, ce regard, et ce vent doux qui entrait par la fenêtre… Tout l’invitait au calme.
Alors il resta là, immobile, à moitié couché, les yeux grands ouverts sur ce visage inconnu, et pourtant chargé d’une étrange familiarité.
Un lien invisible venait de naître, aussi fragile qu’un fil de lune.
Mais ce lien allait tout changer.
Car dans le silence revenu, Bel sentait une vérité qui flottait entre eux.
Quelque chose que le destin avait cousu bien avant leur rencontre.
Et déjà, au fond de son âme, les sceaux anciens puisaient comme un cœur oublié.
Mots d'auteur
« Il n’y a pas de hasard dans le souffle de l’eau — ce qu’elle livre au monde, c’est ce que le ciel n’a pas su garder. »
***Téléchargez NovelToon pour profiter d'une meilleure expérience de lecture !***
Comments