CHASSE ET CHALEURS

Les bois royaux s'étendaient à perte de vue, vastes, denses et parfumés de mousse. Le roi avait décrété une chasse, comme chaque saison, mais cette fois l’invitation fut sélective. Et parmi les noms inscrits à la main sur la liste royale… il y avait celui de _Freya Da Costa_, duchesse, et cavalière occasionnelle.

Igris n’avait pas bronché en la voyant approcher à cheval, vêtue d’un manteau de velours noir brodé, les cheveux relevés et les yeux brillants de malice. "Vous savez manier une monture, ou c’est juste pour la pose ?" demanda-t-il, alors qu’elle ajustait ses gants.

"J’ai appris à chevaucher avant de savoir lire. Et je sais encore mieux tomber… avec élégance."

"C’est rassurant. Les sangliers ne s’inclinent pas devant les jolies phrases."

"Non, mais parfois les hommes le font." répondit-elle, en lançant un clin d’œil au cerf de la veille.

Igris soupira. _Elle est venue jouer, et je suis son terrain de chasse._

La matinée débuta normalement. Cavaliers et archers se dispersèrent par petits groupes dans les bois. Freya se débrouilla, contre toute attente, très bien. Elle visait juste, montait bien, riait fort. Puis, par un concours de circonstances qu’on aurait cru arrangé par les dieux (ou par elle-même), elle et Igris se retrouvèrent _isolés_.

"Quelle étrange coïncidence, n’est-ce pas ?" demanda-t-elle, amusée, alors qu’ils prenaient un sentier secondaire.

"Rien n’est jamais un hasard avec vous."

"Peut-être. Ou peut-être que les bois eux-mêmes veulent nous unir."

Il leva les yeux au ciel. Soudain, un bruissement dans les fourrés fit bondir leurs montures. Un sanglier surgit, énorme, chargé de colère. Igris tira son épée. Freya recula. Il le neutralisa en trois gestes précis.

Silence. Elle le regarda, essoufflée. "Impressionnant."

"Vous auriez fait quoi, avec votre langue affûtée ? Le charmer ?"

"Peut-être. Le sanglier, au moins, semble sensible à la chaleur."

Il éclata brièvement de rire. Vrai rire. Surpris. "Vous êtes folle."

"Merci. Le compliment le plus sincère que j’aie reçu de vous."

Ils reprirent la marche, cette fois plus proches. "Pourquoi vous vous méfiez autant de moi ?" demanda-t-elle, plus douce.

"Parce que je sais reconnaître quand une femme ne cherche pas un homme, mais une victoire."

"Et si c’était les deux ?"

"Alors c’est plus dangereux."

Elle sourit, mais cette fois sans provocation. Juste... curieuse. "Et vous ? Vous fuyez quoi exactement ?"

Il ne répondit pas. Un silence épais tomba. Puis, au détour d’un sentier, une pluie fine se mit à tomber, les forçant à chercher abri dans une grotte.

Elle rit sous la pluie. Lui, resta stoïque. Dans la grotte, ils s'assirent sur des pierres. Trempés. Dégoulinants. "On dirait une scène de roman populaire… " souffla-t-elle.

"Sauf que je n’ai pas envie de vous embrasser."

"Et moi je ne vous ai pas encore donné la raison."

Elle s'approcha. Trop près. Il se tendit. Un souffle les séparait. "Si vous continuez, vous allez regretter."

"Pourquoi ? Vous craignez de céder ?"

Il se leva brutalement. "Je crains de ne pas vouloir arrêter."

Silence. Freya resta figée. Il venait de se trahir, à peine. Une fissure dans la glace… bien plus profonde que les autres. Elle murmura, un sourire fragile : "Intéressant. Très… intéressant."

Dehors, la pluie continuait de tomber. Mais dans la grotte, une tempête différente venait de naître.

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