Le ciel est gris, chargé comme mon esprit. Je marche seule sur le trottoir, les écouteurs dans les oreilles sans musique, le sac alourdi par mes livres… et mes pensées. Le monde semble flou, étouffé, distant. Il y a des rires au loin, des voitures qui passent, mais je n’y prête pas attention. Je repasse en boucle notre brève conversation. Ses mots. Sa voix rauque, fatiguée. “On verra.”
Je ne peux pas m’empêcher de les décortiquer. Était-ce un refus poli ? De l’indifférence ? Ou simplement sa façon à lui de dire “oui, mais j’ai besoin de temps” ? Je n’arrive pas à m’arrêter. C’est plus fort que moi. J’ai envie de le comprendre, de le décoder, comme s’il y avait une carte secrète dans sa tête que seule moi pourrais lire.
Je tourne à l’angle du bâtiment abandonné, là où plus personne ne traîne depuis qu’ils ont mis des barrières. Le passage est désert, comme toujours. Il n’y a que moi. Enfin, c’est ce que je crois.
J’avance encore de quelques pas, le regard perdu dans mes pensées.
Et puis, sans prévenir, une main m’attrape.
Je suis plaquée brutalement contre le mur froid. Mon sac glisse de mon épaule et tombe dans un bruit sourd. Mon souffle se coupe. Mon cœur explose. Je lève les yeux, prête à crier.
Mais je me tais.
C’est lui.
Luca.
Son bras est appuyé contre le mur, juste au-dessus de ma tête. Son autre main tient mon épaule fermement. Il est proche. Trop proche. Son torse effleure le mien, sa respiration est calme, maîtrisée. Moi, je tremble.
— Demain, 14h, chez moi, dit-il.
Sa voix est basse. Tranchante. Autoritaire. Comme s’il ne me laissait pas le choix.
— Pour le devoir, ajoute-t-il après une pause, presque moqueur.
Je n’arrive pas à parler. Sa présence me paralyse, m’envoûte. Il me fixe, droit dans les yeux. C’est la première fois qu’il me regarde vraiment. Et je me noie dans ce regard. Il n’y a plus rien autour. Plus de ville, plus de lycée, plus de murs. Juste lui. Et moi.
Puis, sans un mot de plus, il se recule.
Je reste collée contre le mur, le souffle court, la peau brûlante là où ses doigts ont effleuré ma veste.
Il se penche, ramasse mon sac, le pose à mes pieds.
— Sois pas en retard, dit-il simplement avant de tourner les talons.
Et il s’en va.
Comme si de rien n’était.
Comme s’il ne venait pas de me bouleverser de l’intérieur. Comme s’il ne venait pas de me voler une part de contrôle que je croyais mienne. Il marche d’un pas tranquille, les mains dans les poches, comme s’il n’avait fait que dire bonjour.
Je reste là, figée, incapable de bouger. Mon dos est encore contre le mur, mon cœur cogne contre ma poitrine si fort que j’ai peur qu’il s’arrête. Mes jambes sont molles. Mes mains tremblent.
Mais mes lèvres…
Mes lèvres esquissent un sourire.
Il m’a cherchée. Il m’a suivie. Il a su où j’étais. Et il m’a touchée. Il m’a regardée. Il m’a parlé. Et demain… demain, je serai chez lui. Chez Luca. Juste lui et moi.
Ce n’était pas un hasard.
Rien n’est jamais un hasard avec les gens comme lui.
Et maintenant, le jeu commence.
Je ramasse mon sac lentement, les yeux toujours tournés dans la direction où il est parti. Il n’a pas regardé en arrière. Il ne regarde jamais en arrière.
Mais il n’aura bientôt plus besoin de le faire.
Parce que je serai là.
Partout.
Inoubliable.
Indispensable.
Et demain… il ne s’en rendra peut-être pas compte tout de suite. Mais ce devoir qu’il pense être un simple rendez-vous scolaire, ce moment qu’il croit anodin, sera le début de quelque chose.
Quelque chose de plus grand que lui.
Quelque chose qu’il ne pourra pas arrêter.
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