Chapitre 2: Le Garçon Qui Marche Seul

Les blés étaient morts.

Noirs, tordus, comme des doigts carbonisés qui griffaient le ciel.

Nyx marchait depuis trois jours.

Pieds nus.

Ventre vide.

Le couteau du gosse au poing, lame émoussée, maculée de sang séché.

Il ne pleurait plus.

Les larmes avaient brûlé ses yeux jusqu’à ce qu’il n’en reste que des braises.

La route était un serpent de poussière.

Des villages entiers réduits en cratères fumants.

Des corps empilés comme du bois.

Certains encore vivants, rampant, suppliant.

Il les regardait.

Passait.

Un gamin de huit ans avec des yeux trop vieux.

La nuit, il dormait dans les carcasses de maisons.

Sous des toits effondrés.

Il rêvait de sa mère qui chantait.

De Kael qui riait.

De Lira et ses marguerites.

Puis il se réveillait.

Et la haine le tenait chaud.

Au quatrième jour, il trouva la rivière.

Pas la sienne.

Celle-là était rouge.

Des poissons morts flottaient, ventres blancs.

Sur la berge, un homme.

Vieux.

Barbe grise.

Pas d’Onde.

Comme lui.

Il pêchait avec une branche et un fil de fer.

Il leva les yeux.

« T’es vivant, toi ? »

Nyx ne répondit pas.

L’homme haussa les épaules.

« Y en a plus beaucoup comme nous. Les Ondés les chassent. Pour le sport. »

Il tendit un poisson grillé sur un feu de brindilles.

Nyx le prit.

Mangea.

Le goût de cendre.

« T’as un nom ? »

« Nyx. »

« Moi c’est Corvin. J’étais forgeron. Avant. »

Il montra ses mains.

Brûlées.

Cicatrices en forme d’Ondes.

« Ils m’ont pris mes doigts. Parce que je refusais de forger leurs armes. »

Nyx regarda le couteau.

« Je vais les tuer. »

Corvin rit.

Un rire sec.

« Tous ? T’es un gosse. »

« Tous. »

Le vieil homme le regarda longtemps.

Puis hocha la tête.

« Y a une ville à deux jours. Varak. Les Ondés y font des jeux. Ils jettent les vides dans l’arène. Contre des bêtes. Contre eux-mêmes. »

Nyx serra le couteau.

« J’irai. »

Corvin soupira.

« T’es pas obligé. »

« Si. »

Ils marchèrent ensemble.

Corvin boitait.

Nyx portait le sac.

Des racines.

Un peu d’eau.

Des histoires.

Le vieil homme parlait peu.

Mais quand il parlait, c’était vrai.

« Les Ondés croient que la Source les a choisis. Qu’ils sont des dieux. »

« Et nous ? »

« Nous, on est le silence entre les coups de tonnerre. »

La nuit, autour du feu, Corvin raconta l’étoile.

« Elle est tombée il y a mille ans. Avant, y avait pas d’Ondes. Les gens vivaient. Mouraient. Sans éclat. »

« Et maintenant ? »

« Maintenant, ils brillent. Et ils brûlent tout. »

Nyx fixa les flammes.

« Je brûlerai plus fort. »

Varak apparut au crépuscule.

Une muraille de fer et d’os.

Des tours tordues.

Des bannières violettes claquant au vent.

Des cris.

Des rires.

L’odeur de sang et de métal chaud.

À l’entrée, deux gardes.

Ondes pulsantes dans les veines.

L’un fit un pas.

« Des vides. »

Il sourit.

Dents pointues.

« L’arène manque de chair fraîche. »

Corvin murmura.

« Cours. »

Nyx ne courut pas.

Il avança.

Le garde leva la main.

Une lance de lumière.

Nyx ne bougea pas.

La lance le traversa.

Pas de sang.

Pas de douleur.

Le garde cligna des yeux.

« Qu’est-ce que… »

Nyx planta le couteau dans sa gorge.

Rapide.

Propre.

Le corps tomba.

L’autre garde hurla.

Une onde de choc.

Corvin fut projeté.

Crâne éclaté contre le mur.

Nyx regarda le vieux.

Mort.

Encore.

Il ramassa la lance de lumière.

Elle s’éteignit dans sa main.

Comme aspirée.

Il sourit.

Pour la première fois.

Les portes s’ouvrirent.

L’arène.

Un cercle de pierre noire.

Des gradins pleins.

Des Ondés en armure.

Des bêtes enchaînées.

Un homme au centre.

Grand.

Cape de feu.

Voix comme un glas.

« Un vide ! Regardez ! Il croit qu’il peut jouer ! »

Rires.

Nyx marcha.

Pieds dans le sable rouge.

Le couteau à la main.

L’homme leva la main.

Un mur de flammes.

Nyx traversa.

Les flammes s’éteignirent.

Avalées.

Le silence tomba.

L’homme recula.

« Qu’est-ce que tu es ? »

Nyx répondit.

Sa voix était celle d’un enfant.

Mais ses yeux étaient ceux d’un dieu mort.

« Je suis le Vide. »

Il tua l’homme.

Pas avec le couteau.

Avec ses mains.

Il arracha l’Onde de sa poitrine.

Comme on arrache une dent.

Le corps se ratatina.

Sec.

Les gradins hurlèrent.

Pas de joie.

De peur.

Nyx leva les yeux.

Des centaines d’Ondes.

Des centaines de cœurs.

Il sourit encore.

Plus large.

Dans le cratère, loin, très loin, l’éclat noir pulsait.

Plus fort.

Il l’appelait.

Comme une mère.

Comme un père.

Comme un frère.

Nyx marcha vers la sortie.

Les gardes ne bougèrent pas.

Il passa.

Derrière lui, l’arène brûlait.

Pas de flammes.

Juste du noir.

Du silence.

Il était seul.

Encore.

Mais plus vide.

La bête en lui grandissait.

Et elle avait faim.

Fin du chapitre 2.

(À suivre : l’arène des dieux, et la chose noire qui murmure son nom.)

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