La cuisine était encore silencieuse, baignait dans cette lumière pâle du matin qui rend tout un peu irréel. Sur l’îlot, le petit-déjeuner attendait sagement : un bol de lait chaud, des tartines, quelques fruits soigneusement disposés. C’était pour ma sœur. Moi, je ne pris jamais rien. Je passai devant comme si cette absence de nourriture pouvait, d’une manière étrange, me protéger de quelque chose
Maman dormait sur le canapé, complètement épuisée par son travail. Son visage était détendu mais fatigué, et sa respiration lourde remplissait la pièce d’un rythme presque apaisant. Pendant une seconde, j’eus envie de la réveiller, de la serrer dans mes bras, mais je n’en fis rien. Les gestes tendres étaient un luxe dans cette maison, et moi, je n’avais jamais su comment en faire partie
À travers la fenêtre, je vis mon père déjà dans le jardin. L’arrosoir dans sa main, il prenait soin de ses plantes comme si elles étaient tout ce qui comptait vraiment. Je soupirai, passant mes doigts dans mes cheveux. Puis je franchis la porte d’entrée, le vent frais du matin me frappant le visage comme une piqûre de réalité
« Prends soin de toi, Marco », lança-t-il de loin
Je levai les yeux, l’air blasé, et murmurai avec un soupir
« Ouais, ouais… toujours les mêmes mots, papa. Songe à changer un peu, ça deviendrait presque supportable »
Il ne répondit pas. Comme toujours. Les mots n’étaient pas son truc. Il encaissa silencieusement et moi, je continuai mon chemin vers le trottoir, mes chaussures frappant le sol avec un rythme régulier, mécanique
Le lycée GRADEL n’était pas loin. Je marchai rapidement, mes pas habitués au trajet, chaque fissure du trottoir et chaque odeur familière me rassurant un peu. Cinq cents mètres que je connaissais par cœur, mais ce matin, tout semblait plus lourd, comme si le monde lui-même pesait sur mes épaules
En entrant dans la cour, je le vis, Matteo
Adossé contre le mur, mains dans les poches, écouteurs dans les oreilles, regard distant. Comme toujours, il attirait tout le monde sans effort. Les filles se retournaient, les garçons le respectaient en silence. Moi, je restai planté là, immobile, incapable de détourner le regard
Nos yeux se croisèrent. Juste un instant. Et merde… ce frisson habituel me traversa
Je m’avançai, tentant de paraître naturel, et lançai
« Salut »
Il me sourit, ce sourire fascinant et dangereux qui me faisait perdre le souffle. Je sentis cette chaleur, cette tension que sa main effleurait parfois, même par accident. Matteo était un connard, beau à crever, influençable, imprévisible et capable de blesser les gens qu’il aimait sans même s’en rendre compte. Et moi… j’avais compris ça depuis longtemps
Son corps était parfait. Cheveux bruns, yeux perçants, visage sculpté, muscles juste assez visibles pour que tout le monde valide sa beauté. Pas étonnant que je ressentisse ces trucs pour lui
Je rejoignis ma place habituelle et sortis un livre de mon sac, un prétexte pour calmer mes mains tremblantes et mon cœur qui battait trop fort
Puis la porte s’ouvrit
Dan
Calme, posé, presque lumineux, le sourire mesuré, les gestes précis. Mais ce matin, quelque chose en lui avait changé. Mon cœur s’emballa et je ne sus plus où me mettre. Matteo d’un côté, Dan de l’autre. Deux univers, deux tempêtes. Et moi, coincé entre eux, incapable de respirer
Nos regards se croisèrent, une seconde, une éternité. Et je ressentis cette sensation que je connaissais trop bien, celle qui me frappait quand mon cœur avait déjà choisi quelqu’un et que ça finissait par me faire mal
Vous vous demandez pourquoi je dis que Matteo m’avait blessé ? Parce que derrière son visage d’ange, derrière ce corps parfait, il y avait un démon que je connaissais trop bien. Vous le découvrirez très tôt
Dan continua son chemin vers sa place, et moi je restai là, immobile, incapable de détourner le regard, le corps tremblant légèrement, le cœur prêt à exploser. Matteo était beau, cruel malgré lui. Dan était innocent, lumineux mais tout aussi perturbant
Et moi ? Moi, j’étais foutu
***Téléchargez NovelToon pour profiter d'une meilleure expérience de lecture !***
Comments