Moi

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Episode I : moi, Marco

Je m’appelle Marco. J’ai dix-sept ans. Un âge où, paraît-il, la vie devrait être douce et pleine de promesses. Mais moi, j’ai surtout appris que les promesses ne sont que des mensonges bien emballés. Je vis avec ma famille dans une petite maison à la périphérie de la ville, une de celles qui semblent tenir debout par habitude plus que par force. Maman travaille souvent trop tard, papa parle peu, et ma sœur cadette s’enferme dans son monde comme si le nôtre la dégoûtait. Alors moi, je reste là, au milieu, à observer les fissures de nos murs comme si elles pouvaient m’apprendre à comprendre les miennes.

Les soirs, tout devient plus lourd. Le silence colle à la peau, l’air semble plus dense, presque étouffant. J’écoute les battements de mon cœur résonner dans ma poitrine et je me demande depuis quand tout est devenu si vide. Peut-être que j’ai commencé à sombrer le jour où j’ai cessé de croire que quelqu’un pouvait vraiment m’aimer. Ou peut-être bien avant, le jour où j’ai compris que chaque fois que je m’attache, c’est toujours pour finir par me détacher dans la douleur.

L’amour, je crois qu’il m’a anéanti plus d’une fois. À chaque fois que je pensais le trouver, il s’enfuyait, laissant derrière lui une trace invisible mais profonde. Les gens que j’ai aimés m’ont toujours brisé un peu plus. Certains sans même s’en rendre compte, d’autres avec une cruauté tranquille. Il y a des blessures qu’on ne voit pas, mais qui brûlent chaque jour, dans le regard, dans les gestes, dans le silence qu’on laisse entre deux mots. Moi, j’ai appris à sourire pour cacher les fêlures. À rire pour ne pas qu’on entende la douleur derrière ma voix.

Et c’est peut-être là que commence mon histoire.

Notre maison, elle, a cette odeur unique — un mélange de café froid, de lessive, et du vieux parfum de ma mère qui flotte encore dans le couloir. Chaque matin, la lumière s’y glisse comme un intrus, timide et dorée, se posant sur les cadres un peu tordus du salon. Et ce matin-là, j’étais allongé dans mon lit, entre rêve et réalité, quelque part dans un endroit que même moi, je ne comprenais pas tout à fait.

Je rêvais de lui. De Dan.

Dan, c’est un garçon de ma classe. Le genre de présence qui rend tout plus bruyant, plus vivant, mais qui ne dit jamais trop. Il a ce sourire un peu flou, celui qui semble cacher mille secrets, et des yeux d’un brun si profond qu’on s’y perd sans le vouloir. Dans mon rêve, tout était calme. Il faisait gris, le genre de ciel qui annonce la pluie mais sans tristesse, juste une douceur silencieuse. Nous marchions côte à côte, sans parler. Ses doigts frôlaient les miens, et ce simple contact avait quelque chose d’électrique, d’interdit.

Il riait, doucement, et ce rire vibrait dans ma poitrine comme une chanson que j’aurais voulu écouter encore et encore. Le temps s’étirait, chaque seconde semblait vouloir durer une éternité. Puis soudain, il s’est tourné vers moi, son regard s’est ancré dans le mien. J’ai senti quelque chose se fissurer à l’intérieur. Pas une douleur, non — plutôt une sorte d’éveil, une lumière qui fait mal parce qu’elle est trop belle. Il a approché sa main de mon visage, effleuré ma joue, et j’ai eu envie de lui dire que j’avais peur, peur de sentir, peur de croire, peur de moi-même. Mais aucun son n’est sorti de ma bouche.

C’est à ce moment-là que tout a commencé à se brouiller. Le décor s’est dissous, les couleurs se sont effacées, et son visage s’est éloigné dans la brume. Puis plus rien. Juste le vide, encore.

Quand j’ai ouvert les yeux, le soleil du matin m’a frappé de plein fouet. Sa lumière blanche a piqué mes paupières, m’obligeant à cligner plusieurs fois avant de reprendre conscience de la réalité. Le plafond de ma chambre était toujours le même, fissuré à un coin comme si le ciel voulait entrer. J’ai poussé un long soupir.

Je ne sais pas exactement quand j’ai commencé à ressentir quelque chose pour Dan. Peut-être que c’était à ce moment précis, dans ce rêve étrange, ou peut-être que c’était déjà là depuis longtemps, tapi dans un coin de mon cœur, attendant que je le reconnaisse enfin. Tout ce que je sais, c’est qu’en me réveillant, une chaleur douce et douloureuse s’est installée en moi, comme une flamme fragile qu’on ne veut ni éteindre ni laisser brûler trop fort.

Je me suis levé lentement, encore engourdi. Mes pieds ont touché le sol froid, rappel brutal que le rêve était fini. Dans le miroir accroché à la porte de mon armoire, mon reflet me regardait avec des yeux fatigués. Il y a des matins où je ne me reconnais plus. J’ai passé une main dans mes cheveux en bataille et j’ai tenté un sourire. Il n’a pas tenu.

Je me suis dirigé vers la salle de bain. L’eau de la douche a coulé sur ma peau comme une pluie chaude, emportant un peu du poids que je portais. Le miroir s’est couvert de buée, et dans cette vapeur, j’ai vu se dessiner le visage d’un garçon qui voulait juste exister, être vu, être compris. J’ai lavé mon visage avec soin, comme si j’essayais d’effacer quelque chose, un chagrin peut-être, ou un souvenir trop clair.

Je me suis habillé avec cette attention presque excessive que j’ai toujours eue. Un t-shirt noir, une chemise légèrement ouverte, un jean bien taillé, et mes baskets blanches que j’avais soigneusement nettoyées la veille. Ce n’est pas de la vanité — c’est une manière de me protéger, de mettre une armure sur ce que je ne veux pas qu’on voie. Si mes vêtements brillent, alors peut-être que personne ne remarquera les fissures en dessous.

Avant de quitter ma chambre, j’ai jeté un dernier coup d’œil à mon carnet posé sur le bureau. Une page y était encore ouverte, la dernière phrase inachevée : « Je crois que c’est à ce moment-là que tout a commencé… »

J’ai pris mon sac, inspiré profondément, et j’ai ouvert la porte.

La lumière du couloir m’a accueilli comme une promesse fragile. Dehors, le jour commençait vraiment, et avec lui, cette étrange impression que quelque chose allait changer. Je ne savais pas encore quoi, ni comment. Mais quelque part, au fond de moi, j’avais la certitude que le rêve n’était pas juste un rêve — c’était un avertissement, ou peut-être une confession silencieuse de mon propre cœur.

Et tandis que je descendais les escaliers, le bruit de mes pas résonnant doucement sur le bois usé, j’ai pensé à lui.

À Dan.

Et à ce sentiment nouveau, brûlant, terrifiant, qui venait de naître en moi.

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