Chapitre 4 : La Danse des Lames

L’aube n’avait pas encore pénétré les vitraux de la salle d’armes lorsque Félix franchit le seuil, ses pieds nus rencontrant le froid mordant des dalles de pierre. La pièce, vaste comme une cathédrale miniature, sentait l’huile d’acier et la sueur séchée. Des reflets métalliques dansaient sur les murs tapissés d’armes anciennes – sabres japonais, rapières espagnoles, kriss malais aux lames ondulées comme des serpents.

Damien était déjà là, torse nu malgré le froid matinal, ses muscles saillants tendus sous la peau pâle alors qu’il affûtait une dague courbe sur une pierre à aiguiser. Le grincement régulier de l’acier créait une cadence hypnotique.

"Tu as cinq minutes de retard," gronda-t-il sans lever les yeux, ses doigts experts vérifiant le fil de la lame contre son pouce. Une goutte de sang perla, qu’il effaça d’un mouvement négligent sur son pantalon de cuir.

Félix serra les poings, sentant les cicatires en étoile sur ses paumes se tendre douloureusement. "Je... je me suis perdu dans le couloir ouest," mentit-il, la voix rauque encore malhabile après des années de silence imposé.

L’aiguisement s’arrêta net. Damien tourna lentement la tête, révélant un profil de médaille romaine – nez droit, mâchoire anguleuse, lèvre supérieure légèrement plus fine que la inférieure. Dans la lumière bleutée de l’aube, ses yeux gris avaient la froideur d’un ciel d’hiver avant la tempête.

"Cette maison est ton territoire maintenant," prononça-t-il avec une patience dangereuse. "Apprends ses artères, ses veines, ses points faibles." Sa main se tendit, la dague tournoyant dans les airs avant que Félix ne l’attrape par le manche, sa réaction trop rapide, trop précise pour un simple Oméga.

*Flashback – La cave aux murs suintants

Les mains de l’enfant Félix, petites et déjà couvertes d’ampoules, serraient un couteau de boucher trop lourd. "Plus vite !" hurlait l’oncle Mikhaïl, son haleine empestant la vodka bon marché. "Un Sokolov ne tremble pas !" Le bâton s’abattit sur ses omoplates, encore et encore, jusqu’à ce que ses mouvements deviennent fluides, mortels, instinctifs.

"Montre-moi ta garde," ordonna Damien en se levant avec la grâce décontractée d’un grand félin.

Les lames se croisèrent dans un choc métallique qui envoya des étincelles bleutées dans la pénombre. Félix sentit l’impact jusqu’aux mollets, ses muscles criant sous l’effort soudain. La sueur commençait déjà à perler à la base de son cou, faisant coller le col en soie du haut de pyjama que Damien lui avait offert.

"Tu tiens la lame comme un assassin, pas comme un guerrier," observa l’Alpha en pivotant pour éviter une feinte. Son odeur – cuir vieilli, whisky single malt et cette essence masculine indéfinissable – envahissait l’espace entre eux.

Félix esquiva une attaque en vrille, sentant le souffle de la lame frôler sa pommette. "Quelle est la différence ?" haleta-t-il, surpris par sa propre audace.

Damien sourit, révélant des canines légèrement plus longues que la normale. "L’assassin tue par nécessité. Le guerrier par conviction."

Le combat devint une danse muette, leurs ombres s’entrelaçant sur les murs de pierre. Félix découvrait avec une surprise grandissante que son corps se souvenait de mouvements qu’il croyait oubliés – une parade ici, une riposte là, comme si son sang gardait la mémoire des générations de guerriers Sokolov.

Soudain, une douleur aiguë lui traversa la paume. Il baissa les yeux, stupéfait de voir la dague de Damien plantée dans sa chair, immobilisée à un millimètre de l’os.

"Première leçon," murmura l’Alpha en se penchant jusqu’à ce que ses lèvres effleurent la coquille de l’oreille de Félix. "Ne jamais se laisser distraire par son propre passé."

Le sang gouttait sur les dalles, formant de petites roses écarlates. Félix fixa le liquide précieux, hypnotisé.

"Deuxième leçon," continua Damien en retirant la lame d’un mouvement précis qui arracha un gémissement à Félix. "La douleur est une information, pas une punition."

Il porta la lame à ses lèvres, y goûtant le sang de Félix avec une expression indéchiffrable.

"Et la troisième ?" osa demander l’Oméga, serrant sa main blessée contre sa poitrine.

Damien rangea la dague dans son fourreau avec un claquement sec. "Que nous avons faim tous les deux. Le petit-déjeuner nous attend."

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