JASON CLARK
D’un geste méthodique, je range les derniers effets personnels dans ma valise en cuir noir avant de la refermer d’un claquement sec. Ce son marque la fin symbolique de mon séjour dans cette demeure qui n’a jamais été qu’une résidence, jamais un foyer. Les murs immaculés, les meubles d’époque soigneusement disposés — tout ici respire l’opulence froide, le luxe aseptisé. Rien qui ne porte l’empreinte de ma présence.
Je descends l’escalier principal d’un pas mesuré, chaque marche résonnant sous mes chaussures italiennes comme un battement de cœur amplifié. L’air est chargé d’une tension palpable, comme à chaque fois que je croise certaines personnes sous ce toit.
En bas, Natacha m’attend, silhouette élancée. Ses bras sont croisés, ses ongles vernis de rouge écarlate tambourinant contre son bras. Son regard, aussi glacé qu’un matin d’hiver, me scrute avec ce mélange de mépris et de curiosité feinte qui lui est propre.
- Bonjour, Natacha, dis-je, la voix volontairement neutre, polie comme l’acier d’une lame.
Elle esquisse un sourire qui ne touche pas ses yeux.
- Bonjour. Tu pars en voyage ?
Ma valise posée à mes côtés, je redresse légèrement la tête, soutenant son regard sans ciller.
- Madrid. Un chantier urgent nécessite ma présence. Une pause calculée. Tu sais, celui que Cameron devait superviser.
L’effet est immédiat : ses doigts se figent, ses lèvres se pincent. Je poursuis, ma tonalité aussi lisse qu’un miroir :
- Une fois encore, les affaires familiales passent après ses… distractions. Pas étonnant que père m’ait confié les rênes de l’entreprise.
Le sous-entendu — contrairement à ton fils — flotte entre nous, aussi tangible que le parfum de son Chanel N°5. Une lueur d’irritation traverse son regard avant qu’elle ne maîtrise sa réaction. Elle respire profondément, son décolleté soulignant le mouvement.
- Eh bien, bon voyage… je suppose ?
L’ironie dans sa voix est aussi fine qu’une aiguille. Je lui adresse un hochement de tête courtois — la politesse comme arme suprême — avant de la contourner, ma valise d’une main, l’autre plongée dans la poche de mon costume sur mesure.
À l'extérieur, je sors mon téléphone portable de la poche de mon pantalon de costume et compose le numéro de Lewis, mon meilleur ami et associé, dont la voix familière me rassure toujours :
- Je vais m’absenter un moment et j’aimerais que tu gardes un œil sur mon frère pendant mon absence. Je ne lui fais pas entièrement confiance, dis-je d'un ton clair lorsqu’il décroche enfin.
- Est-ce en rapport avec le chantier de Madrid ? demande-t-il d’une voix ensommeillée.
- Oui, Cameron a causé un véritable désordre là-bas.
- Pars l’esprit tranquille, mon ami. Je m’assurerai de garder un œil sur lui et sa mère.
- Je te remercie.
Alors que je raccroche, je me dirige vers le garage où ma Ferrari noire est garée. À peine ai-je franchi le seuil que je me retrouve face à mon frère, absorbé dans une conversation téléphonique. Lorsqu'il lève les yeux et m’aperçoit, il se fige, son smartphone toujours à l'oreille, une expression de surprise mêlée de méfiance sur son visage. Après un bref silence, il finit par articuler d'une voix neutre, presque froide :
- Bonjour.
Je lui adresse un sourire poli, mais sans chaleur, et lui réponds :
- Bonjour.
Il jette un coup d'œil à ma valise, son regard se durcissant légèrement.
- Tu pars en voyage ?
- Oui, je dois régler quelques affaires à Madrid.
Il fronce les sourcils, une lueur de désapprobation traversant son regard. Il semble sur le point de dire quelque chose, mais se ravise, préférant garder ses pensées pour lui.
- Très bien. Fais attention à toi, je suppose.
Son ton est empreint d'une ironie sous-jacente, et je ne peux m'empêcher de ressentir un léger agacement. Alors qu'il me contourne pour poursuivre son chemin, je sens le poids de son indifférence. Je poursuis ma route vers le garage, un espace vaste et lumineux où ma voiture brille sous les lumières fluorescentes. D'un geste assuré, je saisis la clé et l'insère dans le contact, une montée d'adrénaline m'envahit à l'idée de quitter cet endroit chargé de tensions non dites. Le moteur démarre avec un vrombissement familier, résonnant dans l'enceinte du garage, un son qui évoque des promesses d'évasion et de liberté.
Je fais lentement marche arrière, laissant le portail métallique s'ouvrir avec élégance devant moi, comme une invitation à fuir cette atmosphère pesante. Une fois à l'extérieur, le soleil caresse mon visage, ses rayons dorés apportant une chaleur réconfortante après l'atmosphère froide de la maison. Je m'engage sur la route, quittant rapidement ma propriété, chaque mètre parcouru me libérant un peu plus du poids de mes préoccupations.
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