L'Encre Noire De FANSSO
Le soleil matinal baignait la petite ville de Bouaké d’une lumière dorée et poussiéreuse. Dans une ruelle étroite, entre des murs de béton craquelé, Fansso Louo avançait d’un pas rapide, un sac usé en bandoulière. Ses yeux sombres étaient rivés au cahier qu’il tenait serré contre lui — un cahier à la couverture déchirée, rempli de ses dessins.
Dans ce cahier, il avait tracé des visages tordus par la douleur, des héros fatigués, des monstres silencieux. Des histoires que personne autour de lui ne comprenait.
À l’entrée du lycée municipal, des éclats de rire moqueurs fusèrent. « Hé, Fansso ! Toujours avec ton gribouillage d’enfants ! » cria un garçon en lançant un caillou qui frôla la couverture.
Fansso baissa les yeux, le visage rouge de colère et de honte. Il serra les dents, évita le regard de ses camarades, et entra dans la salle de classe.
Son professeur de français, M. Koffi, prit la parole : « Aujourd’hui, on va parler de rêves. Qui parmi vous sait ce qu’est un rêve réalisable ? »
Fansso leva timidement la main. « Moi, monsieur, je veux devenir mangaka. »
Un silence gêné suivit. Puis un murmure général : « Mangaka ? C’est quoi ce truc ? »
M. Koffi soupira : « Louo, c’est bien de rêver, mais il faut être réaliste. Dessiner des bandes dessinées, ça ne nourrit pas. Tu devrais penser à un métier sérieux. »
Ce jour-là, en rentrant chez lui, Fansso trouva sa mère, Fatou, occupée à vendre des légumes au marché.
« Maman, aujourd’hui j’ai dit que je voulais être mangaka. »
Elle secoua la tête, fatiguée. « Fansso, les gens vont penser que tu es fou. Pourquoi tu ne penses pas à quelque chose de stable ? »
Mais ce soir-là, dans sa chambre éclairée par une lampe fragile, Fansso ouvrit son cahier froissé et laissa ses crayons courir sur le papier. Parce que c’était là, dans ces traits noirs et tremblants, que battait son cœur.
Le silence de la nuit enveloppait la petite maison, mais dans la chambre exiguë de Fansso, une lumière vacillante illuminait son bureau branlant. Il avait posé son cahier sur la table, les pages ouvertes comme une fenêtre vers un autre monde.
Ses doigts tremblaient en saisissant le crayon usé. Il dessina lentement, la mine appuyant fort sur le papier, traçant des traits nerveux, des contours déformés. Chaque ligne était une morsure contre le silence qui l’entourait, chaque visage une histoire muette.
Dans sa tête, une tempête de questions et d’images tourbillonnait. Pourquoi ses camarades ne voyaient-ils pas ce qu’il essayait de dire ? Pourquoi sa mère ne comprenait-elle pas que ses dessins étaient plus qu’un simple passe-temps ?
Soudain, un bruit sourd le fit sursauter. C’était le souffle régulier de sa petite sœur, Awa, qui dormait dans la pièce voisine. Il lui sourit doucement, repensant à la promesse qu’il s’était faite : un jour, ses dessins parleraient pour eux deux, pour leur famille, pour tous ceux qu’on ignore.
Le cahier froissé sur la table semblait lui murmurer des encouragements invisibles. Il continua de dessiner, encore et encore, jusqu’à ce que ses paupières s’alourdissent et que le sommeil l’emporte.
Le lendemain matin, le réveil grinça dans la petite chambre encombrée. Fansso s’étira péniblement, puis attrapa son cahier qu’il avait laissé ouvert sur la table. Il caressa doucement la couverture usée, témoin silencieux de ses nuits blanches.
À la cuisine, sa mère préparait le petit-déjeuner, l’air fatigué mais infatigable. « Tu devrais manger, Fansso. Tu as besoin de force pour la journée. »
Il hocha la tête, avala rapidement un bol de bouillie de mil, puis prit son sac. Avant de sortir, il jeta un dernier regard au cahier posé sur la table. C’était son trésor caché, le gardien de ses secrets et de ses espoirs.
Dans la cour du lycée, les rires et les discussions fusaient, mais Fansso restait souvent seul, observant de loin. Il remarquait les expressions, les gestes, les silences — autant de détails qu’il capturait dans son esprit pour ses dessins.
Un jour, il croisa le regard d’une fille qu’il ne connaissait pas, assise sous un arbre avec un carnet à la main. Elle lui sourit timidement, et pour la première fois, il sentit une étincelle d’espoir.
« Je m’appelle Nnenna, » dit-elle. « Moi aussi, j’aime dessiner. Peut-être qu’on pourrait échanger des idées un jour ? »
Ce simple échange marqua le début d’une nouvelle aventure pour Fansso, celle où il allait comprendre que son chemin serait semé d’embûches, mais aussi d’amitiés et de rencontres qui de Nnenna, qui griffonnait dans son carnet.
« Salut, je suis Fansso », dit-il, la voix un peu hésitante.
Elle leva les yeux, son sourire s’élargit. Alors que le soleil filtrait à travers les branches du grand manguier, Fansso s’approcha doucement de Nnenna, qui griffonnait dans son carnet.
« Salut, je suis Fansso », dit-il, la voix un peu hésitante.
Elle leva les yeux, son sourire s’élargit. « Nnenna. Tu dessines quoi, toi ? »
Il ouvrit son cahier, dévoilant quelques croquis sombres, des visages tordus, des figures à la fois humaines et monstrueuses.
« C’est... un peu différent », murmura-t-elle, intriguée. « Moi, je dessine surtout des histoires sur Lagos, sur les gens, la ville. »
Ils parlèrent longtemps, assis sur l’herbe sèche, partageant leurs rêves, leurs doutes, leurs inspirations. Pour la première fois, Fansso sentit qu’il n’était pas seul dans cette quête, qu’un lien fragile mais précieux se tissait entre eux.
Pourtant, au fond de son esprit, une voix sourde résonnait encore — celle des moqueries, des critiques, des regards qui le condamnaient sans savoir. Le soir même, en rentrant chez lui, Fansso trouva un message sur son téléphone portable, un message anonyme :
« Arrête de rêver, Fansso. Personne ne veut de tes horreurs. »
Le cœur serré, il regarda le message, la peur et la colère se mêlant dans sa poitrine. Ce fut un coup de tonnerre dans sa jeunesse déjà tourmentée. Mais au lieu de plier, il sentit naître en lui une résolution nouvelle, presque aveugle.
Il referma son cahier froissé, cette fois avec plus de détermination que jamais.
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