il m'a écrit

Dans le bus du matin, collée contre la vitre embuée, Hanae relisait encore le message de Joonseo.

> "Tu as bien survécu à ta première journée ? Si tu veux, demain je te montre où on cache les snacks dans la salle technique. – J.S." 🧃

Elle n’y avait répondu qu’au petit matin, les yeux mi-clos, les doigts hésitants au-dessus de l’écran :

> "Oui, j’ai survécu. À demain."

Court. Sec. Presque impoli.

Et plus elle y repensait, plus elle se maudissait. Pourquoi avait-elle paniqué pour un simple message ? Pourquoi ce cœur un peu trop rapide à la lecture de trois mots et un émoji jus de fruit ?

Le bus cahotait lentement entre les rues encore brumeuses de Séoul. Ses écouteurs distillaient une playlist lo-fi, mais elle n’entendait que ses pensées.

Quand elle arriva sur le plateau, l’ambiance était déjà animée : bruits de roulettes de flight cases, techniciens qui s’interpellaient, maquilleuses autour d’un spot. Elle chercha instinctivement Joonseo du regard.

Et il était là.

Accroupi devant une valise de matériel, casque autour du cou, en train de régler une lumière. Il leva les yeux, la vit, et lui adressa un sourire doux, sans rien dire. Un sourire simple, sans arrière-pensée. Et bizarrement… ça la rassura.

— Salut, murmura-t-elle.

— Salut Hanae. T’as des cernes de guerre aujourd’hui.

Elle éclata d’un rire un peu rauque, mêlé à un soupir.

— Et toi tu dis ça avec ta tête de drama secondaire qui meurt à l’épisode 12 ?

Il posa un câble et mit une main sur sa poitrine, faussement dramatique.

— Possible. Mais je fais un bon café.

— J’espère que t’as des preuves.

— Suis-moi.

Il la guida à travers un couloir exigu jusqu’à la salle technique. C’était une petite pièce encombrée, avec des étagères pleines de batteries, de gaffeur, et d’objets sans noms. Il ouvrit une vieille glacière posée dans un coin.

— Tadaaa : le trésor des techniciens. Choisis ta canette.

Hanae hésita avant de prendre un café froid. Il lui tendit une paille comme si c’était une offrande royale. Elle sourit, un peu gênée, un peu touchée.

— T’as toujours ce genre d’attention ?

— Seulement pour les nouvelles qui survivent à Jahyeon.

Jahyeon.

Son nom flotta dans l’air comme une note dissonante. Elle sentit ses épaules se raidir. Pourquoi ce type hantait-il ses pensées ? Il ne lui avait même pas parlé hier. Peut-être un hochement de tête. Ou alors elle avait rêvé.

— Il est toujours comme ça ? demanda-t-elle sans trop y réfléchir, en fixant sa canette.

— Comme quoi ?

— Distant. Glacial. Genre… pas humain.

Joonseo hocha lentement la tête.

— Jahyeon vit dans sa bulle. Il danse, il rentre chez lui, il recommence. Il parle peu, mais quand il parle, il vise juste. Pas besoin de décorations.

— Donc il n’est pas méchant ?

— Non. Juste… sélectif. Et très lucide. Trop, parfois.

Elle acquiesça doucement, sans vraiment comprendre ce qu’il voulait dire. Elle but une gorgée. Amer. Mais pas désagréable. Un goût qu’elle ne connaissait pas, mais qui l’éveillait un peu. Comme ce qu’elle ressentait en ce moment.

Et soudain, une voix grave, derrière elle :

— Vous bloquez le passage.

Elle se retourna brusquement.

Jahyeon.

Debout, les mains dans les poches, le regard neutre. Il la fixait. Pas méchamment. Pas gentiment non plus. Juste... intensément. Comme s’il analysait la scène.

Elle recula précipitamment, bousculant presque une boîte en plastique.

— Désolée ! souffla-t-elle, paniquée.

Joonseo se déporta légèrement sur le côté.

— La salle technique appartient à tout le monde, murmura-t-il, sans animosité.

Mais Jahyeon ne répondit rien. Il s’approcha, ouvrit un placard métallique, en sortit un rouleau de ruban adhésif, puis ressortit comme il était entré. Silencieux. Rapide. Une tempête contenue dans un souffle.

Hanae resta figée, les joues en feu.

— Voilà ce que je veux dire, soupira-t-elle en secouant la tête.

Joonseo haussa les épaules, un demi-sourire aux lèvres.

— On finit par s’y faire.

Mais elle…

Elle n’était pas sûre de vouloir s’y faire.

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