ep 4

Ils continuèrent à discuter, doucement, comme deux âmes fatiguées cherchant un peu de paix. Ils parlaient de tout, de rien… de l’école, des profs, de leur voisinage, même de la dernière fois où la cousine de Malek avait mal fait le riz. Un moment suspendu dans le temps.

Laila éclata de rire, la tête légèrement renversée en arrière. Malek la regardait, et son sourire se figea un instant. Il se redressa doucement, puis ajusta d’un geste doux le voile de Laila qui s’était légèrement déplacé.

— Fais attention à ton hijab, habibti.

Il sourit, le regard un peu rêveur.

— Un jour, in shaa Allah, je demanderai ta main. Officiellement.

Laila resta figée, son rire s’étouffant dans sa gorge. Elle le fixa, surprise, presque touchée.

— Tu… tu dis ça sérieusement ?

Il hocha la tête.

— Wallahi, sérieusement. Pas maintenant, mais plus tard, quand je serai prêt. Je veux faire les choses bien.

Elle baissa les yeux, un petit sourire nerveux sur les lèvres.

— Mais… mon frère accepterait jamais, Malek. Il répète tout le temps que je suis "destinée" à épouser un grand homme. Un homme choisi, respectable, avec une grande famille… comme si j’étais un contrat.

Elle leva les yeux vers lui.

— Et il a dit que tout sera officiel. Pas de sentiments avant le mariage. Pas de “bêtises d’ados”, comme il dit.

Malek resta silencieux un moment, puis murmura :

— Mais c’est moi que ton cœur a choisi, pas un contrat. Et ça, personne ne peut l’effacer.

Malek regarda Laila, puis baissa légèrement la voix, comme s’il voulait que ses mots restent entre eux deux, loin du monde.

— Tu sais… j’aimerais bien passer ma vie près de toi. Me lever avec toi à mes côtés, entendre ton rire, te voir t’occuper de notre maison, de nos enfants... Inchaa Allah.

Il prit doucement sa main entre les siennes, la regardant droit dans les yeux avec un sourire tendre.

— Tkt pas, Laila… on sera ensemble. Je te le promets.

Elle sentit son cœur battre un peu plus fort. Elle ne répondit pas tout de suite, mais son regard en disait long. Puis elle souffla, un sourire timide sur les lèvres :

— Je le crois bien…

Mais à cet instant précis, la porte du salon s’ouvrit brusquement. La cousine de Malek, toujours aussi curieuse et un peu trop à l’aise, entra sans frapper.

— Ah mais vous êtes encore là vous deux ?!

Laila se leva d’un bond, retirant doucement sa main de celle de Malek. Son visage se referma aussitôt, son sourire s’effaça.

— Je vais y aller.

Elle remit bien son voile, évitant le regard trop insistant de la cousine, puis jeta un dernier coup d’œil à Malek. Juste un regard, mais rempli de choses qu’elle ne disait pas à voix haute.

— Assalamu alaykoum.

Et elle sortit.

Sur le chemin du retour, Laila marchait vite, les pensées encore embrouillées, entre les mots de Malek et la présence agaçante de sa cousine. Elle pensait à ce qu’elle lui dirait la prochaine fois… quand soudain, une voix familière la coupa net dans sa marche.

— Tu sors d’où, Laila ?

Elle leva les yeux. Son frère. Il avançait droit vers elle, les sourcils froncés, son téléphone à la main.

— Et me dis pas que t’étais chez Asma. J’ai appelé là-bas, elle a dit que t’étais pas venue.

— Euh… Laila resta figée, le cœur battant.

— T’avais dit que tu partais là-bas, Laila. Pourquoi tu mens ?

Elle cherchait quoi dire, quand soudain une autre voix retentit derrière elle :

— Laila ! T’as oublié ça chez moi.

Malek.

Elle se retourna brutalement. Malek tenait dans sa main un petit cahier bleu qu’elle avait oublié sur la table. Il s’arrêta en voyant son frère, et leurs regards se croisèrent.

Silence. Lourd. Chargé.

L’un comme l’autre se fixait sans cligner des yeux, comme deux lions prêts à se sauter dessus. Laila, prise au milieu, sentit la tension monter en flèche. Son frère serra les poings. Malek ne bougea pas, le visage calme, mais ses yeux ne lâchèrent pas ceux du grand frère.

— Laila, c’est qui lui ? demanda sèchement son frère, sans détourner le regard.

Elle ne répondit pas.

Son cœur cognait dans sa poitrine. Elle savait que la moindre réponse allait enflammer la situation.

Et Malek, doucement, s’approcha et tendit simplement le cahier à Laila, les yeux toujours sur son frère.

— Je voulais juste lui rendre ça. Salam.

Le frère de Laila lança un regard noir à Malek, puis se tourna brusquement vers sa sœur :

— Donc c’est chez un gars que tu es partie ?! Hein ? Toi aussi tu commences à traîner comme…

Il s’arrêta, mais le mot était clair. P*te. Même sans le dire, Laila l’avait entendu. Son cœur se serre, ses yeux s’embrouillèrent.

— Hé ! Malek fait un pas en avant, la voix ferme. Elle est venue pour bosser, ok ? Elle ne comprenait pas l’exercice chez Asma, alors elle m’a demandé de l’aider. Wallah, y avait rien d’autre.

Mais le frère ne voulait rien entendre. Il attrapa Laila par le poignet, la tira brusquement vers lui et la plaça derrière son dos.

— Avance.

Puis, il s’approcha de Malek, très près, son regard brûlant de colère :

— Ma sœur est destinée à un homme, un vrai. Pas à toi. Tu n’as rien à faire avec elle. Et je veux plus jamais te voir traîner autour. Compris ?

Malek le fixa sans bouger, les dents serrées, mais il ne dit rien. Il savait que répliquer maintenant allait empirer les choses pour Laila.

Le frère se retourna, attrapa Laila par l’oreille, comme une gamine, et la poussa :

— Allez ! T’as fini de nous salir dehors. Tu vas voir à la maison ! Les parents sont sortis, parfait ! Tu vas m’entendre, wallah.

Laila ne disait rien. Elle avait honte. Elle avait mal. Pas à cause de la douleur de son oreille, non… mais à cause du regard de Malek. De la colère de son frère. Et surtout, de cette vie où aimer était une faute.

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