Tu dois vraiment faire attention maintenant qu’il va revenir.
Je levai les yeux au ciel, agacée par le ton dramatique de ma tante. Déjà qu’elle m’avait entraînée dans ce restaurant où elle avait l’habitude de m’emmener chaque fois qu’elle avait un nouveau sermon à me faire.
Le sujet du jour était Nick, mon beau-fils.
C’était hier soir, alors que je m’apprêtais à dormir, que Russell (mon mari) m’avait annoncé le retour de son fils.
Sur le coup, je n’avais pas su quoi répondre. Je m’étais contentée de sourire, feignant la joie, alors que je ne l’étais pas du tout. Le retour de Nick ne présageait absolument rien de bon. Surtout pas pour moi.
Dix ans s’étaient écoulés depuis la dernière fois que lui et moi nous étions vus. Il avait tout juste treize ans à l’époque, et je mentirais si je disais que ces dix années loin de ce gosse n’avaient pas été les plus belles de ma vie.
Pour être honnête, Nick m’a toujours détestée. Dès que j’ai épousé son père, il s’est donné pour mission de me pourrir la vie. Je me souvenais encore de toutes les sales plaisanteries qu’il m’avait faites, et de toutes les atrocités qu’il m’avait balancées.
Il n’était peut-être qu’un adolescent, mais il avait déjà le venin d’un serpent adulte dans la bouche. Il m’a toujours détestée et ne s’est jamais gêné pour me le faire sentir.
Et maintenant qu’il était devenu un homme… qu’était-il réellement devenu ? Impossible à dire. Mais une chose était sûre : s’il revenait, ce n’était certainement pas pour de tendres retrouvailles avec son cher papa. Non. C’était pour foutre la merde.
Monica
Tu m’écoutes au moins ? * avec un ton agacé 😠
Je soupirai bruyamment en fixant ma tante. Elle adorait dramatiser tout et n’importe quoi, c’était son truc. Sauf que, cette fois, elle n’avait pas complètement tort.
Néanmoins, j’essayais de garder un masque de sérénité, histoire de ne pas lui montrer que, moi aussi, je paniquais.
Isadora
Je ne vois pas pourquoi tu en fais tout un plat.
Monica
Isadora, tu dois te battre. Tu ne peux pas perdre tout ce pour quoi tu t'es battue juste à cause du retour de ce morveux.
Isadora
De quoi tu parles ?
Ma tante leva les yeux au ciel, comme si je venais de poser une question stupide.
Monica
Tu penses qu'il revient pourquoi ?
Isadora
Pour me rendre la vie impossible ?
Monica
Et pas que. Il revient pour l'héritage.
Isadora
Quoi ?
Monica
Tu crois que c'est un hasard, toi, qu'il revienne juste maintenant alors que Russell est affaibli ? Sa santé se détériore, et lui, il revient comme une fleur ? Il veut s'assurer que tu ne touches pas un centime de ce qui lui revient de droit.
Je secouai la tête, dégoûtée par ce qu'elle insinuait.
Isadora
Arrête de dire des choses pareilles. Je ne veux même pas imaginer Russell...
Monica
... six pieds sous terre ?
Monica
Tu devrais y penser. Et agir en conséquence. Tu dois assurer tes arrières. Demande-lui s'il t'a mise sur son testament.
Isadora
Tu es folle. Tu veux que je débarque et que je lui dise : "Hey chéri, est-ce que tu m'as mise sur ton testament ?" Non mais tu entends ce que tu dis ? C'est insensé.
Monica
Ce qui serait insensé, ce serait d'avoir passé dix ans aux côtés d'un vieux homme pour ne rien obtenir en retour. Parce que, soyons honnêtes, Isadora, c'est pour ça que tu l'as épousé. Pour son argent.
J'avais toujours détesté cette phrase, mais ma tante se donnait un malin plaisir à me la rappeler à chaque fois, comme si j'avais besoin d'elle pour raviver cette vérité. Oui, j'avais épousé Russell pour son argent. Pour sa sécurité. Pour la promesse d'une vie tranquille. Une vie que je méritais, après tout ce que j'avais enduré. Mais avec le temps, quelque chose de plus doux, de plus sincère s'était installé. Il m'aimait, j'en étais certaine. Et moi… j'avais fini par l'apprécier. Peut-être même plus.
Isadora
Russell serait incapable de ne pas me mentionner dans son testament. Il est fou de moi.
Monica
Peut-être, mais Nick est son fils. Son sang. Il ne le sacrifiera pas pour toi.
Isadora
Il l'a déjà fait par le passé, je te signale. Si ce gosse est parti à Londres, c'est parce que je l'ai demandé. Russell m'a écoutée. Il m'a choisie, moi.
Elle me lança un regard sceptique.
Monica
Il avait treize ans, Isadora. Il n'était pas encore assez fort pour se battre. Mais aujourd'hui, il revient en homme.
Agacée, en colère et frustrée, je me levai de ma chaise.
Isadora
Il ne me fait pas peur. Peu importe qu'il ait vingt-trois ans aujourd'hui, je m'en fiche. S'il veut la guerre, il l'aura.
Je récupérai mon sac, sortis quelques billets de mon portefeuille et les déposai sur la table pour régler l’addition.
Isadora
Bonne journée, ma tante.
Sans un mot de plus ni un regard pour ma tante, je tournai les talons et quittai le restaurant.
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