La lumière du matin filtre à travers les rideaux lourds. Elle s’étend sur ma peau nue, crue, sans indulgence. Je m’éveille d’un sursaut, le cœur serré, la bouche sèche. Mon corps me trahit : chaque muscle me rappelle la nuit passée.
Je ferme les yeux, espérant que tout disparaisse, mais le parfum de Kane emplit encore la chambre. Fort, entêtant. Je le hais. Je le hais de m’avoir pris. Je me hais d’avoir cédé.
Un froissement. Je tourne la tête. Il est là.
Assis dans le fauteuil près du lit, une coupe de vin à la main, comme s’il m’attendait depuis l’aube. Ses yeux, sombres, me fixent avec une tranquillité glaciale.
— Bien dormi, mon prince ?
Sa voix se glisse en moi comme une lame. Je détourne le regard, m’agrippant au drap pour couvrir ma nudité. Ridicule. Comme si, après cette nuit, il y avait encore quelque chose à cacher.
Il sourit. Lentement. Comme un chasseur qui contemple sa proie épuisée.
— Tu trembles encore. Est-ce la peur… ou le manque ?
Je serre les dents. Ne pas répondre. Ne pas lui donner cette satisfaction. Mais il lit déjà dans mes yeux. Il sait. Et ce simple constat m’arrache une brûlure pire encore que la honte.
— Profites-en, Kane, dis-je d’une voix que je veux tranchante. Ça ne durera pas.
Il arque un sourcil, un sourire carnassier au coin des lèvres.
— Oh, vraiment ? Parce qu’hier soir, tu semblais supplier que ça ne s’arrête jamais.
Je serre le drap contre moi comme une armure dérisoire. Mon regard croise le sien, glacé.Je refuse de baisser les yeux, même si son ombre me domine.
— Tu n'est qu'un pervers narcissique. Rien de plus, soufflé-je.
Un rire bref franchit ses lèvres, sans chaleur.
— Et toi, tu n’es qu’un gamin qui joue à être Roi.
La gifle invisible claque plus fort que si sa main m’avait frappé. Je redresse le menton, décidé à ne pas plier.
— Tu crois que tu m’impressionnes ? Que je vais t'obéir ?
Il s’approche d’un pas, lentement, calculé, son regard brûlant de mépris.
— Non. Tu vas lutter. Tu vas cracher ton orgueil à chaque mot. Et c’est ça qui m’amuse. Parce qu’au fond, tu sais aussi bien que moi… que tu ne fais pas le poids.
Je serre les dents, chaque muscle tendu.
— Tu n’es rien d’autre qu’un piège. Mais je ne suis pas assez stupide pour retombée dedans
Un silence s’installe. Kane m’observe longuement, puis esquisse ce sourire qui n’annonce jamais rien de bon.
— Oh, tu reviendras. Pas parce que tu es stupide, Zéphyr. Parce que tu es faible. Et les faibles finissent toujours par ramper, tôt ou tard.
Je sens la rage bouillir dans mes veines. J’arrache mon poignet de son étreinte, comme on arrache une lame plantée trop profond.
— Je préférerais mourir.
Ses yeux s’assombrissent, une lueur dangereuse dans l’ombre.
— C’est une promesse ?
Je le fixe sans répondre. Et pour la première fois, je comprends : ce n’est pas seulement un jeu. C’est une guerre.
Ses mots me hantent encore alors que je claque la porte derrière moi. L’air de la nuit me fouette le visage, mais il n’efface pas la brûlure de son regard, ni ce sourire cruel imprimé au fer rouge dans ma mémoire.
Lorsque les murailles du palais apparaissent enfin, je sens mon estomac se tordre. Ici, je devrais trouver refuge… mais ce soir, le palais me semble aussi hostile que la chambre du duc. Les torches veillent comme des juges silencieux, et je n’ai jamais eu autant peur qu’on m’arrache mes secrets.
À l’intérieur, les couloirs semblent interminables. Mon cœur cogne dans ma poitrine. Chaque garde croisé, chaque serviteur qui incline la tête, me paraît scruter au-delà de mon masque. Est-ce qu’ils voient ? Est-ce qu’ils devinent ?
Et puis, comme si le destin prenait plaisir à m’enfoncer davantage, il apparaît.
Dans l’ombre d’une colonne, appuyé négligemment, se tient un homme de main de mon père. Toujours là où il ne devrait pas être. Toujours à observer sans jamais sourire.
— Tardive, cette nuit, n’est-ce pas, Monseigneur ? dit-il avec une fausse douceur.
Je me fige, incapable de soutenir ce regard qui semble tout savoir.
— J’avais… des affaires à régler.
— Des affaires, répète-t-il, en laissant traîner le mot comme une lame sur la peau. Intéressant. J’espère qu’elles en valaient la peine.
Il s’incline très légèrement, un rictus au coin des lèvres. Pas assez pour m’accuser, mais trop pour être innocent. Chaque syllabe est une pointe acérée, une menace à demi voilée.
Je passe mon chemin, sans répondre, la gorge serrée. Mais je sais que le piège se referme déjà. Entre les griffes du duc et l’ombre qui rôde au palais… il ne me reste nulle part où respirer.
Mon père me convoque dans la grande salle du trône, comme si de rien n’était. Les bannières dorées flottent, majestueuses, et je sens déjà ma nuque se raidir. J’avance, chaque pas résonnant comme une faute dans l’immense silence.
— Tu as mauvaise mine, Zéphyr, constate-t-il sans lever les yeux des parchemins.
Je déglutis, mais je ne me laisse pas abattre.
— Père, je dois vous parler.
Il relève enfin son regard, froid, tranchant.
— J’écoute.
Un instant, j’hésite. Est-ce que je prends le risque ? Mais si je me tais, Kane gagnera.
Alors je prends une inspiration, et je lance son nom comme une lame :
— Kane Charles-Coff. Le duc.
Mon père relève enfin la tête de ses parchemins. Son regard s’ancre dans le mien, froid, tranchant.
— Eh bien, parle. Qu’as-tu découvert ?
Je déglutis. Chaque mot que je prononce peut m’accuser autant qu’il peut m’innocenter.
— Il étend son influence. Ses hommes rôdent dans les tavernes, ils échangent des informations, surveillent nos routes. Ce n’est pas une alliance, c’est une prise de terrain.
Mon père ne sourit pas, mais je vois une étincelle passer dans ses yeux : un intérêt glacé.
— Continue.
Je sens mes entrailles se nouer. Les images de cette nuit me reviennent, brûlantes, indélébiles. Sa voix. Ses mains. Sa menace. Je chasse tout ça, du moins j’essaie.
— Il est dangereux. Il se croit déjà intouchable, presque plus puissant que nous. Et… il ne cache même plus son mépris.
Un silence. Puis mon père se lève lentement, sa haute silhouette projetant une ombre qui me dévore.
— Bien. Tu confirmes ce que je soupçonnais. Il fallait que tu le voies de tes propres yeux.
Je me fige.
— De mes… propres yeux ?
Son sourire est mince, cruel.
— Ne fais pas l’innocent. Je t’ai confié cette mission pour une raison. Tu es mon sang. Tu seras mes yeux et mes oreilles. Tu devras trouver ses faiblesses… et les exploiter jusqu’à sa chute.
Mon cœur cogne dans ma poitrine. Est-ce qu’il sait ? Est-ce qu’il devine ce qui s’est réellement passé ?
— Père… si je le détruis, ce sera dangereux. Pour moi. Pour nous.
Il s’approche. Son regard plonge dans le mien, brûlant d’une autorité que je n’ai jamais osé défier.
— La royauté est toujours dangereuse, Zéphyr. Mais retiens ceci : soit tu l’abats, soit il nous abattrait. Et je ne laisserai pas ce choix entre ses mains.
Je serre les poings, incapable de répondre. Parce que je sais qu’il a raison. Parce que je sais aussi que Kane ne me laissera jamais le détruire… pas sans m’entraîner avec lui.
***Téléchargez NovelToon pour profiter d'une meilleure expérience de lecture !***
6 épisodes mis à jour
Comments