A crown of thornes
[Mauve a été bête de penser que ce serait aussi facile.]
[Ce soir là Jul, Asper et Darren l’ont dépouillé de tout ce qu’il avait et abandonné aux frontières de la ville dans un quartier pourri qu’on surnommait « The bottom ». Il abritait en son sein le marché noir le plus prospère du pays.]
[ Il y avait passé deux mois.]
[Deux mois. Deux mois entiers passés dans les ruelles et les coins sombres du marché noir, livré à lui-même.]
[Mauve n’avait rien d’autre qu’un simple téléphone prépayé, limité aux numéros de Jul, Asper et Darren. Chaque soir, il devait leur prouver qu’il avait survécu en donnant signe de vie.]
[Ici, Une erreur, un faux pas, et il disparaîtra sans que personne ne sache jamais pourquoi.]
[Les deux premières semaines, il a appris à courir. Échapper aux mains trop insistantes, aux types qui flairaient ses phéromones quand ses hormones débordaient. Sans ses suppresseurs, chaque chaleur était un supplice : son corps le trahissait, brûlant, tremblant, cherchant un soulagement qu’il refusait de donner à n’importe qui. Alors il s’enfermait dans des chambres d’hôtel miteuses, sanglant ses draps, griffant sa peau, persuadé qu’il ne tiendrait pas. Mais il tenait. À chaque fois.]
[La troisième semaine, il a appris à se battre. Pas à la manière élégante de son frère Blaire, formé pour impressionner. Non. Ici, les coups étaient sales, rapides, brutaux. Un couteau planté dans l’avant-bras. Un visage écrasé contre un mur. Un genou explosé sur le béton. Mauve a encaissé, beaucoup trop souvent. Ses côtes ont cédé une fois, mais il s’est relevé. Parce que s’il ne se relevait pas, c’était la mort.]
[La quatrième semaine, il a appris à négocier. À mentir. À sourire à ceux qu’il méprisait. À vendre une information à l’un et à en transformer une autre pour l’offrir à quelqu’un d’autre. Le goût de la manipulation est devenu familier, presque addictif. Chaque mensonge bien placé, chaque secret arraché au bon moment était une victoire sur ce monde qui voulait l’avaler.]
[Et enfin, il a compris que survivre, ce n’était pas assez. Que pour exister ici, il devait imposer son nom. Alors, il a commencé à provoquer des alliances, à prendre des risques plus grands, à se faire connaître. Pas encore comme un gros poisson, mais plus du tout comme une proie. Le regard des autres changeait lentement. Moins de mépris. Plus de méfiance.]
Mauve Bexley
Je suis vivant aujourd’hui encore bande de connards.
Darren
C’est une bonne nouvelle.
Asper
Notre petit bébé semble nous en vouloir~
Mauve Bexley
Évidemment que je vous en veux. Vous m’avez laissé pourrir en enfer pendant deux mois entiers !
Asper
Il le fallait bien mon chéri. Il fallait qu’on te baptise~
Jul
Ça va te faire pousser des poils sur les couilles tu verras.
Mauve Bexley
Je suis sur un gros coup les gars.
Asper
Ah oui ? Dis nous tout.
Mauve Bexley
J’ai entendu dire que l’héritier des Torres serait dans le secteur. Vous me laisserez enfin quitter cet enfer si je réussissais à vous avoir de quoi affaiblir leur petite famille ?
Jul
Mmmhhh ouais. Si t’y arrives, ça sera tellement tripant…
Darren
Les Torres sont une famille assez discrète et rivale à ton propre clan. Leur héritier est connu comme quelqu’un d’assez coriace. T’es sûr de ton coup ?
Asper
Les gars, si notre petit protégé pense qu’il peut y arriver alors il peut y arriver. Moi, je lui fais confiance.
Darren
Si tu le dis Asper….
Jul
Crèves pas Mauve, ce serait du gâchis.
Mauve Bexley
Je n’ai pas l’intention de mourir ici.
[Le lendemain soir, dans le brouhaha d’un bar enfumé du marché noir, Mauve observe de loin les traits de Desmond Torres. Il est aussi impressionnant que les rumeurs le disent. Sourire confiant, carrure incroyable, regard ambré chargé d’animosité et de défi.]
Mauve Bexley
C’est bien le type ?
Jul
C’est bien lui ouais ! Oh putain tu déconnais pas.
Darren
Sois prudent surtout.
Mauve Bexley
T’inquiètes.
[Habilement, il glisse derrière le bar. Il fait semblant d’être employé. Il enfile un torchon sur son épaule, sert maladroitement un verre de whisky à un client trop saoul pour masquer l’imposture. Et quand Desmond commande à son tour, Mauve se penche et joue de son sourire le plus insolent.]
Mauve (bas, comme une provocation) : Première fois que je vous vois ici. D’habitude, les gros bonnets évitent ce trou à rats.
[Desmond lève les yeux. Un regard noir, lourd, qui jauge, qui déshabille sans rien dire. Puis un sourire lent, carnassier.]
Desmond : Et d’habitude, les gamins n’osent pas me parler comme ça.
[Mauve sent une chaleur désagréable lui grimper le long de la nuque, mais il tient son rôle. Il sait qu’il l’a accroché. Il glisse le verre vers lui, leurs doigts s’effleurent. La tension est immédiate, presque électrique.]
Mauve : Alors considérez-moi comme une exception.
[Autour d’eux, le bar continue de vivre, mais l’air semble s’être épaissi de leur côté. Desmond boit une gorgée, sans le quitter des yeux. Et Mauve sait qu’il est entré dans un jeu dangereux. Il croit fermement que c’est lui qui mène la danse. Mais déjà, Desmond enregistre chaque petit détail le concernant dans un coin de son esprit. À l’odeur sucré q’il dégage, il conclut immédiatement que Mauve est un Omega.]
[Leur jeu commence. Pas de cartes, pas de règles explicites. Juste un échange de regards, de phrases glissées comme des lames de rasoir. Mauve sourit, armure résistante. Desmond s’amuse à frôler ses limites, à tester jusqu’où ce gosse insolent peut aller.]
[Chaque verre partagé devient une mise. Chaque silence devient un piège. Et autour d’eux, le bar s’efface. Ce n’est plus qu’un ring invisible, une arène où le premier qui baisse les yeux signe sa propre condamnation.]
[Desmond s’approche, trop près. Sa main effleure volontairement le poignet de Mauve. L’odeur est là, sucrée, trahissant ce qu’il est. Un Omega. Desmond le sait. Il pourrait briser cette mascarade en une phrase. Mais il préfère jouer. Voir jusqu’où l’autre est prêt à aller pour le manipuler.]
Desmond (voix basse, presque un murmure) : Tu joues à un jeu qui te dépasse.
Mauve (souriant, insolent) : Peut-être… mais je gagne toujours.
[Et la partie dérape. Les regards deviennent morsures, les mots deviennent caresses, menaces et promesses entremêlées. C’est une séduction armée, une danse sur le fil du rasoir où chacun tente de prendre le dessus. Le premier qui cède n’est pas seulement celui qui “perd” : c’est celui qui s’expose à la mort.]
[Finalement, ça éclate hors du bar. Une chambre louée à l’arrache, des vêtements jetés au sol comme des preuves à brûler. Mauve pensait garder le contrôle, mais ses mains tremblent. Ses chaleurs, sans supresseurs, viennent compliquer l’équation. Son corps le trahit. Torres le sent. Il en profite, mord dans sa fierté comme on mord dans une proie.]
[Et malgré tout, c’est Torres qui flanche le premier. Pas parce qu’il se laisse avoir, mais parce que ce gamin l’a pris par surprise. Parce qu’il ose, parce qu’il rend coup pour coup. La nuit bascule, Mauve cède sa virginité dans cette bataille charnelle où personne n’est vraiment vainqueur. Mais lui, dans un dernier éclat de lucidité, garde la tête froide assez longtemps pour fouiller les affaires de Desmond.]
[Une clé USB. Dissimulée dans un piercing, comble de la bizarrerie. Dedans, les fichiers sur des transactions massives avec les narcos. Mauve s’en empare. Et au matin, il n’est plus seulement l’Omega naïf rejeté par sa famille qui pensait pouvoir conquérir le monde entier si on lui donnait un peu de liberté. Il est devenu un homme bien différent. Un homme qu’il n’aurait jamais imaginé pouvoir être.]
Décidément, il n’oubliera jamais l’année de ses 20 ans.
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