Chapitre 2

Derrière eux, des ombres émergeaient au milieu des arbres enveloppés de brouillard. Des épées surgissaient tel un flot de serpents lumineux, des boucliers prenaient leur envol, des masses s’écrasaient. Le bruit de l’acier frappant l’acier résonnait comme un coup de tonnerre, accompagné de cris déchirants, de hurlements étouffés dans la nuit trempée d’eau et de sang. Un coup de hache fractura l’épaule d’un soldat, l’os se brisa de manière nette, perceptible même au milieu du tumulte. Il chuta en criant, essayant de se traîner dans la boue, sa main fouillant l’eau rouge comme si elle cherchait à s’accrocher à sa propre existence.

— « A couvert ! Ah COUVERT ! » crie un jeune officier, juste avant qu’une lance ne lui perce la gorge, sortant à demi par le cou dans un bruit répugnant.

Il s’est effondré silencieusement, les yeux plongés dans l’épouvante. Ils parvinrent finalement aux premiers massifs rocheux de la Gorge du Serpent une dépression naturelle, étroite et tortueuse, flanquée de murs suintants et de ronces aiguisées. Dans ce passage maudit, une poignée d’hommes pourrait résister à des centaines. Possible. Si les dieux n’avaient déjà pas trépassé.

— Positionnez les tireurs en hauteur !,vociféra Maevor, pointant la corniche glissante sur le flanc de la roche.  Les lames à mes côtés ! En avant les boucliers ! ON NE SE REND PAS !

La boue leur montait jusqu’aux chevilles. Les corps gisaient déjà sur le sol, certains encore tièdes, d’autres désormais raides, la bouche ouverte sur un dernier mot qui ne fut jamais prononcé. Le sang tissait des mailles obscures, fusionnant avec la pluie et les eaux résiduaires de la terre. Alren s’appuya contre un mur, l’haleine haletante, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine tel un bélier assaillant une porte close. Il jeta un œil autour de lui. Des visages. Quelques-uns étaient terrorisés. Autres résolument. Mais tout le monde savait que ce repli n’était pas une retraite. C’était une phrase. Un silence soudain, presque surréaliste, s’instaura. Poésie... un cri de ralliement. Lointain. En augmentation.

— Ils arrivent ..,murmura faiblement un soldat au teint blême, sa voix n’étant guère plus qu’un souffle.

Et ils sont arrivés. Tel un flot dévastateur de boue, de métal et de rancœur, les insurgés se précipitèrent en bas de la pente dans une vague de hurlements rauques, agitant leurs étendards sombres, leurs haches courbées et leurs lames ternies. Les premiers ont été abattus par les flèches des tireurs placés au sommet, percés en plein mouvement, repoussés en arrière dans des éclaboussures de sang. Cependant, leur nombre était excessif. Ils escaladaient les corps, glissaient, chutaient et revenaient.

— TENEZ ! PAR TOUT CE QUI EST SACRÉ, JUREZ SUR LES OS DE VOS ANCÊTRES !, Maevor poussait des cris perçants, les deux mains agrippées à sa lame, l’œil halluciné.

Les boucliers se fissurèrent sous la contrainte. Les épées ont été brandies. Un déluge de frappes s’est abattu dans le passage étroit, les épées ont rebondi sur les armures, certaines ont trouvé une brèche. Un insoumis sauta sur Alren, le clouant au sol. L’homme a été écrasé par le poids qui lui a comprimé les côtes, tandis que la boue lui obstruait la bouche. Il poussa un cri, ressentant la pointe de la lame frôler son ventre, et dans un geste désespéré, embrocha le cou de celui qui l’attaquait avec son poignard. Le sang gicle en une douce pluie sur son visage glacé. Il se mit à rouler sur le flanc, haletant tel un animal blessé, les doigts serrés sur sa garde. La bataille se poursuivait autour de lui, intensifiée par la fureur et l’urgence. Et dans ce gouffre damnée, où l’eau s’écoulait tel un sang mêlé à de l’eau, les hommes de Saanher persistaient à se battre, non pas pour triompher, mais pour laisser une trace dans la mémoire.

Peut-être qu’un jour, on racontera que cette nuit-là, dans les Plaines Brisées de la Baie de Valacor, des hommes ont accompli l’impossible. Les épées s’étaient alourdies, devenues visqueuses, recouvertes de chair déchirée, de morceaux d’armure déformée, de sang épais qui se fixait comme du goudron. Chaque coup porté se faisait sentir jusque dans les os, secouant les muscles tendus par le froid et l’effroi. L’halètement était bref, saccadé, émaillé de râles et de hurlements, comme si l’air lui-même semblait se refuser à entrer dans les poumons embrasés.

—Par les crocs d’Elyria, je n’en peux plus !,grommela Ser Loran, en plongeant sa dague à la base de la tête d’un insurgé qui cherchait à l’étrangler, ses griffes enfoncées dans les maillons de son gorgerin. Nous allons tous mourir ici, Maevor ! De es au courant !

— Il vaut mieux mourir en position debout, le sang sur les mains, que de vivre à quatre pattes sous le joug d’un traître !, répondit Ser Maevor en tranchant, sa lame traçant une vaste courbe qui projeta une éclaboussure rouge du torse déchiré d’un attaquant.

La pluie coulait sur son front, laissant des traces rouges sur son visage marqué de suie et de sang séché. Son armure était bosselée, déchirée à divers endroits, et chaque geste semblait lui être de plus en plus coûteux. Cependant, il ne se laissait pas abattre. Autour d’eux, les hommes de Saanher tombaient un à un, des visages qu’on connaissait depuis l’enfance étaient réduits à des masques difformes, mâchoires éclatées, yeux vides, crânes fendus. Le fracas des armes devenait un chant lugubre, un rythme infernal qui battait la cadence de leur agonie. L’acier hurlait contre l’acier, parfois stoppé net par le bruit écœurant d’un os brisé, parfois suivi d’un cri étranglé, d’un halètement coupé court, d’un gargouillement sinistre qui disait qu’un homme venait d’avaler son dernier souffle.

— « Ser Loran ! Par ici ! » hurla Alren, sa voix à peine audible au-dessus du tumulte. Il tendit la main à son frère d’armes, le visage couvert de suie et de boue, son regard injecté de sang.

Mais Loran ne vit jamais cette main. Une masse le frappa sur le côté de la tête avec un son sourd et affreusement humide. Son casque vola, son cou se brisa net dans une torsion ignoble, et son corps tomba sur le flanc, raide comme un arbre foudroyé.

— « LORAN ! » hurla Alren, son cri se perdant dans la nuit qui ne répondait plus.

Il se rua sur le porteur de la masse, une brute au visage couvert de tatouages tribaux, et planta sa lame jusqu’à la garde dans son abdomen. Le sang jaillit en une bouffée chaude, maculant son visage et sa poitrine. Il recula en trébuchant, haletant, la lame poisseuse entre les doigts crispés. Il ne voyait plus grand-chose la brume, la pluie et ses larmes mêlées obscurcissaient sa vue. Mais il entendait, les cris, les râles, les coups. Il entendait le battement frénétique de son cœur, comme un tambour de guerre dans sa poitrine.

À sa gauche, un jeune écuyer Kaelen, à peine seize hivers luttait contre deux adversaires. Il parait avec frénésie, sa petite épée rebondissant contre les lames plus lourdes. Puis l’un des deux ennemis le saisit par les cheveux et enfonça un poignard dans sa gorge. Le cri du garçon fut bref, étranglé, suivi du bruit répugnant d’un sanglot avalé avec son propre sang. Maevor se tourna juste à temps pour voir Kaelen tomber à genoux, les mains tremblantes sur sa gorge ouverte, puis basculer en avant dans la boue. Il y eut un silence. Court, mais absolu. Comme si même la guerre retenait un instant son souffle.

— « Kaelen... » Murmura Maevor. Il resta figé, les lèvres entrouvertes, avant de lâcher un grognement bestial. Puis il leva son épée à deux mains.

— « POUR SAANHER ! POUR LE FEU DU DRAGON ! »

Et il s’élança, sa lame décrivant un arc brutal, tranchant net le bras d’un rebelle avant de lui fendre le crâne en deux. Le sang éclaboussa les pierres, les visages, les boucliers, se mêlant à la pluie qui n’en finissait plus de tomber. Ils étaient moins d’une cinquantaine à tenir encore debout. Des silhouettes titubaient dans la nuit, glissaient, frappaient, hurlaient. Les vivants combattaient parmi les cadavres, trébuchaient sur les jambes inertes, glissaient dans les entrailles ouvertes. La pluie transformait la gorge en marécage putride, la terre n’était plus que chair retournée, la pierre plus qu’un écho de cris. Et dans ce chaos absolu, alors que l’espoir se noyait sous le fer et la brume, Maevor leva à nouveau la voix, éraillée, brisée, mais droite :

— « On les arrête ici. Même s’ils doivent grimper sur nos corps, même si l’aube ne nous connaît jamais... Ici, on les arrête. »

— « J’ai peur, ser... » Avoua un soldat, la voix tremblante, tenant son arme comme un homme serrant une prière.

— « Moi aussi. » répondit Maevor sans détour, les yeux noyés d’ombre. « Mais ce n’est pas la peur qui fait un lâche. C’est de fuir avec elle. »

Et alors que les rebelles lançaient leur nouvelle charge, hurlant comme des bêtes sauvages, brandissant les torches et les lames dans une marée de feu et de fureur, les hommes de Saanher levèrent une dernière fois leurs boucliers. Une dernière fois. Les deux lignes se percutèrent dans un fracas apocalyptique. Les corps volèrent, les lames s’enfoncèrent, les cris se mêlèrent aux hurlements du vent et de la pluie. Les rebelles, plus nombreux, plus fous, se jetaient sans retenue, piétinant les leurs, mordant parfois, frappant avec une rage qui ne connaissait plus rien d’humain. Les hommes de Saanher tenaient, mais chaque seconde leur coûtait une vie.

Et puis, le ciel s’ouvrit ce fut d’abord une lumière. Rouge. Vive. Une lueur infernale qui déchira la nuit comme un coup de sabre sur un voile de brume. Puis le grondement arriva, un hurlement venu d’un autre monde, profond, inhumain, vibrant dans chaque os, comme si la terre elle-même avait décidé de rugir. Un trait de feu fendit les nuages et frappa le flanc des rebelles avec la force d’un jugement divin. Une explosion de flammes. Un pan entier de la gorge s’embrasa en un souffle incandescent. Les torches des rebelles furent balayées, fondues dans l’instant. Le feu lécha les boucliers, dévora les peaux, fit fondre les casques. Les cris changèrent de nature  ce n’étaient plus des cris de guerre, mais des cris d’agonie, de peur pure, déchirante.

— « DRAGON ! PAR LES DIEUX, UN DRAGON ! »

Et dans le ciel noir, il apparut. Valrygon. Une ombre massive, fendue de rouge et d’or, glissant entre les nuages comme un démon oublié. Ses ailes gigantesques battaient avec un bruit de tempête, chaque battement soulevant des bourrasques de vent si puissantes que les flammes au sol ondulaient dans leur sillage. Les membranes écarlates de ses ailes semblaient briller d’une lumière propre, et ses écailles, noires comme la nuit sans lune, reflétaient la lueur des incendies. Ses yeux, dorés, sans pupilles, observaient avec un calme prédateur.

Des flèches jaillirent du sol, des dizaines, tirées dans la panique par les archers rebelles. Mais Valrygon pivota dans les airs, puissant, gracieux malgré sa taille, et se plaça de flanc, offrant son torse d’écailles noires, renforcé, impénétrable. Les flèches ricochèrent dans un concert d’étincelles, tordues, brisées, inutiles. Et sur son dos, droit, silencieux, immobile malgré la vitesse et la hauteur, le prince Serion Atheron. Sa silhouette était rigide, gainée d’une armure sombre bordée d’argent. La selle sur laquelle il reposait était une œuvre de guerre, massive, décorée du dragon rouge d’Atheron gravé dans le cuir noir. Les harnais de cuir et de métal le maintenaient en place alors que Valrygon tournoyait. Une main gantée de fer tenait fermement la barre courbe à l’avant de la selle, l’autre reposait sur la garde d’une épée gainée à sa hanche.

Il ne disait rien, il n’avait pas besoin. Valrygon le comprenait sans un one. Un second hurlement éclata dans le ciel, plus perçant, plus profond encore. Le cri du dragon fendit la nuit comme une déchirure. Les hommes au sol s’arrêtèrent tous. Rebelles, soldats, blessés, mourants. Un silence. Épais. Étranglé. Un silence de fin du monde. Et alors, Valrygon plongea, une descente vertigineuse, ses ailes repliées partiellement, les serres ouvertes, les crocs brillants d’un éclat sinistre. Il passa au ras du sol, un souffle de fournaise l’accompagnant, et cracha à nouveau sa flamme, cette fois directement au cœur de la colonne rebelle.

Le feu rouge consuma hommes, bois, bannières. La pluie se transforma en vapeur là où elle touchait les flammes. La boue se durcit, cuite par la chaleur brutale. Les os noircirent, les cris s’éteignirent dans les flammes.

— « C’est... c’est Valrygon... » souffla Alren, les yeux écarquillés, les lèvres tremblantes, incapable de détourner le regard.

Maevor s’agenouilla, une main sur le sol fumant, le souffle coupé, les larmes se mêlant à la pluie sur ses joues sales.

— « Il est . Il est là, par les anciens dieux... »

Valrygon remonta dans les cieux dans un rugissement de vents. Son ombre gigantesque passa au-dessus d’eux, recouvrant le champ de bataille comme une cape de nuit. Il tourna, lentement, planant au-dessus du chaos comme une sentence suspendue. Et sur son dos, le prince héritier Serion Atheron, toujours muet, observait. Ses yeux étaient des lames.

Les survivants rebelles hésitaient. Certains reculaient. D’autres fuyaient déjà, jetant armes et boucliers mais Serion tient les poignets de la selle et Valrygon hurla une troisième fois, un cri de guerre cette fois, un cri d’anéantissement. Et tous sur le champ de bataille comprirent alors que la légende venait d’arriver. Et tous, sur le champ de bataille, comprirent alors que la légende venait d’arriver. Le silence, d’abord timide, s’installa brutalement, comme un souffle coupé dans des milliers de poitrines. Les cris, les clameurs, les râles des mourants  tout fut balayé, étouffé par la présence écrasante de Valrygon, toujours en vol, planant lentement au-dessus de la gorge comme une ombre venue des temps anciens.

Ses ailes massives battaient l’air dans un grondement sourd, puissantes et implacables, et à chaque battement, les braises au sol s’élevaient en spirales incandescentes, dansaient entre la pluie et la brume nocturne. Son corps, noir comme l’encre, était parcouru de reflets rouges lorsque les éclairs du feu encore vif éclairaient les courbes de ses muscles tendus. Ses ailes se déployaient comme des voiles de cauchemar, vastes, nerveuses, prolongées de griffes recourbées qui tranchaient l’air, témoins de la créature terrestre qu’il redeviendrait s’il se posait.

Mais il ne se posa pas, il régnait. Sur son dos, le prince Serion Atheron, droit et silencieux, semblait faire corps avec la bête. Il ne portait ni bannière ni couronne, mais sa simple présence sur cette selle noire gravée de l’emblème rouge d’Atheron suffisait à imposer la terreur et l’espoir tout à la fois. Son armure sombre scintillait sous les gouttes, martelée par la pluie, qui glissait sur le métal comme sur les serres de son destrier draconique.

— « C’est... c’est lui... » Souffla un vétéran, la bouche entrouverte, le visage couvert de sang et de cendres.

— « Le prince-dragon... Serion Atheron... »

L’information circula comme une onde électrique dans les rangs des survivants. Les boucliers s’abaissèrent. Les cœurs, un instant figés, se remirent à battre, frénétiquement. Chez les rebelles, ce fut l’inverse. La panique, sourde, commença à gronder. On vit un commandant, le visage noirci, lever son épée pour rassembler ses hommes mais sa voix s’étrangla lorsqu’une griffe noire fusa du ciel et lui arracha la moitié du torse dans une giclée écarlate. Il fut projeté contre une roche, son corps disloqué comme une marionnette rompue.

 Puis ce fut le hurlement  un cri dracontique, abyssal, résonna entre les falaises de la gorge. Il vibra dans les armures, dans les chairs, jusque dans les os. Valrygon hurlait. Pas de rage. Pas de douleur.

De suprématie. Et avec ce cri, la pluie redoubla, fine, glaçante, se mêlant au sang qui ruisselait entre les pierres, sur les visages crispés, dans les yeux entrouverts, sur les lames poisseuses. Le sol n’était plus qu’un amas de boue et de viscères, où les bottes s’enfonçaient avec un bruit spongieux, où chaque pas était une lutte.

Alren haletait, son souffle court, chaque inspiration un feu dans sa poitrine. Son armure était lourde de sang, le sien et celui des autres. Sa lame tremblait, mais son poing restait fermé, crispé jusqu’à la douleur.

— « Il est venu... » murmura-t-il. « Il est venu... pour nous... »

Valrygon entama un second passage. Un arc gracieux, mortel. Le prince abaissa simplement deux doigts, lentement. Et le feu jaillit une ligne rouge, continue, un souffle de forge enragée, s’abattit sur la droite du front rebelle. Les flammes rampèrent comme une bête vivante, dévorant boucliers, peaux, os et cris. Des hommes furent projetés, consumés avant d’avoir pu hurler. D’autres couraient, en feu, leurs hurlements à peine audibles sous le fracas des ailes et le feu. Le silence après la destruction était pire encore. Il ne restait rien. Que la pluie, et l’odeur âcre de la chair brûlée.

Dans l’air tremblant, on distinguait encore la silhouette colossale de Valrygon, planant à basse altitude, la gueule encore rougeoyante, le souffle lourd, ses yeux d’or fixés sur les survivants comme un jugement ancien. Et Serion... Serion ne disait toujours rien. Mais alors qu’il tourna la tête vers le reste du champ de bataille, ses yeux croisèrent ceux d’Alren, et alren comprit. Le feu n’était pas fini. La guerre non plus la gorge, cette faille infernale, allait devenir un tombeau. Et dans ce tombeau, une légende allait être scellée.

Et dans ce tombeau, une légende allait être scellée. Le champ de bataille n’était plus qu’un maelström de feu, de sang et de fer. Et pourtant, malgré les hurlements étouffés par la pluie, malgré les chocs d’acier et les râles des mourants, tous les regards, même les plus désespérés, se tournèrent vers le ciel fendu d’ombres et de lumière, est où Valrygon planait toujours.

Le dragon , immobile dans l’air, comme suspendue par une volonté divine, battait doucement des ailes, ralentissant juste assez pour se maintenir à hauteur des rebelles. Devant lui, une ligne d’hommes, armés mais hésitants, les visages tirés, levait maladroitement boucliers et lances, les yeux écarquillés par la terreur. Leurs armes tremblaient. Leurs genoux aussi. Sur son dos, Serion Atheron resserra les mains sur les poignées de la selle. Le cuir noir, encore tiède du précédent souffle de feu, grinça sous la pression de ses doigts gantés. Son regard, doré comme les yeux de sa monture, fixait la ligne ennemie sans un mot. Il n’avait pas besoin de parler.

Valrygon savait d’un frémissement de ses muscles tendus, la wyverne prit une profonde inspiration. Sa gorge, déjà noire de suie, vibra doucement, un grondement sourd émergeant de sa poitrine. Ses flancs se gonflèrent, l’air aspiré en masses brutales comme un orage prêt à éclater.

— « Non... non, non, tirez ! TIREZ ! » hurla un capitaine rebelle, levant son épée.

Mais il était trop tardes, des dizaines de flèches furent décochées dans un réflexe de survie désespérée, zébrant la pluie comme des ombres filantes. Elles sifflèrent dans l’air détrempé, mais Valrygon, d’un simple pivot de torse, présenta son flanc recouvert d’écailles aussi noires que la nuit, aussi dures que la pierre volcanique.

Les flèches s’y brisèrent comme des brindilles.

Et puis, la lumière un éclair rouge incandescent jaillit de ses mâchoires béantes. Le souffle de Valrygon balaya la ligne ennemie dans un hurlement d’enfer. Les flammes, vives, d’un rouge ardent tirant sur l’orange, consumèrent tout : chairs, cuir, bois, espoir. Les boucliers fondaient dans les mains. Les hommes hurlaient, se jetaient à terre, fuyaient en feu, se roulaient dans la boue brûlante.

La gorge toute entière fut illuminée comme si le soleil y avait explosé. Un silence terrifié suivit. Puis le fracas reprit, au sol, est où les hommes de Saanher n’avaient pas cessé de se battre.

— « Ah neuf ! Tenez la ligne ! Par les dieux, tenez ! » cria Alren, couvert de sang et de suie, son bras droit ruisselant d’une plaie béante, sa lame poisseuse collée à sa paume crispée.

Il para un coup de hache avec le plat de son épée, grimaça sous l’impact. Son épaule hurla de douleur, mais il riposta dans la même seconde, enfonçant sa lame dans la gorge nue de son adversaire. Le sang chaud éclaboussa son visage, et un souffle rauque s’échappa de sa bouche.

— « Ils reculent ! » s’écria un soldat derrière lui.

Mais non. Pas tous. Certains rebelles, même face à l’enfer draconique, continuaient d’attaquer, fauchés, projetés, transpercés par les coups de masse ou les flèches, mais ivres de haine ou d’orgueil. Des duels éclataient entre les braseros renversés et les cadavres fumants.

Un cri étranglé, puis un autre. Une mâchoire brisée sous un coup de hache. Un roulé désespéré pour éviter une pique. Les armures crissaient, lourdes de sang, la pluie formant des rivières rouges sur les torses d’acier cabossés.

Au-dessus, Valrygon tournait encore, décrivant un arc lent, ses ailes frôlant les sommets des parois. Il reprenait son souffle. Ses flancs tremblaient. Une lueur brûlante émergeait déjà de ses naseaux, faisant danser les ombres sur la selle, sur Serion  silhouette droite, immobile, dont le silence parlait plus que mille ordres.

Un jeune soldat, presque un garçon, les yeux grands ouverts sous son casque fendu, regarda le ciel en titubant, son épée glissant de ses doigts.

— « Il est réel... » souffla-t-il. « Le dragon... il est vrai... »

Alren s’approcha de lui, sang sur le front, la voix rauque.

— « Regarde-le bien. Et bats-mei. Si tu dois mourir, ce soir, que ce soit avec un dieu à tes côtés. »

Et alors que Valrygon ouvrait à nouveau ses mâchoires, que la lumière rouge dans sa gorge atteignait son paroxysme, la gorge se retrouva encore une fois au bord de l’apocalypse. Et alors que Valrygon ouvrait à nouveau ses mâchoires, que la lumière rouge dans sa gorge atteignait son paroxysme, la gorge se retrouva encore une fois au bord de l’apocalypse.

Un second torrent de feu s’abattit sur les rebelles restants, emportant tentes, barricades, hommes et chevaux dans une gerbe de flammes rougeoyantes. Les hurlements furent courts, étranglés, aussitôt étouffés par le fracas incandescent. Une odeur de chair calcinée, de cuir brûlé et de suie se répandit dans l’air, mêlée à celle, déjà omniprésente, du sang et de la boue.

Puis, dans un grondement sourd, Valrygon replia lentement ses ailes, décrivant un large cercle dans les airs. Son ombre énorme tournoya encore un instant sur les flancs de la gorge, projetée par les reflets tremblants des flammes. Et enfin, dans un battement d’ailes si puissant que les cendres et les gouttes de pluie furent repoussées comme des feuilles mortes, il descendit.

Le sol trembla sous son impact.

Ses deux membres postérieurs, puissants et noueux, s’enfoncèrent légèrement dans la boue mêlée de sang. Ses griffes noires, longues comme des sabres, raclèrent les pierres détrempées, y laissant des stries profondes. Ses ailes musculeuses se replièrent lentement contre ses flancs, le cuir tendu encore vibrant, et les griffes recourbées au bout de chaque aile vinrent s’ancrer au sol avec une précision animale, l’aidant à se stabiliser.

Le bruit sourd de ses pattes, lourdes et rythmées, résonnait à travers la gorge comme les tambours d’un jugement dernier. À chaque pas, un claquement épais, suivi d’un froissement d’ailes mouillées, d’un glissement visqueux sur la pierre humide.

Au sol, les combats avaient ralenti. Comme si le monde lui-même retenait son souffle. Serion, juché sur la selle massive, droite et haute, l’armure noire ornée d’argent ruisselant sous la pluie fine, ne dit toujours rien. Sa main gantée caressa brièvement le pommeau de la selle gravé du dragon rouge, l’emblème des Atheron.

Les gouttes de pluie glissaient sur son casque comme des larmes silencieuses.

— « Par les Dieux... » Souffla un vétéran à moitié agenouillé, le visage maculé de sang et de suie. « C’est... le Prince... »

— « Et le Dragon Noir... » répondit un autre, les yeux grands ouverts, oubliant sa propre épée enfoncée dans le ventre d’un rebelle.

Autour d’eux, les rebelles encore vivants hésitaient. Certains reculaient lentement, trébuchant sur les cadavres fumants de leurs frères. D’autres, paralysés, laissaient tomber leurs armes dans un bruit mat.

Alren, haletant, le bras gauche pendant, le flanc déchiré, avança d’un pas boitillant vers la bête. Il s’arrêta à moins de dix mètres, la pluie ruisselant dans ses yeux. Ses doigts crispés sur le pommeau de son épée tremblaient non plus de fatigue, mais de quelque chose d’autre. Une certitude ancienne, redoutée, comme si le monde basculait devant lui.

— « Serion... » souffla-t-il. Sa voix s’étrangla. Il n’y avait personne d’autre qui pouvait faire ce que venait de faire cet homme.

Un pas, puis un autre. Valrygon avançait dans la gorge, chacun de ses pas secouant le sol. Ses narines expiraient encore des volutes rouges, des cendres dansantes dans la pluie glacée. Ses yeux d’or luisaient d’une intelligence féroce, presque humaine, et se posaient tour à tour sur les vivants, les mourants, les vaincus.

Des sabots battirent la terre plus loin. Des chevaux s’éloignaient, fous de peur, galopant à l’aveugle. Un rebelle hurla en tentant de fuir, mais fut fauché dans la seconde par une patte griffue qui l’écrasa sans même que Valrygon ne s’arrête.

Le silence s’installera autour  et dans ce silence, le vent charria les sons étouffés : l’armure qui grince, le goutte-à-goutte régulier d’un sang qui ruisselle, le bruit poisseux d’un soldat glissant sur un corps, les halètements d’agonie, les pleurs d’un survivant.

Serion releva enfin la tête. Un souffle rauque. Un ordre muet. Valrygon s’arrêta net. Son long cou se plia, ses ailes frémirent, et ses griffes s’enfoncèrent dans la terre meuble. La pluie tombait sur ses écailles noires, traçant des lignes brillantes sur sa peau rugueuse. Un capitaine rebelle s’arma de courage et hurla :

— « Ce n’est qu’un homme ! Un homme et sa bête ! Abattez-les ! »

Mais personne ne bougea. Serion ne leva pas la main. Il ne dégaina pas. Il n’en avait pas besoin.

Valrygon ouvrit lentement sa gueule. La lumière rouge, à nouveau, grandissait entre ses crocs. Une goutte de salive brûlante tomba au sol et fit grésiller la pluie.

— « Qu’ils fuient, ou qu’ils brûlent, » murmura Alren, plus pour lui-même que pour quiconque.

Et tout le champ de bataille, pour la première fois, sembla se figer. Dans la gorge de Valacor, dans ce tombeau de fer et de feu, la légende marchait enfin. Et tout le champ de bataille, pour la première fois, sembla se figer. Dans la gorge de Valacor, dans ce tombeau de fer et de feu, la légende marchait enfin. Mais les légendes attirent les insensés.

Le tonnerre soudain d’un galop brisa le silence étouffant. Le sol, gorgé d’eau, vibra à nouveau sous la charge isolée d’un cavalier rebelle. Un homme, bardé de cuir noirci, le visage fendu d’une haine presque sacrée, se ruait dans une dernière tentative. Sa lance dressée comme un éclair d’acier, ses yeux rivés sur la silhouette immobile de Serion, il ne ralentissait pas. La pluie ruisselait sur son front, ses cheveux plaqués à son crâne comme un linceul. Chaque sabot de son destrier frappait la terre détrempée dans une gerbe de boue et de sang.

Serion ne bougea pas. Il ne vit pas venir la mort. Mais Valrygon, si. Encore haletante du dernier jet de flammes, les flancs soulevés dans un rythme puissant et bestial, releva brusquement la tête. Ses crocs luisants s’entrechoquèrent dans un bruit sec, et ses ailes s’écartèrent légèrement, soufflant la pluie autour de lui. Ses yeux dorés, d’un éclat reptilien et brûlant, se fixèrent sur la silhouette du cavalier, se rapprochant à une vitesse brutale.

Un souffle bestial gronda dans sa gorge. Puis, d’un mouvement foudroyant, Valrygon pivota sur lui-même. Ses griffes raclèrent la roche, envoyant des éclats dans toutes les directions, et son long cou se tordit comme un serpent prêt à frapper. Son museau s’ouvrit dans un rugissement muet, un hurlement dracontique qui fendit le silence de la gorge comme une lame.

Le cavalier n’eut pas le temps de comprendre un torrent de feu explosa depuis la gueule de Valrygon. Pas une simple gerbe, non  un jet continu, rugissant, incandescent, comme si le cœur même des volcans s’était ouvert en pleine gorge de Valacor. La lance, d’abord, fondit dans l’air. Le cheval s’écroula, hurlant, ses pattes arrières déjà prises dans l’embrasement. Et le cavalier fut balayé dans une brume de flammes, son cri arraché par l’explosion, son corps projeté en arrière comme un fétu de paille brûlé.

Le souffle du feu emporta même les rebelles proches, ceux trop lents à reculer. Les armures chauffèrent, les boucliers s’enflammèrent, les chairs se contractèrent dans une agonie silencieuse. Une vague de chaleur inhumaine s’abattit sur la gorge, repoussant la pluie, séchant le sang sur les visages, transformant les flaques en vapeur.

Valrygon referma la gueule dans un claquement sec, des filaments rouges encore accrochés à ses crocs. Il expira longuement, un nuage de cendres roulant de ses naseaux. Ses ailes frémirent. Le cuir noir, aux reflets rouges, vibrait sous l’effort, et ses griffes restèrent ancrées dans la terre, fumantes, marquant la roche de leur brûlure.

Serion ne s’était pas tourné. Il n’avait pas bougé. Mais son poing s’était refermé sur la poignée de la selle, fermement, comme s’il avait senti passer la mort si proche. Et autour d’eux, tout était redevenu silence.

Un silence lourd, de fin du monde. Un silence après l’orage. Où les survivants n’osaient même plus respirer.

La pluie, plus fine maintenant, tombait sur les restes fumants du cavalier et de sa monture. Elle sifflait doucement au contact des pierres encore rouges, glissant sur les écailles de Valrygon comme sur une cuirasse sacrée.

Les soldats de Saanher, au loin, n’avaient pas bougé. Les rebelles, eux, commençaient à lâcher leurs armes, l’un après l’autre. Certains tombaient à genoux, d’autres reculaient sans un mot, les yeux vides, l’âme envolée.

Et Valrygon, majestueux, impassible, se tenait are. Il ne rugissait plus. Il ne crachait plus. Il regardait seulement.

Et dans ce regard doré, chaque homme vit une vérité qu’aucune lame ne pouvait nier : le feu avait choisi son camp. Et peut-être... Le monde aussi. Le silence n’était plus une pause. Il était condamné. La gorge de Valacor, marquée par la pluie et le sang, semblait retenir son souffle, comme si la terre elle-même s’inclinait sous le regard de la Wyverne. Les corps fumaient encore, les cendres virevoltaient lentement, portées par un vent léger qui n’avait pas soufflé de toute la nuit. Les cliquetis des armes abandonnées résonnaient comme des prières d’absolution.

Pois un pas. Puis un autre. Une silhouette avançait dans la pénombre diluée. Le maréchal de Saanher marchait lentement, son manteau d’obsidienne trempé de pluie, collé à sa peau comme une seconde armure. Son visage était barré d’une entaille sèche, la joue tachée de sang, mais son regard brûlait de lucidité. Il franchit les rangs calcinés, passa devant Serion — toujours droit, toujours silencieux — et s’arrêta face aux survivants ennemis.

Ils étaient is. Des dizaines. Certains debout, les mains tremblantes, d’autres agenouillés, les doigts enfoncés dans la boue comme pour s’accrocher à ce qu’il leur restait d’humain. Tous fixaient Maevor, ou plutôt, ils regardaient au-delà, est où Valrygon, gigantesque et noir, se tenait tel un monument de fin du monde.

Maevor inspira lentement. Sa voix s’éleva, ferme, claire, sans colère mais sans pitié.

— « Ramassez les survivants. » Sa voix claqua dans l’air comme un fouet. « Désarmez-les. Soignez ceux qui peuvent l’être. Qu’ils soient rassemblés... Tomber. »

Un murmure traversa les lignes. L’ordre avait été donné. La guerre, ici, était terminée.

— « Par la volonté de Valryun II Atheron, souverain des Trônes Unifiés, ces hommes vivront... et se souviendront. »

Autour de lui, les soldats de Saanher commencèrent à bouger. Le métal s’entrechoquait à nouveau, mais cette fois, ce n’était plus pour tuer. C’était pour relever, pour emporter, pour faire plier ceux qui résistaient encore par réflexe. On tirait les lances des mains inertes. On nouait les poignets tremblants. Des brancards de fortune se formaient avec des boucliers. Les plus jeunes regardaient autour d’eux comme s’ils émergeaient d’un cauchemar sans fin.

Et Valrygon, lui, ne bougea pas. Il observait encore, impassible et titanesque. Ses ailes repliées formaient comme un dôme noir et rouge au-dessus de Serion, une cathédrale vivante. Ses griffes enfoncées dans la terre laissaient échapper des traînées de vapeur. Son souffle, profond et grondant, rythmait les dernières minutes de ce champ de ruines.

Maevor fit volte-face, s’approcha de Serion.Il ne dit rien, au début. Puis, lentement, il posa un genou dans la boue, l’armure craquant sous le mouvement. Une main sur le cœur.

— « Le feu vous reconnaît, mon prince. Et nous aussi. »

Serion le regarda, sans un one. Ses cheveux détrempés collaient à son front, ses gants ruisselaient, mais sa main ne quittait pas la poignée de la selle. Valrygon n’avait pas bronché. Ils formaient ensemble une image que même les siècles n’effaceraient pas.

Et alors, au loin, un cri s’éleva, pas un cri de guerre mais un  cri de ralliement.

— « Atheron ! »

Puis un autre.

— « Versez-le ! »

Et un troisième, plus fort, plus large, comme un feu reprenant sous la pluie.

— « Pour le roi Valryun ! Pour le prince  ! »

Alors, du fond de cette gorge dévastée, les hommes de Saanher levèrent à nouveau leurs armes — non pas pour frapper, mais pour saluer. Et les rebelles, les yeux baissés, s’agenouillèrent, l’un après l’autre, devant le prince et son dragon. Les clameurs devinrent serment. Et dans le ciel noir, tandis que la pluie continuait à tomber doucement sur les cendres encore chaudes, l’histoire se grava. Non dans la pierre, ni dans les livres. Mais dans les cœurs.

Et les cœurs, eux, n’oublient jamais les légendes. La pluie tombait toujours, fine et persistante, comme une litanie funèbre. Elle perlait sur les lames, glissait sur les cuirasses, frappait les cendres encore tièdes d’un monde qui avait vacillé. Tout était calme désormais. Calme et tendu comme une corde d’arc, prête à se rompre au moindre souffle.

Maevor, toujours agenouillé, gardait les yeux levés vers Serion. Mais quelque chose s’imposa dans son champ de vision. Une masse. Une ombre. Un souffle plus chaud que la braise.

Le museau de Valrygon.L’énorme tête de la Wyverne s’approchait, lentement, dans un grondement sourd, ses naseaux fumant à chaque respiration. Ses écailles ruisselaient sous la pluie, noires comme la nuit, luisantes comme du métal fondu. Un filet de vapeur s’échappait de sa gueule entrouverte, révélant un éclat de crocs aussi longs que des sabres. Maevor ne bougea pas. Pas un battement de cils.

Valrygon inclina légèrement la tête, et ses yeux d’or fixèrent le maréchal. Des yeux anciens, intelligents. Lourds de sens. Puis il ouvrit soudainement ses mâchoires dans un rugissement titanesque.

Le cri fit vibrer la gorge entière, fit frissonner l’air lui-même. Les chevaux hennirent, les soldats reculèrent d’instinct. Même les rebelles agenouillés tremblèrent sous le choc. Un cri ancestral, brut, né dans les entrailles d’un monde où l’homme n’était qu’un souffle éphémère. Un cri de pouvoir. Un cri de reconnaissance.

Puis, dans un silence revenu aussi vite qu’il s’était brisé, Valrygon referma lentement ses mâchoires. Ses griffes grattèrent la boue détrempée, ses ailes frémirent légèrement dans son dos. Un moment suspendu, presque sacré, s’étira dans l’air humide. Il observa Maevor une dernière fois, comme s’il avait pesé son âme, puis recula lentement.

Ses puissantes pattes arrière foulèrent la terre avec une précision chirurgicale. Ses griffes marquèrent le sol, laissant de longues entailles sombres. Une vapeur rougeâtre montait encore de son poitrail, est où la dernière flamme sommeillait.

Alors, il bondit, un premier pas puis un second, plus puissant. Et d’un mouvement vif, presque surnaturel pour une bête aussi colossale, Valrygon déploya ses ailes dans un claquement de tonnerre.

Le vent se leva d’un coup, les soldats se protégèrent les yeux. Les torches vacillèrent, certaines s’éteignirent. Des éclats de cendre et de pluie furent balayés comme des feuilles mortes. Valrygon courait, ses muscles bandés comme des arcs vivants, ses griffes frappant le sol avec un bruit de tonnerre. Il bondit une dernière fois, puis s’arracha à la terre.

Les ailes battirent, puissantes, déchaînées. Il s’éleva, immense, majestueux, traçant un cercle ascendant dans le ciel nocturne. La pluie se dispersait autour de lui, projetée comme par la main d’un dieu. Il disparut lentement dans les hauteurs, ne laissant derrière lui qu’un grondement sourd, comme un dernier écho de son passage.

Maevor se releva enfin, lentement, une main sur sa cuisse endolorie. Il jeta un dernier regard vers le ciel, puis murmura :

— « Que les bardes trouvent les mots... S’ils Osent. »

Et dans la gorge de Valacor, alors que le jour n’osait encore se lever, les hommes commençaient déjà murmurer une nouvelle vérité. Le prince était revenu et le feu... Lui Appartenait.

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