La première nuit

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Chapitre 5 :

Minuit. Le silence s'était abattu comme une chape de plomb sur le manoir.

Éléna était allongée sur le lit à baldaquin, dans la chambre qu’on lui avait attribuée. Trop vaste. Trop froide. Trop imprégnée de souvenirs.

Les rideaux épais dansaient lentement au rythme du vent nocturne. Dans le miroir en face du lit, elle se voyait à peine, silhouette fantomatique. Chaque battement de son cœur résonnait dans le silence.

Un coup discret à la porte.

Elle se redressa, le souffle suspendu.

« Entre. »

La poignée tourna doucement. Aleksander. Toujours vêtu de noir, comme s’il portait son deuil. Ou le sien.

Il referma la porte derrière lui sans un mot. Avança lentement.

« Je voulais m’assurer que tu ne manquais de rien. »

Elle le regarda. Cette excuse… faible. Mais sa présence la brûlait. Elle aurait dû le chasser, elle le savait.

« Je vais bien. Tu peux partir. »

Il ne bougea pas.

« Tu mens très mal, Éléna. »

Elle se leva. Pieds nus sur le parquet glacé. Elle croisa les bras sur sa poitrine, comme une armure fragile.

« Et toi, tu ne sais faire que mentir. »

Il la fixa, immobile, comme s’il pesait chacun de ses mots.

« Je ne dors pas, cette nuit. Comme les sept dernières années. Tu veux savoir pourquoi ? »

Elle ferma les yeux.

« Non. »

Mais il parla quand même, sa voix basse, rauque.

« Parce que je me souviens encore du goût de ta peau. De ton regard la dernière fois que tu as murmuré mon nom. Et de ce vide, ensuite, quand tu es partie. »

Elle rouvrit les yeux. Il était plus près. Trop près.

« Tu crois que ça excuse ce que tu as fait ? »

Il secoua lentement la tête.

« Rien ne l’excuse. Mais je suis encore là. Je me tiens devant toi. Je ne te demande pas pardon, Éléna. Je te demande une nuit. Une seule. Pas pour ton corps. Pour ton silence. Ton souffle. Ta présence. »

Elle sentit la tempête en elle. Le chaos. Le désir. La peur.

« Tu veux dormir à mes côtés comme si rien ne s’était passé ? »

« Non. Je veux juste sentir que tu es réelle. Que je ne suis pas fou. »

Leurs regards se croisèrent. Un fil tendu entre deux abîmes.

Finalement, elle se recula et écarta lentement le drap.

« Une nuit. Rien de plus. »

Il entra dans le lit sans un mot. Dos contre dos. Aucune caresse. Juste une chaleur étrangère et familière à la fois.

Elle sentit son souffle lent, régulier. Et malgré elle, son propre cœur ralentit.

Peut-être que c’était ça, la vraie damnation : s’endormir à côté du diable… et se sentir enfin en paix.

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