Ma Petite Sakura
J’ai toujours détesté les journées ensoleillées.
Ça me file la gerbe.
Pas juste parce que mon père a choisi un jour lumineux pour se barrer avec sa grognasse de copine — non, le soleil, c’est traître. Il te fait croire que tout va bien. Et puis bam.
Tempête.
Alors ouais, aujourd’hui, la brume avait englouti Brigen, et franchement ? Parfait. Ambiance parfaite pour une escapade dans mon parc. Celui où personne ne vient jamais. Celui qui pue la rouille et le silence. Le seul endroit où je me sens à peu près... pas bien, mais moins pire.
Brigen, c’est mon quartier depuis mes 12 ans. Depuis que mon père a claqué la porte.
Ce parc, il est entouré de grillage, comme s’il essayait de s’enfermer lui-même dans sa tristesse. J’y suis entrée par le portail rouillé, comme d’habitude.
Je me suis posée sur le gravier, juste à côté de la balançoire, mon carnet de plantes sur les genoux. La brume était tellement épaisse que je voyais pas à dix mètres. Ça me faisait marrer. Comme si un monstre pouvait surgir à tout moment. Ou un mec bizarre. Ou la vie.
Je cligne lentement des yeux, serrant mon carnet comme si c’était un bouclier.
J’ai cette sensation chelou : quelqu’un m’observe.
Je pose doucement mon carnet sur le sol.
Et je marche vers la balançoire. Discrètement. Si quelqu’un débarque, je cours, je prends mon carnet et je me tire.
Ou alors c’est un tueur, et je meurs là, sur du gravier mouillé. Ce serait presque poétique.
Des pas.
Je me fige. Je scrute la brume. Et là...
« Lior ?! »
Il me regarde avec ses grands yeux de chat content.
Je le connais. Ce type fait partie du club de théâtre au lycée Magouchiwa. Toujours à faire des impros cheloues. Toujours à sourire comme s’il avait jamais connu un lundi.
« Bah alors Sakura ? T’as eu la trouille de ta vie ? »
Il éclate de rire. Comme si c’était marrant. Comme si lui, la brume, les trucs bizarres, tout ça c’était un sketch.
Ce débile va me faire perdre mes dernières cellules de patience.
Je cours vers mon carnet, je l’attrape en vitesse, je me retourne :
« T’es VRAIMENT pas discret, t’sais ?! »
Et sans lui laisser le temps de répondre, je saute par-dessus le grillage, et je me casse.
Je cours sans m’arrêter, vers ma maison, vers mon cocon pourri, en le laissant là, planté dans le brouillard. Mes pieds claquent contre le trottoir. Je veux plus le voir.
Pas aujourd’hui.
Pas lui.
Pas ce soleil sur pattes dans mon brouillard.
Arrivée devant chez moi, je reprends mon souffle. Mon cœur bat à cent à l’heure. Pas de peur. De colère.
Ou peut-être un peu des deux.
Je serre mon carnet contre moi, encore. Comme si ça allait me sauver de ce chaos.
Je déteste le soleil. Mais lui, ce type… il en avait un bout dans les yeux.
Et ça, c’était peut-être encore pire.
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