Chapitre 3

Les jours passèrent et le calme, drapé d'une douce tranquillité, devint le compagnon habituel des villageois d'Eldoria. Le soleil se levait sur les toits de mousse sans être troublé par des cris d'alarme et les soirées s'étiraient sous la douce lumière des lanternes sans l'écho de quelque menace imminente. Les rires des enfants jouant près de la rivière murmuraient comme le courant et les conversations des anciens sur la place du village se déroulaient avec la lenteur apaisante du temps qui s'écoule sans heurt. La forêt environnante, autrefois source de mystères et parfois de dangers, semblait elle-même s'être assoupie, ses créatures se montrant plus rarement et ses ombres moins inquiétantes. Les villageois vaquaient à leurs occupations avec une sérénité retrouvée, cultivant leurs jardins, tissant leurs étoffes et échangeant des nouvelles avec une quiétude qui avait parfois manqué. Cette paix, bien qu'agréable, commençait cependant à tisser une fine toile de routine, où l'extraordinaire se faisait discret et les mages se faisaient rares à Eldoria.

Le souffle tiède d'un vent nouveau caressait les bourgeons endormis, les incitant doucement à s'éveiller de leur profond sommeil hivernal. La terre, gorgée des pluies fines, exhalait un parfum frais et humide, promesse d'une vie renaissante. Telles des touches de couleurs sur une toile encore pâle, les premières fleurs pointaient timidement leurs corolles délicates : des perce-neige d'un blanc pur perçant la couverture de feuilles mortes, des crocus aux teintes violettes et jaunes vibrant sous la douce lumière. Les chants d'oiseaux, timides au début, gagnaient en assurance et en mélodie, tissant une symphonie joyeuse dans l'air plus léger. Les rayons du soleil, plus généreux et chaleureux, doraient les branches nues des arbres, annonçant l'imminente explosion de vert. Un frémissement palpable parcourait la nature, un murmure d'espoir et de renouveau : le printemps était de retour, déployant sa palette de tendresse et de vitalité sur le monde endormi.

Au cœur d'Eldoria, sur la place du village où les premières jonquilles écloraient timidement, Quelques villageois savouraient les prémices de cette nouvelle saison.

Un vieil homme, assis sur un banc et caressant le bois lisse de sa canne, soupira de contentement.

Vieil Homme : Ah, enfin ! On le sent, n'est-ce pas ? L'air se fait plus doux, le soleil nous réchauffe les vieux os... L'hiver est derrière nous, grâce aux Esprits de la Nature.

C’était l’arrivée du printemps, mais aussi la fin des cours pour les apprenants.

...*(Dans l’école)*...

Dans la salle de classe, on entendait un brouhaha assourdissant d'élèves ; il fallait hausser la voix pour espérer s'entendre. Soudain, une voix imposante résonna, dominant le tumulte.

Professeur (en criant) : Silence !!

L'injonction fut immédiatement respectée. Le silence devint si profond qu'on aurait pu entendre le léger bourdonnement d'une mouche traversant la pièce. Les regards de tous les élèves se tournèrent vers le professeur, leurs visages exprimant une variété d'émotions allant de la surprise à une résignation habituée. Le professeur, un homme grand aux yeux perçants, se tenait devant le tableau noir, une lueur particulière brillant dans son regard. Il tenait à la main un parchemin roulé, scellé d'un sceau de cire orné de l'emblème de l'Académie.

Professeur : Bien. Maintenant que j'ai votre aimable attention... (son ton s'adoucit légèrement) ... Sachez que cette fin de cycle n'est pas comme les autres. Le printemps apporte la liberté, certes, mais il annonce également... un événement d'une importance capitale pour votre avenir.

Un murmure curieux parcourut l'assemblée. Les élèves, habitués aux annonces de vacances imminentes ou de festivités printanières, sentaient que quelque chose de différent se tramait. Le professeur déroula lentement le parchemin, le bruit sec du papier brisant le silence.

Professeur : Comme vous le savez, l'arrivée du printemps coïncide avec la floraison de la Sylve Étoilée des Augures. Et cette année... (il marqua une pause dramatique, son regard parcourant la classe) ... L'Académie aura l'honneur d'accueillir la traditionnelle Cérémonie de l'Éveil Magique.

Les élèves (dans un chœur enthousiaste) : Ouais !!

La Cérémonie de l'Éveil Magique était un événement rare et prestigieux, où les jeunes ayant des affinités magiques se voyaient attribuer leurs premiers dons par la Sylve elle-même.

Professeur : Silence, s’il vous plaît ! En effet, c'est une cérémonie que beaucoup d’entre vous attendaient avec impatience...

Zane (ne pouvant contenir son excitation) : Ah ça oui ! Depuis tout petit, j'en rêve de cet instant, vous n'imaginez même pas, Professeur !

Professeur (un léger sourire aux lèvres) : Je suis au courant, Zane... Ce que j’essaie de vous dire, ce n'est que lorsque vous serez devant le sylve...

Il quitta son bureau d'un pas lent et solennel pour se placer devant la foule d’adolescents qui avaient les yeux rivés sur lui, captivant toute leur attention. Le silence dans la salle était désormais palpable, chargé d'attente et d'une pointe de solennité.

Professeur : Il faut savoir que premièrement, vous ne serez pas les seuls devant la Sylve. Il y aura des voyageurs, mais aussi des personnes dans la vingtaine, la trentaine et même plus.

Linnea (sourcils froncés) : Mais pourquoi, hormis les voyageurs qui viennent chercher la bénédiction de l'arbre, y aurait-il ces personnes plus âgées que nous qui se présenteront devant la Sylve Étoilée ? D'habitude, ce sont surtout les jeunes qui passent la cérémonie...

Jules (avec un air de savoir) : C'est parce que la Sylve Étoilée des Augures a des "goûts" mystérieux. C'est-à-dire que si quelqu'un ne reçoit pas de don magique lors de sa jeunesse, peut-être que le printemps suivant, ou même bien plus tard, il est soudainement "choisi" par l'arbre. La magie met parfois du temps à se révéler.

Professeur (visiblement surpris et impressionné par la perspicacité de Jules) : Waouh !! C’est exactement la bonne réponse, Jules ! Bravo ! Vous avez parfaitement compris la nature capricieuse et merveilleuse de la Sylve. En effet, l'âge n'est pas une barrière pour l'éveil magique sous l'influence de cet arbre unique. La Sylve choisit quand elle le souhaite.

Professeur (reprenant la parole) : Bien. Maintenant que cela est clair, il y a une autre particularité concernant la cérémonie de cette année... Si jamais vous obtiendrez votre essence, le don magique il faut choisir quelle profession vous deviez choisir.

Les élèves communiquaient au professeur leurs passions et ce qu’ils comptaient faire lorsqu’ils obtiendraient leurs pouvoirs magiques. Puis, un élève assis à côté de Linnea lui posa la question, sa curiosité piquée.

Un élève : Eh aflors, Linnea... dis-moi, qu’est-ce que tu feras lorsque tu auras la capacité de produire de la magie, hein ?

Zane et Jules, assis non loin de là, entendirent les paroles de leur camarade, mais firent mine de ne pas y prêter attention, chacun perdu dans ses propres réflexions sur la cérémonie imminente.

Zane (pensant avec un sourire en coin) : Bon, moi, comme magie, j’aurais sûrement un truc cool. Genre, la téléportation instantanée pour éviter les corvées. Ou alors, la capacité de transformer le plomb en or... histoire d'avoir toujours de quoi m'acheter des gâteaux à la crème.

Puis son regard se posa sur Linnea, absorbée dans une contemplation silencieuse. Son sourire s'élargit légèrement, une idée taquine lui traversant l'esprit.

Zane (pensant avec une malice adolescente) : Linnea, par contre... elle, je la vois bien avec un pouvoir... comment dire... utile, mais pas super spectaculaire. Genre, la capacité de retrouver instantanément les chaussettes perdues. Ou alors, la magie pour que les fleurs coupées durent éternellement. Très... pratique.

Il laissa échapper un petit rire intérieur.

Zane (pensant) : Ou mieux ! La magie pour que les livres se rangent tout seuls sur les étagères ! Ça, ça lui plairait, la maniaque de l'organisation. Moi, je préférerais la magie pour que les devoirs se fassent tout seuls, mais bon... chacun son truc.

Il imaginait Linnea, concentrée, levant les mains et murmurant des incantations complexes pour que des piles de livres se mettent à léviter et à rejoindre leurs étagères respectives avec une précision chirurgicale. Un spectacle... ordonné.

Jules, qui avait remarqué le sourire en coin de Zane, le poussa légèrement du coude.

Jules (à voix basse) : À quoi tu penses avec cet air malicieux ? Encore en train d'imaginer des catastrophes ?

Zane (chuchotant) : Non, juste en train de visualiser les futurs pouvoirs de certains... et leurs carrières palpitantes qui en découleront. Toi, tu te vois avec quoi ? La capacité de parler aux écureuils ?

Jules (levant les yeux au ciel) : Très drôle. Moi, je vise un truc un peu plus... explosif.

Derrière eux, le garçon assis à côté de Linnea, la suppliait de partager son rêve une fois sa magie obtenue. Soudain, elle se leva brusquement de son bureau, le bruit de sa chaise raclant le sol attirant l’attention de toute la classe.

Linnea : Bon sang... Tu commences sérieusement à me fatiguer ! D’accord, si tu veux absolument savoir mon objectif, c'est de devenir une mage... une mage puissante.

Après avoir entendu ces paroles, un silence stupéfait s'abattit sur la classe, y compris le professeur qui semblait interloqué.

Professeur (avec un ton hésitant, presque craintif) : Linnea... ! Si tu décides de devenir une mage... c'est pour pouvoir entrer dans une guilde, remplir des missions, explorer des ruines antiques... et potentiellement... te battre contre les Voracis. C'est un chemin exigeant et même dangereux.

Les élèves (en murmurant entre eux, des regards interrogateurs se croisant) : Mais pourquoi elle dit ça... ? Ce n'est pas son genre... Quelle mouche l'a piquée ?

Linnea (avec un air étrangement confiant et une intensité inhabituelle dans le regard) : Oui, mon rêve... mon unique rêve... c'est de devenir une mage très puissante. Assez puissante pour éradiquer... pour éliminer jusqu'au dernier Voracis de cette planète. (Son visage se crispa, une ombre de haine traversant ses traits doux.) Ils paieront pour ce qu'ils ont fait.

Un froid glacial sembla envahir la salle de classe, contrastant violemment avec l'atmosphère rêveuse des discussions précédentes sur les futurs pouvoirs magiques. L'ambition soudaine et la véhémence de Linnea étaient déconcertantes, laissant ses camarades et son professeur perplexe face à cette soudaine et sombre détermination.

Professeur (soupire, visiblement troublé par la déclaration de Linnea) : Très bien... c’est ton choix, Linnea. J'espère seulement que tu as bien pesé les conséquences d'une telle voie. Bon, pour conclure cette dernière leçon avant la cérémonie, je tenais à vous dire que j'ai passé de bons et de moins bons moments avec vous, mais je garderai toujours un souvenir particulier de cette classe. Aujourd'hui marque une étape importante. Lorsque vous serez face à la Sylve Étoilée des Augures et que vous aurez obtenu vos pouvoirs magiques...

Il marqua une pause, son regard se faisant plus doux en parcourant les visages de ses élèves.

Professeur : ...votre vie changera. Certains d'entre vous deviendront de grands mages, d'autres suivront des chemins plus tranquilles. Mais je vous prie de vous souvenir des leçons que nous avons partagées et d'utiliser vos dons avec sagesse et compassion. N'oubliez jamais le sens de la communauté et l'importance de l'entraide.

Il laissa échapper un petit sourire mélancolique.

Professeur : Demain, vous ne serez plus mes simples élèves. Vous entrerez dans le monde avec de nouvelles responsabilités. J'espère que vous serez à la hauteur. Je crois en chacun de vous.

Un silence respectueux emplit la salle. L'excitation palpable du début de l'heure avait laissé place à une gravité douce, empreinte d'émotion et d'anticipation. Le dernier jour de cours avant la Cérémonie de l'Éveil Magique prenait une tournure plus solennelle que prévue.

Zane (à voix basse, à Jules) : Tu crois qu'il va nous manquer, le vieux grincheux ?

Jules (un petit sourire) : Peut-être un peu. Surtout ses histoires soporifiques.

Linnea, toujours absorbée par ses sombres pensées, ne semblait pas prêter attention aux paroles d'adieu du professeur. Son regard était fixé sur le vide, sa détermination farouche.

La cloche sonna, marquant la fin de l’année académique. Les élèves se dispersèrent, chacun regagnant son foyer, l'impatience de la cérémonie vibrant en eux. Sur le chemin de la maison, Zane et Jules marchèrent tranquillement, savourant la quiétude du soir et la beauté discrète de la nature environnante.

Jules : Dis, Zane, je peux te poser une question ?

Zane : Je t’écoute, mon pote. Qu'est-ce qui te trotte dans la tête ?

Jules : Tu penses... tu penses connaître les intentions de Linnea ? Enfin... la façon dont elle parlait des Voracis... et son regard... ça m'a fait froid dans le dos. J'avais l'impression de ne plus la reconnaître. C'était... intense.

Zane (les mains dans les poches, le regard perdu dans le lointain) : Vas savoir, Jules. Les gens changent. Surtout quand... quand ils ont vécu des choses difficiles. Peut-être que les Voracis lui ont fait du mal, à elle ou à quelqu'un qu'elle connaissait. On ne sait jamais vraiment ce qui se cache derrière le regard des autres, tu ne crois pas ? Moi-même, je rêve d'un pouvoir pour ne plus m'endormir en cours, ce n'est pas très héroïque, hein ? Mais pour Linnea... sa haine semblait... profonde.

Jules : Ouais... profonde et... froide. J'espère juste que la Sylve ne va pas lui donner un pouvoir... dangereux, avec une telle rage en elle.

Zane (s'arrêtant un instant pour observer une fleur sauvage au bord du chemin) : La Sylve est mystérieuse. Elle donne ce qu'elle juge nécessaire, pas forcément ce qu'on désire. On verra bien demain. En attendant, essaie de ne pas trop y penser. On a notre propre cérémonie à préparer, tu ne crois pas ? Quel pouvoir tu espères obtenir, toi ? Quelque chose pour chasser les Chimères encore plus efficacement ?

Jules (un léger sourire) : Peut-être. Ou peut-être quelque chose pour ne plus me faire avoir par tes "siestes stratégiques" pendant nos explorations.

Zane lui donna un léger coup de coude, et ils reprirent leur marche, le poids des paroles de Jules et le mystère entourant Linnea planant légèrement au-dessus de leur conversation habituelle. L'attente de la cérémonie du lendemain était désormais teintée d'une légère appréhension.

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