Chapitre 1 : Les Murmures de Santa Misericordia
Ludovico s’était absenté ce matin-là, appelé par une mystérieuse « urgence au port ».
Ximena profita de l’accalmie pour explorer davantage la vieille maison. Son instinct lui criait que la vérité dormait entre ces murs.
Dans le bureau de Ludovico, elle fouilla en silence. Les tiroirs étaient verrouillés, mais un des battants du vieux secrétaire était mal fermé. Derrière une pile de livres, elle trouva un journal en cuir usé, relié de fil noir.
Elle hésita. Puis l’ouvrit.
Les premières pages semblaient être celles d’un homme brisé par la guerre :
> « J’ai fui, mais ce que j’ai ramené avec moi ne m’a jamais quitté. Le Modulom… c’est vivant. »
> « Ils ont creusé trop profond. Ils ont réveillé quelque chose. J’ai essayé de sceller la porte, mais le mal ronge, lentement. »
Plus loin, des croquis. Des organes déformés. Des visages à moitié humains. Et ce symbole, encore et encore.
> « Ma nièce… elle a le même sang. Je ne pourrai pas l’en protéger. Mais elle pourra peut-être… l’arrêter. »
Ximena referma brutalement le journal, les mains tremblantes. Elle n’était pas simplement venue ici pour vivre.
Elle était venue ici pour affronter quelque chose que Ludovico n’avait jamais pu vaincre.
L’homme au chapeau d’ombre
Cette nuit-là, pendant que Ludovico dormait, Ximena rêva encore.
Le gouffre. Les chants souterrains. Et maintenant, une forme rampante, aux membres tordus, qui l’appelait par son nom complet.
Mais un détail avait changé.
Un homme se tenait près du gouffre. Grand, silhouette floue, avec un chapeau large, une cape usée, et un poignard attaché à sa cuisse. Il l’observait… et la protégeait.
Le lendemain, en sortant faire les courses, elle le vit.
De l’autre côté de la rue, appuyé contre un lampadaire, fumant une cigarette en coin. Même chapeau. Même cape.
Elle s’arrêta net. Il leva la main dans un petit salut et murmura :
— On ne se connaît pas encore, Ximena San Diego. Mais tu vas avoir besoin de moi.
— Qui êtes-vous ?!
— Ferguson Foger. Aventurier à ses heures… et voleur quand l’occasion paie bien. Mais surtout :
je suis le seul encore vivant à avoir vu de mes yeux ce que cache cette terre.
Puis, il disparut dans la foule. Comme un souffle.
Le Pacte Inavoué
La nuit était tombée comme un voile de cendre. Le vent hurlait à travers les persiennes de la maison San Diego, et les ombres s’étiraient sur les murs comme des doigts hésitants.
Ximena, troublée par sa rencontre avec Ferguson, n’arrivait pas à dormir. Elle se leva, descendit silencieusement les escaliers... et trouva l’inconnu assis dans la cuisine, une tasse de thé fumant à la main.
— Tu... es entré par effraction ?
— Non. Ludovico m’a donné une clé, répondit Ferguson avec un sourire en coin. Il savait que ce jour viendrait.
— Tu le connaissais ?
— Disons qu’on a partagé des cauchemars. Et des silences.
Ximena s’assit en face de lui, méfiante.
— Tu parlais d’un virus… Le Modulom. Qu’est-ce que c’est ?
Ferguson regarda sa tasse, pensif. Puis, d’une voix plus grave :
— Ce n’est pas un virus comme les autres. C’est… une conscience. Une infection qui altère la mémoire, le corps, les instincts. Ça te ronge de l’intérieur jusqu’à ce que tu oublies qui tu es. Et tu deviens autre chose.
— Un monstre.
— Pire qu’un monstre. Un souvenir vivant de l’humanité perdue.
Il sortit un petit carnet de sa veste. À l’intérieur : des visages déformés, des symboles anciens, et au centre… une carte. Une carte souterraine.
— Ça vient d’en dessous. D’un réseau de tunnels bien plus vieux que cette ville. Ludovico et moi avons tenté de le sceller, il y a vingt ans. Nous avons échoué. Et maintenant… il s’ouvre de nouveau.
Ximena se leva, bouleversée.
— Pourquoi moi ?
Ferguson la fixa avec intensité.
— Parce que tu portes leur nom. Et parce que tu as rêvé du gouffre, pas vrai ?
Elle hocha la tête. Elle ne pouvait plus nier.
Un pacte muet naquit ce soir-là. Une alliance tissée dans l’ombre. Car la lumière n’était plus suffisante.
La Mine de Tres Lamentos
(Flashback, 17 ans plus tôt – dossier scellé des Archives militaires, marqué "Infecté – CLASSÉ MODULOM")
Une équipe d’extraction, menée par Ludovico San Diego, descendait dans une ancienne mine de sel à Tres Lamentos, à l’ouest de la province.
Ils avaient trouvé des traces étranges lors de fouilles archéologiques :
des fresques préhistoriques représentant des créatures hybrides, mi-hommes mi-chairs pourries, des cercles gravés, et des os… fondus.
L’équipe atteignit le niveau 12. C’est là que tout bascula.
La roche vibra. L’air devint lourd, étouffant, et un liquide noirâtre suinta d’une faille, formant une flaque mouvante.
Un des hommes, Rojas, s’en approcha. Le liquide l’éclaboussa.
Il hurla.
Ses veines devinrent noires. Sa peau se tendit, ses yeux virèrent au blanc, et il attaqua son collègue sans un mot, comme une bête.
Ce fut la première infection.
Ludovico fut le seul à remonter vivant. Mais il ne parla jamais. Sauf à Ferguson.
Et depuis ce jour, il écrivit tout… dans son journal.
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