Chapitre 1 - Alone

...𝙋𝙧𝙞𝙣𝙩𝙚𝙢𝙥𝙨...

...----------------...

...----------------...

...Ⓐⓥⓡⓘⓛ...

Lycée Yuei, Musutafu, Japon

Amaya Saito.

Interminable. Voilà ce qu'était le cours de mathématiques auquel j'assistais depuis maintenant plus de vingt minutes. L'ambiance dans la classe m'étouffait légèrement : silencieuse et immobile. On aurait dit que le premier qui bougeait se voyait exclu de la classe ou encore même du lycée.

Contrairement à ma fin d'année de collège - plutôt agitée - le lycée en filière générale, plus précisément en seconde C, n'était pas du tout fait pour moi. J'avais besoin d'actions, d'adrénaline et de bastons. Et finir dans une classe d'intellectuels taillés depuis leur naissance pour porter des costards cravate toute leur vie était pratiquement inimaginable pour moi.

C'était inimaginable.

J'étais actuellement assise au fond de la classe, à la dernière place tout à gauche, proche de la grande baie vitrée qui me laissait gentiment admirer l'extérieur. Des cerisiers balançaient leurs branches au rythme du vent, nous offrant une danse envoûtante qui n'attendait qu'à être admirée.

Un soupir silencieux passait encore une fois la barrière de mes lèvres, sans que je ne m'en rende compte.

- Vous devriez aller vous rafraîchir le visage, vous me paressez bien fatiguée, mademoiselle Saito.

Le professeur me fusillait à présent du regard. Mon soupir n'était, finalement, pas si silencieux que ça. Je rangeais mes affaires dans mon sac à dos, revêtis d'un bref mouvement ma veste d'uniforme, craintive d'avoir froid à cause de la légère brise de début de printemps, et je quittais la salle tout en lançant de légères excuses au professeur de mathématiques.

D'une lenteur digne des Slow Motion dans les films américains, je longeais les couloirs du lycée pour rejoindre les toilettes des filles, qui se trouvaient bien évidemment à l'autre bout du bâtiment. Cela m'arrangeait bien parfois, afin de sécher une partie du cours.

Mon reflet dans le miroir me donnait une gifle mentale assez conséquente : des cernes profondes et un teint légèrement pâle, des cheveux en bataille, coiffés en un chignon complètement raté, ainsi qu'un ensemble de tremblements et de frissons qui agitaient tous mes membres.

T'as pris de la drogue ou quoi ?

En même temps, qui serait serein après être mort ?

Il y a exactement sept jours, soit une semaine, j'étais allongée dans un lit d'hôpital, dans un état des plus pitoyables.

Je venais de mourir bon sang ! Personne ne survit à une chute de plus de 30 mètres de haut. Personne.

Alors pourquoi je me retrouvais dans un corps complètement inconnu, une identité floue et une putain de tenue d'hôpital super moche ?

Ce jour-là, je m'étais évanouie sous le coup de la pression pour me réveiller dans un autre endroit qui ressemblait à une chambre d'hôtel.

Une femme blonde était venue prendre de mes nouvelles. Elle m'avait appelé Amaya. Sauf que je ne m'appelle pas Amaya. Après avoir buggé comme un ordinateur datant de 1946, j'avais retrouvé la parole. J'ai dû alors, malgré moi, feindre que j'étais bien cette personne pour ne pas me faire emprisonner dans un hôpital psychiatrique et compter mes jours en dessinant sur les murs des bâtons.

Heureusement, j'avais trouvé un journal intime, sous le lit de la chambre où je dormais, donnant des indications sur la vie de mon "hôte".

Un conseil : ne cachez pas votre journal sous votre lit, c'est une piètre cachette.

Je m'aspergeais une dernière fois le visage afin de ne pas surcharger mon esprit qui divaguait beaucoup trop depuis mon arrivée.

Compréhensible.

J'avais vraiment l'impression de devenir folle.

Je soupirais longuement, avant d'abaisser la poignet de la porte de ma classe pour regagner ma place. Mais au lieu de tomber sur une classe de legos inanimés, j'avais eu le droit à une explosion en pleine tête. Mon visage tantôt rafraîchi, venait d'être souillé par la fumée.

Non, ne me dites pas que...

- Qu'est-ce que tu fiches ici toi ? Lançai-je avec une voix déraillée.

Malgré ma question posée sur un ton peu assuré, aucune réponse ne me parvint. Je reçus seulement la porte en plein nez.

Nous étions à seulement quatre jours depuis la rentrée et j'étais déjà à bout. Mes nerfs ne tiendraient sûrement pas une année. Un filet de sang coula de mon nez endolori.

Encore un prétexte gratuit pour sécher les cours.

Génial.

Après la poursuite par un loup-garou en pleine ville le troisième jour de cours et une rafale de vent le second, je me retrouve avec un nez détruit par une porte de classe, qui n'est même pas la mienne. Je fis donc demi-tour, sans manquer de soupirer pour la trentième fois de la journée et de me diriger, cette fois-ci, vers l'infirmerie.

Je pense que le professeur de mathématiques me déteste.

À peine quatre jours et tu as déjà des ennemies. Bravo.

La sonnerie du midi qui annonçait la fin tant attendue de ce cours d'anglais encore plus long que le cours de mathématiques de ce matin retentit dans tout le lycée, me cassant légèrement les tympans.

La classe s'agita pour sortir de la salle et se précipiter vers le réfectoire afin de dévorer la nourriture faite par Lunch Rush - selon la rumeur - qui était le héros de la nourriture.

Comme à mon habitude, depuis quatre jours, j'attendais que la classe se vide petit à petit, pour enfin me concentrer sur les événements passés.

Ma mort. Mon réveil. Un nouveau monde. Une nouvelle vie. Une autre personne.

Tous ça ne menait qu'à une seule chose.

Je m'étais réincarnée dans un personnage de mon animé préféré. J'avais pourtant essayé de me convaincre que ce n'était qu'une illusion. Un rêve ou un coma sur courte période. Mais pourtant jour après jour, nuit après nuit, je me réveillais toujours dans la peau de cette Amaya Saito.

La tête dans les bras, les yeux fermés, je repassais les événements en boucle dans ma tête.

Boum !

Mes paupières se soulevèrent rapidement et comme si mon esprit avait transmis à mon corps toute information - ainsi que tous mes réflexes - mes bras se mirent devant ma tête pour me protéger d'une éventuelle carafe volante ou autre projection potentielle dangereuse.

Il n'était pas là. Il ne pouvait pas être là.

Je retirai immédiatement les bras de devant mon visage et regardai la personne qui m'était complètement inconnue qui me scrutait à présent avec de grands yeux.

- Tu as des supers réflexes ! Lança-t-elle sur un ton joyeux comme si ma peur n'avait jamais existé.

Son sourire resplendissant me tuait la rétine, et ses yeux d'un bleu éclatant me transperçaient l'âme. J'avais l'impression de n'avoir absolument aucune barrière. Ses cheveux bruns entourés d'un bandeau jaune tombaient dans le creux de son dos et donnaient l'impression de flotter dans l'air tant ils avaient l'air fin.

Très honnêtement, j'avais en face une boule de joie qui réchauffait la pièce par sa seule présence.

- Tu devrais manger, c'est pas bon de sauter des repas. Continua-t-elle voyant que je ne répondais pas à sa première interaction avec moi.

Mon regard glissa sur ses bras couverts de bracelet jaune et blanc. Elle tenait entre ses mains un bento contenant des sushis et de la salade tout ça accompagné par des tempuras.

Son regard envoûtant cherchait une réponse dans le mien.

- Euh- j'ai pas très faim, répondis-je d'une vitesse ahurissante pour mettre fin au malaise que le silence entre nous avait créé.

Elle me sourit à nouveau en m'envoyant une vague de joie en pleine tronche alors que j'étais en train de me torturer l'esprit à trouver le pourquoi du comment de ma réincarnation dans mon manga préféré.

- C'est ma mère qui les a faits ! Et je veux pas la vexer en rentrant avec le bento rempli !

Son ton enjoué m'insupportait légèrement. Cela devait être à cause de l'intrusion dans ma bulle de verre d'espace personnel qui consistait à repousser n'importe quelle personne qui essayerai de rentrer en contact avec moi.

J'haussai un sourcil qui reflétait mon incompréhension face à son affirmation.

Elle m'expliqua qu'elle avait déjà trop mangé à la cantine malgré le régime strict de son père.

Je hochai la tête calmement sans pour autant toucher le bento qu'elle glissait lentement de plus en plus vers moi.

- Ça ira mer-

Je ne pus terminer ma phrase. Pourquoi ? La brune m'avait mis un sushi au saumon dans la bouche. Je devais faire une de ces têtes.

Mes yeux étaient grands ouverts et mon visage avait sûrement pris feu à cause de la gêne que je ressentais sur le moment. J'avalais le sushis d'une traite et reculais ma chaise afin de mettre de la distance entre son envahissante personne et moi.

- Si t'avais vu ta tête ! Dit-elle en rigolant.

Elle se moquait ouvertement de moi. Devant moi. Sous mon nez et pourtant j'avais un picotement dans la poitrine qui m'invitait à rigoler avec elle et son rire entraînant.

Mon visage se détendit pour enfin apprécier le goût du sushis de la mère de la brunette que je venais de mettre dans ma bouche sous la contrainte du regard semi menaçant de...

- Comment tu t'appelles au fait ?

- Izumi Kobayashi ! Troisième bureau de la première rangée ! En soit deux bureaux devant toi.

Je ne m'attendais pas à autant d'informations d'un coup. Mon cerveau normalement limité à l'analyse de combat de boxe sur écran se retrouvait à retenir un prénom et un nom nouveau avec un bonus de ou elle se situait sur le plan de classe.

- Et toi ?

- Ch- Amaya, Amaya Saito.

Je me corrigeai rapidement et détourna le regard en enfournant un tempura dans ma bouche.

Quel délice !

J'adressai un regard empli de remerciements à Izumi qui me sourit en retour dans la seconde suivante.

Elle captait vraiment toute la chaleur de la pièce pour la donner aux personnes à qui elle sourirait. Et très honnêtement je luttais contre mes joues qui mourraient d'envie de s'étirer pour lui rendre son sourire.

« Ne fais pas confiance aux inconnus, Charlie. C'est mal. »

Je repoussai immédiatement le bento feignant que mon ventre allait exploser si je continuais à manger. La nourriture et l'angoisse se mélangeaient dans mon estomac, créant un sentiment de nausée insupportable.

J'avais envie de lui sourire. Je voulais lui sourire. Mais il me hantait. Lui et ses conseils à la con.

Et malheureusement, ses conseils m'avaient poussé à prendre la fuite face à la brune, la laissant en plan au fond de la classe pour régurgiter le repas que j'avais apprécié quelques instants auparavant.

« Tu es seule Charlie et tu le seras toujours. Peu importe quelle méthode tu utilises »

Ma main se porta à mon œil gauche fendu à cause de mon passé. J'avais l'impression de ressentir à nouveau la douleur et le sang sur ma joue. La cicatrice elle n'avait pas suivi le reste de mon corps dans l'autre monde. Elle me rappellerait constamment les mêmes choses.

Je suis seule...

Et je l'ai toujours été.

Episodes
Episodes

2 épisodes mis à jour

Télécharger maintenant

Aimez-vous ce travail ? Téléchargez l'application et vos enregistrements de lecture ne seront pas perdus
Télécharger maintenant

Bien-être

Les nouveaux utilisateurs peuvent télécharger l'application pour débloquer 10 chapitres gratuitement.

Recevoir
NovelToon
Ouvrir la porte d'un autre monde
Veuillez télécharger l'application MangaToon pour plus d'opérations!