Chapitre 2 : Une rencontre inattendue

Le marché du village était un spectacle vibrant, presque étourdissant pour mes sens encore habitués à la vie parisienne. Des voix animées résonnaient autour de moi, mêlant des rires, des appels, et des conversations dans une langue que je comprenais à peine. Chaque recoin semblait regorger de couleurs et de textures : des tissus aux teintes éclatantes ondulaient sous la brise, des épices empilées en cônes parfaits diffusaient des parfums enivrants, et des objets en cuir – sacs, sandales, ceintures – étaient disposés avec soin sur des étals en bois. Je déambulais, presque en transe, essayant de ne pas me laisser submerger par l'agitation qui m'entourait. Il y avait une certaine beauté dans ce chaos, mais aussi une impression d'être étranger, complètement déconnecté de cet univers. J'entendais des vendeurs m'interpeller, me lançant des phrases enthousiastes auxquelles je ne savais pas comment répondre. J'avais envie de tout observer, de tout comprendre, mais chaque pas me donnait l'impression de m'éloigner un peu plus de mes repères.

C'est alors que je me suis perdu.

Un instant, j'étais encore près d'un stand de poteries, fasciné par les motifs délicats peints sur des vases, et l'instant d'après, je réalisais que je ne savais plus d'où j'étais venu. Les ruelles étroites du marché semblaient se replier sur elles-mêmes, formant un labyrinthe où chaque tournant ressemblait au précédent.J'ai pris une grande inspiration, essayant de ne pas paniquer. « Ce n'est qu'un marché, Joseph, » me suis-je murmuré. Mais le tumulte des voix et l'agitation des passants me rendaient nerveux. J'ai serré un peu plus fort la lanière de mon sac, mes yeux cherchant désespérément un point de repère.

C'est à ce moment-là que je l'ai vue.

Une femme d'âge moyen, vêtue d'une robe longue d'un bleu profond, était debout près d'un stand de fruits. Elle avait un visage doux et accueillant, encadré par un voile léger qui flottait légèrement sous le vent. Ses mains habiles sélectionnaient des oranges tout en échangeant quelques mots avec le vendeur. Quand elle a levé les yeux, nos regards se sont croisés.

« Tu cherches quelque chose ? » a-t-elle demandé dans un français hésitant, mais parfaitement compréhensible.

Surpris, j'ai mis quelques secondes à répondre. « Oui... enfin, non... je suis un peu perdu, je crois. »

Elle a ri doucement, un rire qui semblait désamorcer toute tension. « C'est facile de se perdre ici. Tu es le fils des nouveaux arrivants, n'est-ce pas ? »

J'ai hoché la tête, impressionné qu'elle sache déjà qui j'étais. Elle a essuyé ses mains sur un coin de son voile avant de se rapprocher. « Je m'appelle Fatima. Viens, je vais te montrer le chemin. »

Avant que je puisse répondre, elle a appelé quelqu'un d'un geste de la main. « Youssef ! Aide-moi à porter ça. »

Et soudain, il était là.Je l'ai reconnu immédiatement : le garçon de la mosquée. Il portait une chemise beige et un pantalon simple, ses manches retroussées jusqu'aux coudes, révélant des avant-bras musclés mais gracieux. Son visage, toujours empreint de cette sérénité presque intimidante, était éclairé par une lumière tamisée qui filtrait à travers les étals.

« Oui, maman ? » Sa voix était calme, posée, comme si rien ne pouvait le troubler.

Fatima lui a désigné un sac rempli de fruits qu'elle venait d'acheter. « Aide ce garçon. Il est perdu. »

Youssef a tourné son regard vers moi, et pour la deuxième fois, j'ai senti mon cœur s'emballer légèrement. Ses yeux sombres semblaient m'étudier, cherchant à comprendre qui j'étais, pourquoi j'étais là.

« Viens, » a-t-il dit simplement, sans même attendre ma réponse.

Je l'ai suivi à travers le marché, avec Fatima marchant un peu devant nous. Youssef portait le sac de fruits sur son épaule avec une facilité nonchalante, mais je pouvais sentir qu'il était conscient de ma présence, même s'il ne disait rien.

« C'est... très animé ici, » ai-je fini par dire, juste pour combler le silence.

Youssef a tourné légèrement la tête vers moi, un sourire imperceptible jouant sur ses lèvres. « C'est comme ça tous les jours. Tu t'habitueras. »

Sa voix avait quelque chose d'apaisant, mais aussi de troublant. Elle semblait à la fois distante et proche, comme un murmure porté par le vent.Alors que je regardais autour de moi, mes yeux se sont posés sur un tapis finement tissé, suspendu à un stand. Les motifs complexes et les couleurs vives m'ont captivé. Sans réfléchir, j'ai fait un pas en arrière pour mieux l'observer, et je n'ai pas vu la pierre qui dépassait du sol.

Je suis tombé.

Ce fut un moment ridicule, presque humiliant. Mes mains ont tenté de me rattraper, mais tout ce que j'ai réussi à faire, c'est m'étaler sur le sol poussiéreux. Les rires des vendeurs et des passants ont fusé autour de moi, et je sentais mes joues brûler de honte.

Puis une main est apparue devant mes yeux.

« Ça va ? »

C'était Youssef. Il se tenait au-dessus de moi, son expression neutre, mais ses yeux trahissaient une lueur de curiosité. Sa main, grande et légèrement calleuse, restait tendue.J'ai hésité une seconde avant de la saisir. Sa prise était ferme, rassurante, et il m'a relevé sans effort apparent.

« Merci, » ai-je murmuré, trop embarrassé pour le regarder dans les yeux.

« Fais attention où tu marches, » a-t-il dit, mais son ton n'était pas moqueur. Plutôt... amusé.

Je me suis épousseté en silence, essayant de retrouver un semblant de dignité. Mais même en me relevant, je pouvais sentir son regard sur moi. Pas un regard accusateur, non. Quelque chose de plus subtil. De la curiosité, peut-être.

Fatima, qui avait vu la scène de loin, est revenue vers nous, un sourire bienveillant sur le visage. « Tout va bien ? »

« Oui, oui, » ai-je répondu rapidement.

Youssef n'a rien ajouté, mais un léger sourire persistait sur ses lèvres, comme si ma maladresse l'avait amusé plus qu'il ne voulait l'admettre.Nous avons continué notre chemin, et cette fois, le silence entre nous ne me semblait pas aussi pesant. J'avais l'impression que quelque chose avait changé, même si je ne savais pas encore quoi.

★★★

Quand nous sommes arrivés à l'entrée d'une ruelle qui me semblait familière, Fatima a désigné la direction à suivre. « Ta maison est là-bas. Tu peux trouver le chemin maintenant ? »

« Oui, merci beaucoup, » ai-je répondu avec reconnaissance.

Youssef m'a regardé une dernière fois avant de hocher la tête, presque imperceptiblement. Puis il a tourné les talons et est reparti avec sa mère, le sac de fruits toujours sur l'épaule.

Je suis resté là quelques instants, à les regarder s'éloigner.Ce n'était qu'une rencontre banale, un moment presque insignifiant. Mais pour une raison que je ne pouvais pas encore expliquer, je savais qu'il resterait gravé dans ma mémoire. Il y avait quelque chose dans ce garçon – dans sa voix, dans ses gestes, dans son regard – qui me fascinait.

Et même si je n'aurais jamais osé l'admettre à ce moment-là, j'avais déjà envie de le revoir.

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