Julz La Sorcière De L'Immortalité Et De L'Éternel Jeunesse.
À l’ouest, non loin du royaume de Darade, une petite auberge reposait entre les arbres, modeste mais chaleureuse. Ce soir-là, elle débordait de vie. Des rires, des chants, le tintement des verres et des chopes remplissaient l’air d’une joyeuse cacophonie.
Parmi cette agitation, Lora, la propriétaire des lieux, se faufilait avec aisance entre les tables. Elle souriait à tous, recueillait les compliments et servait ses clients avec entrain.
— Encore une bière, madame ! lança un homme d’un ton jovial.
— Ça arrive, répondit-elle en s’éloignant vers le comptoir, chope vide à la main.
Lora rayonnait. Son auberge n’avait jamais été aussi animée. Elle aimait entendre les discussions, les éclats de rire, les voix portées par l’alcool et la bonne humeur.
Un habitué s’approcha d’elle, tout sourire, visiblement ravi de l’ambiance.
— Quelle ambiance ce soir, il y a plus de monde que d’habitude, fit-il remarquer en jetant un œil à la salle comble.
— Oui, c’est merveilleux. Beaucoup de chasseurs sont passés par la forêt aujourd’hui. Ils ont décidé de s’arrêter ici pour se reposer, répondit Lora avec un éclat de bonheur dans la voix.
Un autre homme se joignit à la conversation, les yeux pétillants.
— Ça va sûrement booster vos affaires.
Lora hocha la tête, satisfaite.
— En effet, c’est un bon jour.
Le premier homme reprit, cette fois sur un ton plus sérieux :
— Avec un tel afflux de clients, vous allez rapidement remplir vos caisses.
Lora allait répondre, mais un cri sonore coupa net leur échange.
— Aaaahh ! C’est délicieux ! Encore un verre, madame Lora !
Tous trois tournèrent la tête vers l’origine de l’exclamation et aperçurent une jeune femme qui semblait… particulièrement enthousiaste.
— Qui est cette jeune femme ? demanda l’un des hommes, intrigué.
— Ne la reconnaissez-vous pas ? C’est Julz, répondit Lora avec son sourire habituel.
Les deux hommes ouvrirent de grands yeux.
— Julz ?! La petite fille que vous avez recueillie pendant la guerre des sorciers ? s’écria l’un d’eux.
— Oui, c’est bien elle, confirma Lora d’un ton empreint de nostalgie.
— Eh bien, elle a bien grandi, murmura l’autre, impressionné.
— Vous ne trouvez pas qu’elle est un peu jeune pour boire ainsi ? demanda-t-il encore, les sourcils froncés.
Lora haussa les épaules. Une ombre légère passa dans son regard.
— Ne vous en faites pas, c’est sa façon d’agir en cette période de l’année. Elle a toujours été ainsi.
Mais l’ambiance changea en un instant.
Un violent fracas fit vibrer la porte de l’auberge. Une troupe de chevaliers en armure entra sans attendre, leurs capes flottant derrière eux et leurs armes bien visibles. Les conversations s’éteignirent immédiatement.
— Les chevaliers du royaume ! s’écria Lora, surprise.
— Que viennent-ils faire ici ? souffla un client, inquiet.
Le capitaine s’avança sans hésiter. Sa voix forte résonna dans toute la pièce.
— Nous vous prions de bien vouloir excuser notre intrusion. Nous recherchons une sorcière du nom de Julz.
Un frisson parcourut la salle. Tous les regards s’échangèrent, mais personne ne parlait.
— Si vous avez des informations concernant son emplacement, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous les transmettre immédiatement.
Lora s’avança d’un pas, prête à répondre… mais une autre voix s’éleva derrière elle. Calme. Fière. Inébranlable.
— J’espère que ma présence est sollicitée pour une raison valable.
Julz se tenait debout, non loin. Sa posture était détendue, presque moqueuse, un sourire énigmatique flottant sur ses lèvres. Le capitaine la fixa, hésitant.
— Êtes-vous bien la sorcière Julz ? demanda-t-il, les sourcils froncés.
Elle le regarda, silencieuse un moment.
— J’ai pourtant été claire, dit-elle enfin avec une pointe d’ironie. Que me voulez-vous ?
Le capitaine prit une inspiration et déclara :
— Je me nomme Ren, capitaine des chevaliers. J’ai été envoyé par le roi pour vous escorter au palais.
Julz laissa échapper un rire froid. Son regard, acéré, se posa sur lui.
— Ah oui ? Et pour quelle raison ?
— Le roi sollicite votre aide pour lutter contre les sorcières de Tere Obscure.
Julz plissa les yeux. Son sourire s’élargit.
— C’est absolument hors de question.
Le refus était net. Glacial. Ren parut figé.
— Pourquoi ? demanda-t-il, désarçonné.
Julz le fixa, longtemps, puis répondit avec le même détachement :
— Dites à votre roi que je n’ai aucune intention de l’aider. Maintenant, éloignez-vous.
Une énergie étrange, invisible, sembla envahir l’auberge. Tous la ressentirent. Même les chevaliers, pourtant entraînés, frémirent, comme écrasés par une présence qu’ils ne comprenaient pas. Ren, perplexe, sentit ses pensées s’embrouiller.
> Quelle arrogance ! pensa-t-il. Elle ne craint ni nous… ni même le roi. Pourquoi donc le roi la veut-il tant à ses côtés ?
Finalement, il se redressa et prit sa décision.
— Très bien, nous partons.
— Capitaine ! protestèrent plusieurs de ses hommes, stupéfaits.
— Il est inutile de la convaincre. Nous nous retirons, dit-il simplement.
Alors qu’ils tournaient les talons, Julz lança d’une voix sèche :
— Un instant…
Ren se retourna. Elle le fixait, droite, l’air impérial.
— Dites à votre roi que je n’enseignerai jamais la magie aux chevaliers royaux. Il ferait bien de le comprendre.
Puis elle se rassit, son regard toujours empli de défi. Ren resta un instant immobile. Elle n’a vraiment peur de rien, pensa-t-il.
Il ordonna à ses hommes de partir. L’auberge retrouva peu à peu son souffle, mais l’ambiance ne serait plus tout à fait la même ce soir-là.
Au palais, l’atmosphère était tendue. Le capitaine Ren se tenait devant le trône, la tête légèrement inclinée.
— Nous vous prions de nous excuser, Majesté. Nous n’avons pas réussi à capturer la sorcière.
Le roi se redressa lentement, les traits fermés.
— Elle a refusé mon invitation ?
— Elle refuse catégoriquement de nous aider. Elle a même déclaré qu’elle n’enseignerait jamais la magie aux chevaliers royaux.
Le souverain demeura silencieux un moment, perdu dans ses pensées.
— Nous laissons cette affaire de côté, déclara-t-il enfin. L’attaquer maintenant serait un acte de faiblesse.
Ren, hésitant, prit la parole.
— Majesté, puis-je me permettre de vous poser une question ?
Un signe de tête l’invita à continuer.
— Pourquoi t’attaches-tu tant à cette sorcière ?
Le roi esquissa un léger sourire, presque mélancolique.
— Je ne saurais l’expliquer, Ren. Tout ce que je sais, c’est que cette jeune fille possède une puissance comparable à celle de la sorcière Kamui.
Ren en resta bouche bée.
— La sorcière légendaire ?
Le roi acquiesça lentement.
— C’est pour cette raison que je ne veux pas la contrarier… Pas encore, du moins.
Ren s’enfonça dans le silence, l’esprit troublé par cette révélation.
Et dans les ombres du palais… le nom de Julz commençait à résonner plus fort que jamais.
Pendant ce temps, à l’auberge, Julz était assise seule à l’extérieur, le regard perdu dans le ciel étoilé. Les constellations brillaient doucement au-dessus d’elle, mais leur éclat ne suffisait pas à chasser la tristesse qui alourdissait son cœur. Chaque étoile semblait lui rappeler un souvenir, une époque plus paisible, aujourd’hui disparue.
Alors qu’elle savourait ce moment de silence, un bruit étrange lui parvint de l’autre côté de la cour. Elle se leva sans un mot, l’oreille attentive, et s’approcha prudemment. Par une fenêtre entrouverte, elle aperçut deux hommes discutant à voix basse dans le hall de l’auberge.
Soudain, un jeune enfant surgit devant eux, vêtu d’une large cape à capuche qui dissimulait son visage. Il se posta fermement devant les hommes, leur barrant le passage.
— Que veux-tu, gamin ? Éloigne-toi de mon chemin, grogna l’un des hommes.
Mais l’enfant ne bougea pas. Sa voix, claire et assurée, résonna dans l’espace.
— Je veux votre argent, donnez-moi tout ce que vous avez.
Julz ouvrit de grands yeux. Un enfant ? Un voleur ? Elle n’en croyait pas ses yeux.
— (Un enfant !) pensa-t-elle, stupéfaite.
— Vous allez immédiatement me remettre vos sous, insista l’enfant, déterminé.
— Tu rêves, gamin. Va plutôt jouer ailleurs, compris ? rétorqua l’homme avec dédain.
Julz observait la scène avec attention. Quelque chose clochait. Cet enfant dégageait une étrange aura. Ce n’était pas un simple pickpocket…
— Vous n’auriez pas dû me contrarier…, murmura l’enfant d’une voix sourde.
Elle leva la main vers le ciel et commença à réciter une incantation mystérieuse.
— Pilan lux est…
Un sourire étira les lèvres de Julz. Elle venait de comprendre.
— (Je m’en doutais. C’est une sorcière.)
L’enfant poursuivit son incantation, sa voix empreinte de détermination.
— Apparet in Manu caecorum.
Une sphère de lumière jaillit aussitôt, éblouissant les deux hommes.
— Je ne vois plus rien ! cria le second.
— Cet enfant est une sorcière ! hurla l’autre en reculant.
Alors que la petite s’apprêtait à profiter de leur aveuglement pour les détrousser, Julz s’interposa, sa main droite levée devant elle.
— Je ne le permets pas.
Un cercle magique scintilla autour d’elle, dissipant aussitôt la lumière aveuglante. L’enfant recula, les yeux écarquillés. Comment cette femme avait-elle pu annuler son sort ?
— Julz ! s’exclama l’un des hommes, soulagé de la voir intervenir.
L’enfant, troublée, restait silencieuse. Ses pensées s’embrouillaient.
— (Comment a-t-elle pu annuler mon sort ?)
Julz, calme, s’adressa à elle d’un ton posé.
— Ainsi, tu es une sorcière.
L’enfant poussa un petit cri de surprise.
— À te voir, tu ne sembles pas être une mauvaise personne. Montre-moi ton visage.
— Jamais, répondit-elle aussitôt, sur la défensive.
Prise de panique, elle leva de nouveau la main, prête à incanter une autre formule.
— Fu…
Mais Julz fut plus rapide.
— Lianas depositum involvit hostibus meis.
Des lianes épaisses surgirent du sol et vinrent ligoter l’enfant, l’empêchant de bouger. Elle tomba à terre, impuissante.
— Bien joué, sorcière, nous allons la remettre aux chevaliers, déclara l’un des hommes.
— Hors de question, répliqua Julz fermement.
Les deux hommes la regardèrent, surpris. Julz s’approcha doucement de l’enfant, et alors qu’elle se penchait sur elle, la capuche glissa, révélant un visage d’enfant. C’était une toute petite fille, le visage sali, couvert de poussière et de petites coupures.
— C’est une fillette !? s’étonna le premier.
— Je m’en doutais. Tu es bel et bien une fillette… enfin, une petite sorcière, murmura Julz.
La petite se débattait faiblement, visiblement acculée. Elle n’avait plus d’issue.
— Une fillette qui aime jouer à faire le voleur, tout en étant sorcière, lança un homme d’un ton moqueur.
Julz se pencha vers la fillette, son regard plus doux.
— Pourquoi souhaitais-tu voler ces personnes ? Es-tu une sorcière des ténèbres ?
L’enfant se mit à pleurer, submergée par l’émotion.
— Je…
— Oh ? murmura Julz, un peu surprise par ses larmes.
— Je n’ai pas le choix… j’ai besoin de cet argent pour…
Julz pencha la tête, intriguée par ce qu’elle pressentait derrière les paroles inachevées.
— Allez, poursuis.
La fillette se sentait piégée. Elle n’avait plus de solution, plus de plan.
— (Je dois les sauver.)
Ses pensées allaient à ceux qu’elle aimait. Elle repensa à tout ce qu’elle avait tenté jusqu’ici. Ses larmes redoublèrent, et dans un cri de désespoir, elle lança :
— Pour sauver ma mère et mon frère !
Julz resta silencieuse un instant, touchée par ses mots.
— Oh ! souffla-t-elle doucement.
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