Chapitre 3: l’échange des chaînes

Le tissu de la robe était lourd. Trop lourd. Comme si chaque perle cousue à la main représentait un mensonge qu’elle s’apprêtait à porter jusqu’à la fin de ses jours. Naelia n’avait pas répondu oui. Pas une seule fois. Et pourtant, la voilà, prisonnière de soie blanche et de regards trahis.

Ses pas résonnaient dans le grand hall, accompagnés des chuchotements discrets des invités. Des regards curieux, soupçonneux, moqueurs parfois. Mais elle n’osait relever la tête.

— Tiens-toi droite, lui souffla sa belle-mère entre ses dents, un sourire figé aux lèvres. Tu es la mariée, Liora. Agis comme telle.

Liora. Le nom sonnait comme un poison sur la langue de Naelia. Mais elle ne répondit rien. Elle laissa les mains tremblantes de Diane la guider, corriger la position du voile, ajuster la traîne. Une marionnette bien dressée.

Au bout de l’allée, il était là. Ezran. Majestueux, froid, lointain. Son regard la traversa sans un mot, sans une once de douceur.

Il n’avait jamais rencontré Liora, mais les rumeurs avaient construit dans son esprit une image bien précise : celle d’une femme ambitieuse, frivole, sans morale, et vendue au plus offrant. Il ne savait pas qu’il regardait Naelia.

Quand elle arriva à sa hauteur, il ne lui tendit pas la main.

— Tu es en retard, chuchota-t-il, la mâchoire crispée. Et pour être franche, j’aurais préféré que tu le restes.

Naelia sentit son cœur se briser un peu plus.

— Tu as une idée de ce que je pense de toi, Liora ? Une manipulatrice. Une enfant capricieuse. Si tu crois que tu vas m’ensorceler avec ton petit sourire figé, oublie. Il n’y aura rien entre nous. Rien du tout.

Elle hocha simplement la tête.

Je ne suis pas Liora…, murmura-t-elle en elle, mais ses lèvres restèrent closes.

La cérémonie fut un supplice. Elle n’entendait que des mots flous, des vœux mécaniques, des regards pesants. Lorsque l’on glissa l’alliance à son doigt, ses yeux s’embuèrent, mais elle se força à sourire. Elle aurait voulu crier, courir, supplier… mais le regard noir de Diane au fond de la salle lui rappela que ce n’était plus une option.

Quand les invités commencèrent à les acclamer, elle sentit les larmes monter. Un mariage volé. Une identité volée. Une vie volée.

Plus tard, pendant la réception, alors que les applaudissements retentissaient, son père l’attrapa par le bras.

— Viens.

Il la tira sans ménagement vers un couloir discret. Diane les y attendait déjà. Une porte claqua. Naelia se retrouva enfermée dans un bureau.

— Tu comptes ruiner nos vies, Naelia ? lança froidement Diane, les bras croisés.

— Je… je n’ai rien dit…

— Tu ferais mieux de continuer comme ça, cracha son père. Tu as été élevée par charité. N’oublie jamais que tu n’étais qu’un poids mort que Diane a accepté de garder après la mort de ta mère. Une bâtarde. Tu crois mériter mieux que ça ?

Naelia baissa les yeux. Les mots la transperçaient plus violemment qu’un poignard.

— Tu vas nous rendre fiers, continua Diane. Tu vas jouer ton rôle. Tu vas faire bonne figure. Et tu vas faire croire à ce garçon que tu es bien sa précieuse Liora. Tu t’approcheras de lui. Tu apprendras à l’apprivoiser. Et tu profiteras de cette place comme une bonne fille obéissante. Sinon…

Elle s’approcha, posa ses ongles acérés sur la joue de Naelia.

— … je m’assurerai que même ton nom soit effacé de cette famille. Tu n’existes que parce qu’on te le permet.

Naelia serra les poings, mais garda le silence.

Quelques minutes plus tard, elle fut reconduite à table, près de son époux. Ezran ne la regarda même pas. Il trinqua avec froideur, discuta avec d’autres, mais ne lui adressa pas un mot.

Jusqu’à ce qu’il se penche enfin, au moment de couper le gâteau.

— J’espère que tu ne t’imagines pas dormir dans ma chambre. Ce mariage n’est qu’un contrat. Un fardeau que je compte supporter le moins longtemps possible.

Naelia inspira profondément.

— Bien, dit-elle, la voix tremblante mais polie. Ce sera comme vous le souhaitez.

Il arqua un sourcil.

— Pas d’effets de scène ? Pas de crises ? Intéressant. Tu caches bien ton jeu, Liora. Mais sache que je finirai par te percer à jour.

Elle tourna la tête. Une larme coula discrètement sous son voile.

...Peut-être que le plus dangereux dans ce mariage… ce n’est pas lui. C’est moi. Parce que moi, je sais que je mens. Et lui, il croit déjà détester celle que je ne suis pas…...

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