Chapitre 5

📖 Chapitre 5 – Le Frisson dans les Racines

Le feu dansait dans la cheminée, projetant sur les murs de pierre des ombres longues comme des souvenirs oubliés.

Il crépitait parfois, comme s’il tentait de chasser un froid que la chaleur ne suffisait plus à apaiser.

La maison, pourtant modeste, avait toujours été un refuge.

Un monde à part. Hors du temps.

Les rires d’Aeliah y résonnaient comme un ruisseau libre.

Mais ce soir-là… tout était figé.

Même les murs semblaient retenir leur souffle.

Darian était assis à la grande table de bois. Il sculptait.

Une flûte, fine et légère. Une promesse faite à sa fille.

Ses mains tremblaient parfois. La lame hésitait.

Près de la fenêtre, Elyana restait immobile.

Bras croisés, regard perdu au-delà de la vallée.

Rien ne bougeait. Pas une feuille. Pas un oiseau.

Mais en elle… quelque chose vibrait.

Un avertissement venu d’avant les mots. Avant la peur.

— Tu sens aussi ? murmura Darian.

Elle hocha la tête.

— La brume recule. Les ruisseaux changent leur cours. La forêt ne chante plus… elle tremble.

Darian se leva. S’approcha. Il posa une main sur son épaule.

— Je suis désolé de t’avoir emmenée dans un monde où tu es traquée…

Sa voix était basse. Lourde. Presque coupable.

— Si j’avais pu t’épargner ça…

Elle tourna les yeux vers lui, doucement.

Puis prit sa main, la plaça contre son cœur.

— Ce n’est pas toi qui m’as jetée dans l’ombre. C’est l’univers qui m’a menée jusqu’à toi.

Et s’il faut fuir le monde pour t’aimer… alors qu’ils viennent.

Je ne regretterai rien.

Son regard brillait. Non pas de peur.

Mais d’une tendresse indomptable.

Et dans ce silence-là, il comprit.

Elle était son refuge. Même au bord du gouffre.

— Je ne veux pas qu’Aeliah ressente notre peur, dit-elle. Elle a besoin de croire encore en la lumière.

— Elle croit en ce que tu lui donnes, répondit Darian. Et ce que tu lui donnes… aucun dieu n’aurait pu l’offrir.

Une vallée de paix.

Née d’un amour banni.

Elyana posa sa tête contre lui.

Mais ce soir-là, son cœur battait plus fort.

Comme un tambour de guerre.

— Promets-moi une chose.

— Tout ce que tu veux.

— Si un jour je ne suis plus là… tu la protègeras. Même si elle doit m’oublier.

Darian pâlit. Il serra son visage entre ses mains.

— Ne dis pas ça…

— Je dois. Tu sais pourquoi. Ce n’est plus un pressentiment. C’est… une menace dans les vents.

Il baissa les yeux.

— Je suis un homme, Elyana. Juste un homme.

Mais pour vous… je serai mur, pierre, montagne.

Vous êtes ma cause. Mon foyer. Mon tout.

Un silence s’installa.

Pas pesant. Juste… inévitable.

Puis elle murmura :

— On tient encore une nuit. Une seule.

Et demain, peut-être… le vent changera.

Mais cette nuit-là, le vent n’apporta pas la paix.

Il apporta un avertissement.

À l’étage, Aeliah rêvait.

Elle marchait dans un champ gris.

Autour d’elle, des arbres brûlés. Le ciel blanc. Figé.

Une femme approchait. Grande. Drapée de brume.

Son visage voilé de feuilles mortes.

Elle tendit une graine à Aeliah.

Une sphère vivante. Tiède. Vibrante.

Quand la petite la toucha, une fissure s’ouvrit sous ses pieds.

Et une voix parla. Grave. Ancienne. Inéluctable.

Protège la sève… ou tout mourra.

Même les racines les plus profondes brûleront.

Puis la voix devint vent. Puis hurlement.

Puis silence.

Aeliah se réveilla en sursaut.

Le souffle court. Les draps humides.

Elle descendit l’escalier à pas feutrés. Son doudou serré dans ses bras.

— Maman… Papa…

Elyana s’était tournée, déjà en alerte.

Darian s’était redressé, le regard vif.

— J’ai rêvé…

Une dame m’a parlé. Elle m’a donné une graine. Elle a dit… que je devais protéger la sève.

Elyana sentit un frisson glacé courir le long de sa colonne.

Ce n’était pas un rêve.

Pas cette fois.

Elle serra Aeliah contre elle.

— Tu n’as rien à craindre. On est là. Pour toujours.

Elle l’embrassa sur le front.

Darian s’était levé. Quelque chose battait dans ses veines.

Une pulsation ancienne.

Il ouvrit doucement la porte.

Dehors, la brume était plus dense.

Trop lourde. Trop… consciente.

Et là, entre deux pins…

Deux yeux. Jaunes. Fauves. Inhumains.

Ils ne bougeaient pas.

Puis… disparurent.

Darian referma la porte.

Son cœur tambourinait dans sa poitrine.

Il murmura :

— Quelque chose approche.

Et au fond de lui, il savait :

La vallée ne suffira plus à les protéger.

Pas cette fois.

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