Comme à mon accoutumé, j'me retrouvais à trainer dans les rues du quartier des incubes, et oui j'en suis un. Comment ? J'en sais foutrement rien, fin bon, d'après les dires des anciens, nous autres incubes naissons des désirs des femmes, et après cela nous vivons de leur essence vitale.

Et en cette nuit, le siège d'incubes allait donner aux nouveaux, moi y compris, le passe pour que nous montions dans le monde des humains et que nous nous nourrissions des femmes qu'on trouverait. Ça avait l'air d'être hyper chiant mais j'avais pas le droit de refuser, ma survie en dépendait.

Tout ce monologue m'avait fait même oublier la présence de mon ami qui s'acharnait à me parler alors que je ne l'écoutais pas.

- Fred ! Dis-je d'un ton calme

- Qu'y a-t-il ? répondit-il

- selon toi, à quoi pourrait bien ressembler le monde des humains ?

- D'après l'un de nos aînés c'est un endroit où il fait beau vivre, comparé à notre monde

-Ah !

Je me laissais alors replonger dans la mer de pensées qui envahissait mon être en espérant que Fred avait raison dans ses propos. On continuait de bavarder ainsi quand on se retrouva subitement dans une pièce mal éclairée, et soudain une voix se fit entendre dans la pénombre.

- Chers jeunes incubes, le moment est venu pour vous d'aller dans le monde des humains et vous nourrir. En cette nuit noire, moi Theinero, 148 ème chef de l'ordre des incubes, vous remet à vous, 150 nouveaux incubes, l'autorisation d'aller vous nourrir...

Et soudain chacun reçut un tatouage sur son bras droit. Après la cérémonie de remise des passes, on nous renvoya chez nous afin de nous préparer pour la traversée.

Ah, cette traversée a coûté cher à notre peuple, nombre d'entre nous a rendu l'âme. Pourquoi ? C'est parce que cette traversée va à l'encontre des règles établies par les dieux régnant sur les différents mondes; on aurait certainement voulu rester chez nous mais nous n'avions pas le choix, l'essence vitale des humains nous est nécessaire pour la survie. Mais une fois qu'on réussit la traversée, on reçoit un second tatouage dans le monde des humains qui nous permettra de circuler librement entre les mondes sans craindre l'ordre des punisseurs, fin, c'est ce que le chef Theinero nous a rapporté.

À la porte

Après de longs adieux avec nos proches, nous, les 150, nous retrouvâmes devant l'immense porte qui se trouvait à quelques kilomètres du quartier des incubes. La traversée pouvait enfin commencer.

Nous nous engageâmes alors vers le chemin de la restauration, le monde des humains. La traversée devait durer en tout un mois, d'après les dires du chef.

À peine on fût tous entré que la porte se referma derrière nous en nous laissant devant une situation stupéfiante. Devant nous avait lieu un affrontement entre les démons et les anges; en somme nous étions tombés sur un champ de bataille, non, disons un champ de massacre car la terre était jonchée des cadavres de plusieurs démons. Soudain, notre groupe fut pris par une frayeur sans précédent ; on se dispersa, certains faisaient demi-tour dans l'espoir que la porte s'ouvre, d'autres fuyaient vers les montagnes et d'autres encore restaient sur place, tellement la frayeur les avait paralysés. Moi bien entendu, je faisais parti du groupe qui partait vers les montagnes. J'avais perdu Fred de vue; fin bon, j'espérais juste pouvoir le retrouver plus tard. Le groupe punitif des anges se mit à nous poursuivre, c'était le chaos, nombre d'entre nous mourut.

Je comprenais alors pourquoi plusieurs mouraient lors des traversées. Sur 150 membres, c'est à peine si j'aurais pu dire que nous étions restés plus de 50. Une partie de nous réussit à s'enfuir loin du champ de bataille, moi y compris. nous nous réfugeâmes dans une grotte et nous installâmes. C'est ainsi que notre traversée fut interrompue par le groupe punitif...

- Père, que s'est-il passé ensuite ?

- Il est temps de dormir fils, la suite sera pour demain...

Nous étions restés confiner pendant plusieurs jours durant car aucun de nous ne voulait sortir vérifier si la situation s'était calmée. Bientôt, la faim nous rattrapa; et malheureusement pour nous, nous n'avions aucun moyen de nous nourrir. En vrai, la marque que nous avait donné le chef Theinero était beaucoup plus une malédiction qu'autre chose. Cette marque avait pour particularité d'accentuer notre faim, disons envie de nous nourrir, elle la centuplait carrément. Deux semaines de réclusion et toujours rien à se mettre sous la dent ; l'horrible sensation d'avoir comme un poignard planté en plein bide était insoutenable.

Et au bout d'un mois le pire arriva. Une partie de nous avait décidé de s'en prendre au reste du nombre, en vue de vérifier s'il était possible de se nourrir de l'essence d'un autre incube. Très vite ce fut le chaos, au départ j'étais très réticent à l'idée de me nourrir de mes congénères mais après un moment ce fut l'instinct de survie qui prit le dessus et au bout de quelques jours je m'étais retrouvé seul car tous les autres étaient morts.

- Qu'ai-je donc fait ? me disais-je en sanglots

J'avais plus aucune raison de vivre, fin si on pourrait décrire cela ainsi, j'étais assez détruit de l'intérieur bien que physiquement j'étais au meilleur de ma forme, j'm'étais jamais senti ainsi depuis mon apparition. Je décidai alors de quitter la grotte en vue de rejoindre soit le monde des humains, soit retourner chez moi, au près des miens. C'est ainsi que je me mis à rôder çà et là en quête de trouver une sortie.

chaque jour qui passait était pour moi un supplice encore pire que la mort, mais en aucun cas je ne voulais m'ôter la vie car ça aurait été comme cracher sur tous mes congénères qui avaient donné leurs vies pour me nourrir, fin même si je m'en foutais un peu, j'étais pas si attristé que ça, y avait que Fred que je voulais retrouver. Néanmoins, j'étais animé par une haine incommensurable envers l'ordre des punisseurs, je devais me venger d'eux, après avoir trouvé la sortie bien évidemment.

Plus je restais coincé plus je perdais la notion du temps ; l'endroit n'était pas vivable, c'était encore pire que le monde des incubes, petit à petit je me voyais perdre mes forces.

Et un jour, alors que j'étais sur le point de m'écrouler, j'aperçus alors une lumière au loin, je fus envahi d'une force fameuse qui me permit de me rendre à elle. C'était...

- ...la sortie ! Dis-je d'une petite voix.

Mon corps devenait de plus en plus lourd, je me trainais comme un animal à l'agonie. Plus je m'approchais d'elle, plus je sentais comme une déferlante de puissance envahir tout mon être. Et à mon arrivée, fin, lorsque je fus devant elle, avançant ma main, je me sentis raidir, et d'un coup, sans savoir comment, les ténèbres recouvrirent mes yeux et puis plus rien, c'était le vide complet...

Chez les humains

...en ouvrant les yeux, je me retrouvais posé sur un lit avec plein de bandages recouvrant mon corps; je ressentais de la douleur sur chaque parcelle de mon corps, je bouillonnais de l'intérieur. Je me levai alors pour inspecter la salle assez bizarre dans laquelle je me trouvais, et en passant devant un miroir, un détail assez particulier avait retenu mon attention. C'était effrayant d'autant plus qu'incroyable; je n'en revenais pas, c'était tellement fascinant qu'aucun mot que j'aurais pu utiliser n'aurait su décrire la situation... j'étais dans le corps d'un humain. Et oui, tout mon être puait l'humain. Comment ? Je ne le savais pas, disons plutôt que le chef Theinero ne nous en avait pas parler.

Toujours en pleine réflexion et la porte s'ouvrit devant moi, apparut alors une femelle humaine d'une grande beauté ; je n'aurais su la décrire, mais je pourrais résumer que rien qu'en la voyant je sentais comme un resserrement dans la poitrine tellement j'étais émerveillé par son paraître ; néanmoins, malgré sa beauté resplendissante, ses vêtements étaient plutôt en mauvais état.

- avez-vous bien dormi ? Demanda-t-elle d'une voix si douce que j'eus l'impression de quitter mon enveloppe charnelle pour des lieux lointains.

- oui ! répondis-je

C'était assez étrange, on parlait la même langue, fin, j'avais l'impression de connaître leur langue depuis toujours alors que je ne l'avais jamais entendue avant. J'étais stupéfait par ce qui se passait là ; mon corps, la langue et puis quoi d'autre encore ?

- avez-vous faim ? Enchaîna-t-elle

- faim ?

- oui...

... c'est vrai oui, j'étais dans le monde des humains pour me nourrir, n'empêche, je n'avais aucune envie soit-elle de prendre son âme.

- je suppose que oui. Dit-elle car je ne lui répondais pas

Elle sortit alors et referma la porte derrière elle; j'étais tellement absorbé par mes pensées que je n'avais aucune envie de la suivre. Peu de temps après elle revint avec une chose que je n'aurais su définir, elle était rouge avec une forme un peu étrange, elle me la donna alors...

- mangez. Dit-elle

- manger ? Qu'est-ce donc cette chose ? Dis-je un peu perplexe

- ne me dites pas que vous ne savez pas de quoi il s'agit ?

- qu'est-ce donc cette chose ? Repris-je

- une pomme, c'est mangeable

- ah oui ? Et c'est comment que je la mange? Elle n'a pas d'âme.

- que racontez-vous ?

Elle semblait un peu perdu par ce que je venais de dire. Peut-être que les humains ne se nourrissaient pas d'énergie vitale. Alors comment pouvaient-ils vivre ? Drôle de chose ces humains

- fin, faut croquer dedans pour vous nourrir

- ah d'accord...

Je rapprochais alors cette chose appelée pomme de ma bouche, et y planta les dents...survint alors une chose incroyable, je sentais mon corps se remplir d'une énergie fameuse dont j'ignorais l'origine. c'était tellement intense que je ne pus m'empêcher de crier...

- délicieux ! Laissais-je alors échapper dans un hurlement .

- ce fut ma première découverte du monde des humains.

- je veux connaître la suite père !

- repose toi fils, il se fait assez tard, la suite sera demain....