Sum Zero
Mauve's Falldown
[Les néons des bars du quartier encore allumés font briller la rue comme un sapin de noël. Mauve titube un peu, l’alcool encore chaud dans son sang, mais son sourire ne veut pas s’effacer. Ce soir, il a vingt ans. Alix, sa meilleure amie, l’a traîné de comptoir en comptoir jusqu’à ce que la nuit s’effondre autour d’eux.]
Alix
On a survécu à QUATRE bars d’affilée. On mérite une médaille.
Mauve Bexley
Correction…JE mérite une médaille. Toi t’as triché, t’as pas fini ton dernier verre.
Alix
Parce que quelqu’un devait s’assurer que t’arrives vivant dans ton quartier, duh.
[Mauve rit tout seul devant son écran. Ses doigts tapent plus lentement qu’à l’ordinaire, mais son cœur est léger. Ce genre de moments, loin de « chez lui », lui donne presque l’illusion d’une vie normale.]
Mauve Bexley
Tkt, je suis super sobre.
Mauve Bexley
Juré, je vois juste double mais je parie que c’est parce que j’ai pas mes lunettes.
Alix
Va dormir, birthday boy. Et bois beaucoup d’eau, sinon demain tu vas regretter d’être né.
[Mauve s’arrête au seuil de la grande maison familiale. Les murs noirs de la résidence Bexley se découpent dans la nuit comme une menace silencieuse. L’ivresse lui retombe un peu d’un coup. Il inspire, pousse la porte et se faufile discrètement dans sa chambre sans faire le moindre bruit. Il ne sait pas encore qu’une autre surprise l’attend ce soir..]
Blaire Bexley
T’es où Mauve ?
[Mauve fronce les sourcils et se demande ce que lui veut son grand frère à 3h du matin. Il prend le temps de prendre une douche avant de lui répondre.]
Mauve Bexley
Au bar avec Alix pourquoi ?
Blaire Bexley
Appelle moi, maintenant !
Mauve Bexley
Y a trop de bruit.
[Mauve pouvait sentir l’agacement de son frère depuis l’endroit où il se trouvait. Il imaginait facilement la veine pulsante sur sa tempe et ses dents serrées de rage. Il avait sale caractère et peu de patience.]
Blaire Bexley
Tu t’amuses bien ? Tant mieux. Profite. Parce qu’à ton retour, tu riras moins.
Mauve Bexley
…Quoi encore ?
Blaire Bexley
Père a arrangé ton mariage. Tu épouses Sylvester Abbot à la fin du mois. Je voulais te le dire en face mais t’as l’air trop occupé. Passe une bonne nuit petit frère.
[Le sang de Mauve se glace. Son esprit, encore embrumé par l’alcool, refuse de comprendre. Mais les mots étaient encore là, plus insupportables que n’importe quelle gueule de bois.]
Mauve Bexley
Quoi ?! T’te fous de moi ?! Tu crois que je vais me marier avec ce type ?! Tu te fous de ma gueule, Blaire ?!
Blaire Bexley
Tu n’as pas le choix, Mauve. Le clan a une dette énorme envers lui. Tu étais censé comprendre ton rôle, c’était décidé dès ta naissance.
Mauve Bexley
Mon rôle ?! Mon rôle n’est pas de servir de monnaie d’échange ! Je suis pas un putain d’objet !
[La colère monte, brûlante. Mauve serre le téléphone comme s’il allait le briser.]
Mauve Bexley
Et si je refuse ? Hein ? Qu’est-ce que vous ferez ? Me forcer à genoux ?
Blaire Bexley
… Père ne tolérera aucun refus. Tu ferais mieux de réfléchir avant de tout gâcher.
[Un rire amer s’échappe de Mauve. Son corps tremble de rage.]
Mauve Bexley
Réfléchir ? Blaire… je ne vais pas réfléchir. Je vais agir. Et tu peux prévenir qui tu veux, mais je ne me marierai jamais avec ce type. JAMAIS.
Blaire Bexley
Mauve…Comme je te l’ai dit, ça a été décidé le jour de ta naissance. Tu es un Omega et bien que tu sois mon petit frère, tu n’es destiné à ne rien devenir au sein du clan. C’est pour ton bien que Père a pris cette décision.
Blaire Bexley
Je dois te laisser. On en parlera mieux quand tu seras sobre.
Mauve Bexley
Vas en enfer putain !
[Mauve soupire, s’allonge sur son lit et hurle dans son oreiller puis trouve ça complètement ridicule et soupire à nouveau. Il devait régler ça au plus vite.]
Flee, little bee !
[Le matin est pâle, filtrant à peine à travers les rideaux de la chambre. Mauve n’a presque pas dormi. L’alcool d’hier soir n’est plus qu’un souvenir flou, remplacé par une colère immense et une tristesse dévorante. Il prend son téléphone et ouvre une nouvelle conversation avec son oncle Enzo, la seule personne dans ce clan de connards qui prendrait toujours son parti.]
Mauve Bexley
Enzo, faut que je te parle c’est urgent.
Enzo Bexley
Qu’est-ce qui se passe gamin ?
[Mauve hésite un instant, puis tape rapidement, comme si chaque mot pouvait être intercepté.]
Mauve Bexley
Père veut me marier avec…Sylvester Abbot. Ce putain de politicien qui fait la une des journaux. Il est presque aussi vieux que grand père ! C’est un vrai cauchemar Enzo…
Enzo Bexley
Je vois…Décidément Oswald est vraiment de pire en pire avec toi…
Enzo Bexley
Écoutes gamin, je peux faire quelque chose pour toi. Mais ça ne sera vraiment pas facile.
Mauve Bexley
Je suis prêt à tout. J’en ai rien à foutre des risques. Je.ne.veux.pas.épouser ce vieux bâtard.
Enzo Bexley
´Kay. C’est compris. J’ai un truc pour toi. Mais vas falloir qu’on te fasse disparaître discrètement sans qu’on ne puisse remonter jusqu’à moi et à partir de là, tu devras passer le reste de ta vie à faire tes preuves. T’auras pas droit à l’erreur.
Enzo Bexley
Des saloperies, t’en verras. Tu vas en baver mon petit. En plus, t’es un Omega. Ce sera encore plus dur pour toi.
Mauve Bexley
Je suis prêt mec. Comme je te l’ai dit, j’en ai à rien foutre des risques…
[Un frisson d’excitation mêlé de peur traverse Mauve. Il sait que sa vie va basculer, mais pour la première fois, c’est lui qui tient enfin les rênes de son existence.]
Enzo Bexley
Compris. Cet après-midi, tu assistes à la réunion avec ton père. Tu fais semblant d’approuver sa décision. Pas de colère, pas de rébellion.
Enzo Bexley
Ensuite, tu prétends aller quelque part avec ta pote alcoolique là. Et surtout n’éveille aucun soupçon.
Mauve Bexley
Elle s’appelle Alix, ma pote.
Mauve Bexley
Tch. Et après ?
Enzo Bexley
Après…tu rejoins Jul, Asper et Darren. Ce sont mes hommes de confiance, ils te diront quoi faire. On se reverra pas avant un bon bout de temps.
Mauve Bexley
C’est compris. Je te remercie pour tout.
Enzo Bexley
C’est normal gamin.
Enzo Bexley
Et souviens-toi… personne ne doit savoir ce que tu prépares.
[Mauve verrouille son téléphone et quitte son lit. La route est tracée, mais la traversée sera périlleuse. Son destin ne tient plus qu’à un fil et il marche dessus tel un funambule, au dessus d’un vide abyssale]
[Les heures passent, le soleil descend lentement, étirant les ombres dans sa chambre. Mauve relit le dernier message de son oncle Enzo avant de quitter la pièce. Son cœur bat vite, mais il respire calmement : tout devait être parfait.]
[La salle de réunion du clan est immense, silencieuse, seulement perturbée par le tic-tac régulier de l’horloge murale. Mauve entre, visage impassible, les mains légèrement moites. Son père, imposant et froid, le fixe dès qu’il franchit le seuil. Aujourd’hui, il devra faire semblant d’accepter le mariage arrangé, mais à l’intérieur, il voulait tous les buter.]
[Il s’assoit, hoche la tête aux paroles de son père, sourit à peine quand Blaire lance un commentaire vantant la “brillante opportunité” qui s’offre à lui. Chaque mot est un coup de marteau sur son coeur et sa raison, mais il garde le masque, gardant sous contrôle chaque mouvement, chaque expression.]
[Une fois la réunion terminée, il remercie poliment son père et s’incline légèrement avant de quitter la pièce, le visage neutre mais le cœur battant à toute allure. Personne ne doit soupçonner ce qu’il s’apprête à faire.]
[De retour dans sa chambre, il enfile un manteau et attrape son téléphone.]
[Il fait désormais nuit. Il quitte la maison prétextant une soirée chez son amie Alix pour fêter « la grande nouvelle ». Il souffle de soulagement en se glissant dans les rues comme un fantôme. Surtout rester calme.]
Mauve Bexley
Hey Alix. Je vais me barrer pour un temps ok ? Si Blaire demande tu diras que je suis arrivé chez toi ce soir et qu’ensuite tu sais pas où je suis allé.
Alix
Quoi ? Qu’est ce qui se passe ?
Mauve Bexley
Je ne peux pas te donner tout les détails maintenant.
Mauve Bexley
Mais je te promets qu’on se reverra. Je t’aime énormément. Prends soin de toi.
Alix
D’accord…Prends soin de toi aussi Mauve et surtout fais attention.
[Mauve marche encore jusqu’à atteindre un parc abandonné aux abords de la ville. Il fait froid et en plus y a personne. Il pose ses fesses sur un vieux banc et texte son oncle.]
Mauve Bexley
J’y suis. Y a personne.
Enzo Bexley
Bouges pas. Attends.
[Dix minutes plus tard, trois personnes apparaissent de nulle part face à lui.]
Mauve Bexley
Putain ils sont là et ils m’ont foutu la trouille !
Enzo Bexley
Restes tranquille et écoutes-les morveux.
[Ils se présentèrent comme Jul, Asper et Darren. Le premier semblait avoir son âge, cheveux blonds rasés, air dur et sérieux. La seconde était une femme proche de la trentaine, belle, impétueuse et souriante. Et le dernier ressemblait à un gangster cliché, mâchoire carrée, l’allure sévère. Ils avaient pas l’air de déconner.]
A crown of thornes
[Mauve a été bête de penser que ce serait aussi facile.]
[Ce soir là Jul, Asper et Darren l’ont dépouillé de tout ce qu’il avait et abandonné aux frontières de la ville dans un quartier pourri qu’on surnommait « The bottom ». Il abritait en son sein le marché noir le plus prospère du pays.]
[ Il y avait passé deux mois.]
[Deux mois. Deux mois entiers passés dans les ruelles et les coins sombres du marché noir, livré à lui-même.]
[Mauve n’avait rien d’autre qu’un simple téléphone prépayé, limité aux numéros de Jul, Asper et Darren. Chaque soir, il devait leur prouver qu’il avait survécu en donnant signe de vie.]
[Ici, Une erreur, un faux pas, et il disparaîtra sans que personne ne sache jamais pourquoi.]
[Les deux premières semaines, il a appris à courir. Échapper aux mains trop insistantes, aux types qui flairaient ses phéromones quand ses hormones débordaient. Sans ses suppresseurs, chaque chaleur était un supplice : son corps le trahissait, brûlant, tremblant, cherchant un soulagement qu’il refusait de donner à n’importe qui. Alors il s’enfermait dans des chambres d’hôtel miteuses, sanglant ses draps, griffant sa peau, persuadé qu’il ne tiendrait pas. Mais il tenait. À chaque fois.]
[La troisième semaine, il a appris à se battre. Pas à la manière élégante de son frère Blaire, formé pour impressionner. Non. Ici, les coups étaient sales, rapides, brutaux. Un couteau planté dans l’avant-bras. Un visage écrasé contre un mur. Un genou explosé sur le béton. Mauve a encaissé, beaucoup trop souvent. Ses côtes ont cédé une fois, mais il s’est relevé. Parce que s’il ne se relevait pas, c’était la mort.]
[La quatrième semaine, il a appris à négocier. À mentir. À sourire à ceux qu’il méprisait. À vendre une information à l’un et à en transformer une autre pour l’offrir à quelqu’un d’autre. Le goût de la manipulation est devenu familier, presque addictif. Chaque mensonge bien placé, chaque secret arraché au bon moment était une victoire sur ce monde qui voulait l’avaler.]
[Et enfin, il a compris que survivre, ce n’était pas assez. Que pour exister ici, il devait imposer son nom. Alors, il a commencé à provoquer des alliances, à prendre des risques plus grands, à se faire connaître. Pas encore comme un gros poisson, mais plus du tout comme une proie. Le regard des autres changeait lentement. Moins de mépris. Plus de méfiance.]
Mauve Bexley
Je suis vivant aujourd’hui encore bande de connards.
Darren
C’est une bonne nouvelle.
Asper
Notre petit bébé semble nous en vouloir~
Mauve Bexley
Évidemment que je vous en veux. Vous m’avez laissé pourrir en enfer pendant deux mois entiers !
Asper
Il le fallait bien mon chéri. Il fallait qu’on te baptise~
Jul
Ça va te faire pousser des poils sur les couilles tu verras.
Mauve Bexley
Je suis sur un gros coup les gars.
Asper
Ah oui ? Dis nous tout.
Mauve Bexley
J’ai entendu dire que l’héritier des Torres serait dans le secteur. Vous me laisserez enfin quitter cet enfer si je réussissais à vous avoir de quoi affaiblir leur petite famille ?
Jul
Mmmhhh ouais. Si t’y arrives, ça sera tellement tripant…
Darren
Les Torres sont une famille assez discrète et rivale à ton propre clan. Leur héritier est connu comme quelqu’un d’assez coriace. T’es sûr de ton coup ?
Asper
Les gars, si notre petit protégé pense qu’il peut y arriver alors il peut y arriver. Moi, je lui fais confiance.
Darren
Si tu le dis Asper….
Jul
Crèves pas Mauve, ce serait du gâchis.
Mauve Bexley
Je n’ai pas l’intention de mourir ici.
[Le lendemain soir, dans le brouhaha d’un bar enfumé du marché noir, Mauve observe de loin les traits de Desmond Torres. Il est aussi impressionnant que les rumeurs le disent. Sourire confiant, carrure incroyable, regard ambré chargé d’animosité et de défi.]
Mauve Bexley
C’est bien le type ?
Jul
C’est bien lui ouais ! Oh putain tu déconnais pas.
Darren
Sois prudent surtout.
Mauve Bexley
T’inquiètes.
[Habilement, il glisse derrière le bar. Il fait semblant d’être employé. Il enfile un torchon sur son épaule, sert maladroitement un verre de whisky à un client trop saoul pour masquer l’imposture. Et quand Desmond commande à son tour, Mauve se penche et joue de son sourire le plus insolent.]
Mauve (bas, comme une provocation) : Première fois que je vous vois ici. D’habitude, les gros bonnets évitent ce trou à rats.
[Desmond lève les yeux. Un regard noir, lourd, qui jauge, qui déshabille sans rien dire. Puis un sourire lent, carnassier.]
Desmond : Et d’habitude, les gamins n’osent pas me parler comme ça.
[Mauve sent une chaleur désagréable lui grimper le long de la nuque, mais il tient son rôle. Il sait qu’il l’a accroché. Il glisse le verre vers lui, leurs doigts s’effleurent. La tension est immédiate, presque électrique.]
Mauve : Alors considérez-moi comme une exception.
[Autour d’eux, le bar continue de vivre, mais l’air semble s’être épaissi de leur côté. Desmond boit une gorgée, sans le quitter des yeux. Et Mauve sait qu’il est entré dans un jeu dangereux. Il croit fermement que c’est lui qui mène la danse. Mais déjà, Desmond enregistre chaque petit détail le concernant dans un coin de son esprit. À l’odeur sucré q’il dégage, il conclut immédiatement que Mauve est un Omega.]
[Leur jeu commence. Pas de cartes, pas de règles explicites. Juste un échange de regards, de phrases glissées comme des lames de rasoir. Mauve sourit, armure résistante. Desmond s’amuse à frôler ses limites, à tester jusqu’où ce gosse insolent peut aller.]
[Chaque verre partagé devient une mise. Chaque silence devient un piège. Et autour d’eux, le bar s’efface. Ce n’est plus qu’un ring invisible, une arène où le premier qui baisse les yeux signe sa propre condamnation.]
[Desmond s’approche, trop près. Sa main effleure volontairement le poignet de Mauve. L’odeur est là, sucrée, trahissant ce qu’il est. Un Omega. Desmond le sait. Il pourrait briser cette mascarade en une phrase. Mais il préfère jouer. Voir jusqu’où l’autre est prêt à aller pour le manipuler.]
Desmond (voix basse, presque un murmure) : Tu joues à un jeu qui te dépasse.
Mauve (souriant, insolent) : Peut-être… mais je gagne toujours.
[Et la partie dérape. Les regards deviennent morsures, les mots deviennent caresses, menaces et promesses entremêlées. C’est une séduction armée, une danse sur le fil du rasoir où chacun tente de prendre le dessus. Le premier qui cède n’est pas seulement celui qui “perd” : c’est celui qui s’expose à la mort.]
[Finalement, ça éclate hors du bar. Une chambre louée à l’arrache, des vêtements jetés au sol comme des preuves à brûler. Mauve pensait garder le contrôle, mais ses mains tremblent. Ses chaleurs, sans supresseurs, viennent compliquer l’équation. Son corps le trahit. Torres le sent. Il en profite, mord dans sa fierté comme on mord dans une proie.]
[Et malgré tout, c’est Torres qui flanche le premier. Pas parce qu’il se laisse avoir, mais parce que ce gamin l’a pris par surprise. Parce qu’il ose, parce qu’il rend coup pour coup. La nuit bascule, Mauve cède sa virginité dans cette bataille charnelle où personne n’est vraiment vainqueur. Mais lui, dans un dernier éclat de lucidité, garde la tête froide assez longtemps pour fouiller les affaires de Desmond.]
[Une clé USB. Dissimulée dans un piercing, comble de la bizarrerie. Dedans, les fichiers sur des transactions massives avec les narcos. Mauve s’en empare. Et au matin, il n’est plus seulement l’Omega naïf rejeté par sa famille qui pensait pouvoir conquérir le monde entier si on lui donnait un peu de liberté. Il est devenu un homme bien différent. Un homme qu’il n’aurait jamais imaginé pouvoir être.]
Décidément, il n’oubliera jamais l’année de ses 20 ans.
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