Sans Alpha, Sans Maître (Brûle-moi, Brise-moi)
Le Dossier
Appartement d’Elijah – matin. L’espace est sobre. Tout est à sa place. Le cuir noir du fauteuil, la lumière grise du matin, l’odeur persistante de cendre et d’ambre.
Le silence est une chose rare. Et précieuse.
Elijah laissait couler les minutes comme d’autres la pluie sur leur peau. Pas de portable, pas de mission, pas de présence. Juste la vapeur d’un café noir, posé sur la table basse. Et la brûlure familière dans ses muscles au réveil.
Un signal sur la porte. Trois coups, secs.
Elijah
(calme) :
— Entre.
La porte s’ouvre. Un homme entre. Mi-quarantaine, costume bien taillé, dossier en main. C’est Jules, son associé.
Jules
— Je sais que t’aimes pas qu’on débarque sans prévenir.
Mais ce dossier-là, c’est pas un dossier normal.
Elijah
(hausse un sourcil, sans bouger) :
C’est jamais normal, sinon tu m’aurais envoyé un mail.
Jules
(s’approche, pose le dossier sur la table) :
— Celui-là… il a spécifiquement demandé toi. Ton nom. Ton profil. Ton passé.
Elijah
(silence. Il prend le dossier. Lis la couverture.)
— “Moore Enterprises.”
(Pause)
— Le PDG ? Daelan Moore ?
Jules
— Lui-même. Et devine quoi ? Il paie triple le tarif habituel. Pour toi uniquement. Refusé tous les autres. Même mon offre perso.
Elijah
(fronce les sourcils) :
— On ne choisit pas un garde du corps comme on choisit une bouteille de vin.
(Pause. Il ouvre le dossier. Photos. Informations. Adresses. Un regard acéré sur lui dans une salle de conférence. Un homme qui ne laisse rien transparaître.)
— Il sait ?
Jules
— Qu’t’es un Alpha Ultra ? Peut-être. Il semble tout savoir. Et il est du genre à rien laisser au hasard. Ce mec a flingué cinq concurrents majeurs en deux ans, racheté trois banques. Et personne ne connaît sa vraie nature.
Elijah
(referme le dossier) :
— C’est un Oméga .
Jules
(sursaut) :
— Comment tu sais ça ?
Elijah
(sec, tranchant) :
— Ça se sent.
Jules
(tendu) :
— Et tu veux toujours le prendre ?
Elijah
Elijah (long silence. Puis il se lève, attrape sa veste, son badge, et ses gants.)
— Je veux voir ses yeux.
Elijah
(regarde droit devant lui, voix basse) :
— Tu peux mentir avec des mots. Pas avec ce regard-là. Si c’est lui qui m’a demandé… alors il sait déjà ce que je suis.
Et je veux savoir ce qu’il attend de moi.
Il passe la porte sans un bruit. Jules reste là, un peu tendu, puis murmure dans le vide.
Jules
(bas) :
— Fais gaffe, Eli. Ce mec-là… il te demande pas. Il te cible.
Moore Enterprises – 08h47
Hall d’entrée. Verre poli, marbre blanc. Silences feutrés, mouvements calibrés. L’air est froid, chargé de tension invisible. Elijah entre. Droit, imposant. Cuir noir, gants ajustés, regard fixe.
(Elijah, voix intérieure)
Ils appellent ça du pouvoir.
Ces couloirs trop propres, ces visages trop lisses.
Mais moi, je sens autre chose.
L’ombre d’un instinct. Un parfum contenu. Encre. Bois sec. Thé noir.
Il est ici.
L’ascenseur privé s’ouvre sans qu’il ait besoin de se présenter. Il entre. Ne bouge pas. Seule sa respiration ancre le silence. Les portes se referment.
Etage supérieur. Secrétaire en tailleur strict. Elle se lève, interrompt d’un geste hésitant.
Secrétaire :
— Monsieur Moore est encore en réunion, je peux—
Elijah
(voix posée, tranchante) :
— Il m’attend.
Elle recule légèrement. Pas d’argument. Il passe.
Le couloir est silencieux, moquetté. L’atmosphère change à chaque pas. Plus dense. Plus tendue. La porte du bureau est close. Elijah l’ouvre. Sans frapper.
À l’intérieur, tout est contraste. Verrière immense, mobilier sombre. Et lui. Seul, debout, face à la fenêtre. Dos droit, mains dans les poches. Daelan Moore.
Daelan
(sans se retourner) :
— Vous êtes ponctuel. Je déteste attendre.
Elijah ferme la porte derrière lui. S’avance d’un pas. S’arrête.
Elijah
— Et moi je déteste perdre mon temps.
Daelan se retourne lentement. Leurs regards se croisent pour la première fois. Aucun ne flanche.
Daelan
(ton neutre, presque poli) :
— Jules m’a dit que vous ne parliez pas beaucoup.
Elijah
(fixe) :
— Seulement quand c’est utile.
Daelan
— Bien. J’apprécie l’efficacité.
(Pause)
Je vous ai fait venir parce que je ne fais pas confiance aux apparences.
Elijah
— Et pourtant, c’est exactement ce que vous projetez.
Un silence. Tendu. Chargé. Daelan s’approche du bureau, pose une main sur le bois sombre.
Daelan
— D’après ce que j’ai lu, vous n’êtes pas un homme qu’on engage à la légère.
Elijah
— Et vous n’êtes pas un homme qui demande.
Daelan
(léger sourire, sans chaleur) :
— Je ne demande pas. Je sélectionne.
Elijah
— On ne sélectionne pas un garde du corps comme on choisit une arme.
(Pause)
Vous savez ce que je suis.
Daelan
(regard fixe, légèrement narquois) :
— Et vous savez ce que je ne montre pas.
Le silence s’installe à nouveau. Les deux hommes s’observent. C’est un duel sans armes, mais pas sans impact.
Elijah
(ton neutre) :
— Pourquoi moi ?
Daelan
(calme) :
— Parce que vous êtes dangereux. Et que je le suis aussi.
Je ne veux pas quelqu’un qui m’obéisse. Je veux quelqu’un qui tienne.
Elijah
— Tienne quoi, exactement ?
Daelan
(avance d’un pas. Voix basse) :
— Le regard. La pression. Le lien.
Un frémissement passe. Infime. Mais réel.
Elijah
(sec) :
— Je ne suis pas là pour jouer.
Daelan
(lui fait face, imperturbable) :
— Moi non plus. Je suis là pour survivre.
Les deux hommes sont à présent à quelques centimètres. Cuir contre soie. Odeur de feu contre parfum froid.
Elijah
(baisse légèrement la voix) :
— Vous êtes un Oméga.
Daelan ne cille pas. Son regard devient plus tranchant.
Daelan
— Et vous êtes un Alpha Ultra.
(Pause)
Je vous ai choisi pour ce que vous êtes. Pas malgré.
Elijah
— C’est un terrain dangereux.
Daelan
— C’est exactement là que je vis.
Un silence. Plus long. Quelque chose se noue, sans qu’aucun ne l’avoue.
Daelan
(se détourne, revient derrière son bureau) :
— Vos quartiers sont attenants à mon étage. Entrée privée. Je vous veux à moins de deux mètres de moi en permanence, sauf dans la salle de conférence Sud.
Daelan
— C’est non négociable.
Elijah
— Je n’obéis pas aux ordres sans raison.
Daelan
(le fixe) :
— Et pourtant, vous êtes déjà là.
Elijah ne répond pas. Le regard qu’il lui lance est lourd, profond. Puis il tourne légèrement la tête, évalue le bureau, les angles, les accès.
Daelan
(plus bas) :
— Je sais ce que vous ressentez.
Cet instinct. Ce malaise.
Il ne disparaîtra pas.
Elijah
— Je ne compte pas sur le confort. Je suis là pour contenir le pire.
Daelan
(fixe) :
— Alors restez. Et regardez-moi tomber.
Appartement d’Elijah – 12h14
L’intérieur est le même. Immuable. Sobre. Chaque chose à sa place. Mais quelque chose, dans l’air, a changé. Plus tendu. Plus froid. Comme si Elijah lui-même était entré différemment.
Il n’avait pas levé la voix.
Il n’avait pas menti non plus.
Et pourtant, quelque chose sonnait comme une promesse.
Elijah ferme la porte derrière lui. Dépose ses gants sur le meuble d’entrée. Sa veste sur le dossier du fauteuil noir. Le silence l’accueille comme une vieille habitude. Il le laisse s’installer.
Il traverse la pièce, s’arrête devant la penderie. Tire un sac de sport, noir, compact. L’ouvre. Range sans réfléchir : chemises foncées, gants de rechange, nécessaire de toilette, chargeur, arme de poing.
Il s’accroupit devant un coffre dissimulé derrière une lame de bois. Code rapide. Clic. À l’intérieur, deux carnets, un badge obsolète de pompier, une photo ancienne qu’il ne regarde pas.
Il prend le nécessaire. Referme. Se redresse.
Ce n’est pas une mission.
Pas encore.
C’est une anticipation. Un calcul. Un homme qui veut être protégé… ou surveillé.
Et moi, je suis là pour veiller. Pas pour comprendre.
Il passe dans la salle de bain. Lave son visage. L’eau froide ne change rien au pli de sa mâchoire.
Un bruit dans le silence : son portable, laissé sur la table. Notification allumée. Il s’essuie les mains lentement, va le chercher. Un message de Jules.]
Jules : « Il a déjà fait changer le code de l’ascenseur. Tu es officiellement affecté. T’as accepté ou t’as juste pas dit non ? »
Elijah fixe l’écran quelques secondes. Éteint le téléphone.
Il attache les sangles du sac. Jette un dernier regard à l’appartement.]
Il attache les sangles du sac. Jette un dernier regard à l’appartement.]
Il sort. Ferme la porte sans bruit. Pas de regard en arrière.
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