New York, dix ans plus tôt.
Laïla Strong s’arrêta devant l’imposante porte en bois, son souffle troublé par la chaleur suffocante de la ville. L’air était lourd, poisseux, bien loin de la fraîcheur brumeuse de Seattle qu’elle venait de quitter. Face à elle, la maison des Adams se dressait, noire et silencieuse, comme un mausolée veillant sur ses secrets. Quelque chose dans son architecture imposante lui donnait l’impression d’être observée, prise au piège d’une attente silencieuse et pesante.
Un instant, elle hésita. Puis, d’un geste mesuré, elle frappa.
La porte s’ouvrit presque aussitôt, révélant Harry Adams. Élégant, impeccable, son sourire se voulait accueillant, mais son regard… Il y avait là une intensité qu’elle ne parvenait pas à cerner, une ombre fugace qui passa trop vite pour être nommée.
— Laïla ! Bienvenue. Entre, tu es ici chez toi.
Elle esquissa un sourire timide, un frisson lui glissant sur la nuque alors qu’elle franchissait le seuil. Harry avait été une figure marquante de son adolescence, une admiration secrète qui s’était muée en un amour silencieux, interdit. Une illusion qu’elle avait tenté d’oublier… en vain.
Dès qu’elle pénétra dans le hall, une étrange impression la saisit. L’air y était plus dense, chargé d’une froideur inexplicable. L’espace, pourtant vaste, paraissait oppressant. Une sensation d’être observée la frappa soudain, comme un souffle glacé sur sa peau.
Lentement, elle tourna la tête.
Dans l’ombre de l’escalier, un petit garçon se tenait immobile. Son regard était d’un bleu abyssal, trop profond, trop fixe. Il ne cillait pas, la tête légèrement inclinée, l’examinant comme s’il cherchait à percer ses moindres secrets.
Le temps sembla se suspendre.
— Williams, dis bonjour à Laïla.
La voix d’Harry brisa le silence, mais son ton était étrangement tranchant, presque mécanique.
L’enfant ne bougea pas. Son regard resta ancré au sien, une étreinte glacée, troublante. Puis, sans un mot, il se détourna et s’enfonça dans l’obscurité de l’escalier, glissant comme une ombre.
Un courant d’air froid sembla s’attarder derrière lui.
— Il est un peu timide, lâcha Harry avec un sourire qui n’atteignit pas ses yeux. Mais tu t’y habitueras.
Laïla hocha la tête, mal à l’aise. Ce garçon… Il ne l’effrayait pas exactement. Pas comme une menace tangible. C’était autre chose, une fascination obscure, un sentiment qu’elle n’arrivait ni à expliquer, ni à chasser.
Et plus les jours passèrent, plus cette distance entre eux s’accentua, comme une fissure grandissante dans un miroir.
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Le dernier jour.
Laïla se tenait devant le taxi, la main serrée sur la poignée de sa valise. Une part d’elle était soulagée de quitter cette maison, son atmosphère pesante, son silence trop chargé. Pourtant, une autre restait insatisfaite. Williams lui échappait. Elle n’avait jamais réussi à briser cette barrière invisible, à comprendre l’étrange froideur de son regard.
Alors qu’elle montait dans la voiture, une impulsion la poussa à lever les yeux une dernière fois vers la maison.
Là, derrière la fenêtre du deuxième étage, une silhouette se détachait dans l’ombre. Williams.
Il l’observait.
Ses yeux bleus brillaient d’une lueur indéchiffrable. Non pas celle d’un enfant timide. Non. C’était autre chose. Une certitude glaciale, une promesse silencieuse. Comme s’il savait déjà.
Un frisson coula dans le dos de Laïla.
Elle détourna le regard, serra les dents.
Je ne le reverrai jamais.
Elle se trompait.
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