Dans la cité royale d’Aconit, capitale prospère et scintillante d’un royaume miné par les tensions internes, les cloches résonnaient doucement tandis que les ruelles du marché s’animaient au lever du jour. Une jeune fille, au regard calme et à la présence discrète, avançait entre les étals. Sa silhouette se fondait dans la foule, mais son aura mystérieuse n’échappait pas aux plus observateurs. Elle choisissait quelques vivres, marchant d’un pas tranquille, comme si elle ne portait aucun poids — ni sur les épaules, ni dans l’âme.
Pendant ce temps, dans une artère principale de la ville, un cortège d’apparat fendait la foule. Les gardes royaux ouvraient la marche avec solennité, accompagnant une silhouette noble, fière, revêtue d’un manteau orné de broderies d’or et d’un voile léger masquant partiellement son visage. C’était la princesse Keli, en route vers Coram, une bourgade aride du sud, secouée ces dernières semaines par d’étranges disparitions et un affaiblissement dramatique de sa population. Avec elle, des vivres et des médicaments — maigre espoir pour des âmes désespérées.
Keli croisa brièvement le regard de la jeune fille dans la foule. Une seconde d’échange muet, une intuition partagée, puis chacune poursuivit sa route.
Une fois arrivée à Coram, la princesse descendit de sa monture et observa l’état du village : silence pesant, regards fuyants, misère rampante. Elle aperçut un vieil homme marchant seul, dos courbé, appuyé sur une canne.
— Princesse : Excusez-moi.
L’homme s’immobilisa, méfiant. La voix de Keli resta douce et polie.
— Princesse : Excusez-nous, pourriez-vous nous indiquer où trouver le chef de ce village ?
Le vieillard la fixa avec amertume, avant de répondre sèchement :
— Désolé, nous ne parlons pas aux inconnus.
Et il tourna les talons, s’enfonçant dans la poussière des ruelles.
— Chevalier : Cet homme est vraiment charmant.
— Keli : Il ne faut pas lui en vouloir, ils traversent une période difficile en ce moment.
Ils n’eurent pas le temps d’aller plus loin. Une petite voix les interrompit.
— Petite fille : Excusez-moi, êtes-vous la princesse Keli ?
Keli se retourna, découvrant une fillette aux yeux clairs et au sourire sincère. Elle se pencha légèrement.
— Keli : Oui, c’est bien moi. À qui ai-je l’honneur ?
— Petite fille : Je m’appelle Mily. Veuillez excuser mon grand-père, il est un peu grognon ce matin.
— Keli : Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas offensée.
— Mily : J’ai cru comprendre que vous cherchez le chef du village.
— Keli : Oui, c’est exact.
— Mily : Je vous conseille de vous rendre dans cette maison là-bas, c’est là qu’il vit.
Elle pointa du doigt une demeure en pierre, modeste mais bien entretenue.
— Keli : Je vous remercie.
— Mily : Je vous en prie.
La fillette s’éloigna en trottinant. Keli s’avança vers la maison, suivie de ses gardes. Lorsqu’on ouvrit la porte, le même vieil homme que tout à l’heure se tenait là, stupéfait. Il les reconnut, baissa légèrement la tête.
— Keli : Bonjour, veuillez nous excuser pour ce dérangement. Si possible, j’aimerais m’entretenir avec vous.
L’homme, cette fois, ne ferma pas la porte. Il écouta avec attention la raison de leur venue. Après un moment de silence, il répondit simplement :
— Venez avec moi.
Ils marchèrent à travers le village jusqu’à un grand hangar. À l’intérieur, des dizaines de corps amaigris, malades, blessés ou à l’agonie. Des femmes, des enfants… Keli sentit son cœur se serrer.
— Keli : La première division, vous vous occuperez des malades. La deuxième division, vous vous chargerez de distribuer des vivres et des couvertures. Exécution.
— Les chevaliers : À vos ordres, princesse.
Les chevaliers s’activèrent sans attendre. La solidarité se mit à naître, timide mais réelle, entre soldats et villageois valides.
Soudain, Mily revint auprès de la princesse. Dans ses mains, un bracelet de fleurs sauvages.
Elle le tendit avec un sourire :
— Mily : Tenez, c’est pour vous.
Keli, touchée par ce geste simple mais chargé de sens, enfila le bracelet et la serra dans ses bras. Un instant de chaleur, fragile… qui fut brutalement interrompu.
Un chevalier surgit, l’expression figée par la panique.
— Chevalier : Princesse Keli ! Les semi-dragons s’approchent du village !
La terre se mit à trembler. Les cris éclatèrent.
— Keli : Rassemblez les chevaliers ! Érigez une barrière et repoussez l’ennemi !
Des larmes aux yeux, elle tenta de rassurer un jeune garçon terrorisé.
— Keli : Je te le promets, rien ne t’arrivera tant que je suis là.
Mais la promesse ne suffira pas. Lorsque Keli revint à l’abri pour vérifier la sécurité des civils, l’horreur la frappa de plein fouet : tous étaient morts. Défigurés. Massacrés.
Parmi eux, Mily.
Keli s’effondra, tenant le petit corps sans vie dans ses bras.
— Marcus : Princesse Keli, nous devons partir.
— Keli : Ce petit ne méritait pas de mourir… Elle était si gentille et accueillante, alors pourquoi… pourquoi a-t-elle dû mourir ?
Marcus ne répondit rien. Une boule de feu traversa soudain les airs, forçant les soldats à fuir avec la princesse. Le corps de Mily s’embrasa. Keli n’eut pas la force de pleurer.
Dehors, la princesse donna l’ordre :
— Keli : Repli général ! Battez en retraite !
Ils montèrent à cheval, mais les semi-dragons fondirent sur eux avec une rage inhumaine. La moitié des chevaliers furent tués dans une attaque fulgurante.
La terre s’ouvrit et en engloutit certains. Grâce à Marcus, Keli parvint à survivre.
Lorsqu’elle reprit conscience, elle était seule. Son cheval disparu. Elle se traîna jusqu’à une grotte. Là, elle se laissa tomber contre la roche, bouleversée.
— Keli : Ce n’est pas possible… Ils ont tous été tués… Une fois de plus, les semi-dragons ont tout détruit.
Mais le répit fut de courte durée.
Une embuscade. Des silhouettes reptiliennes approchaient, harnachées d’écailles, bavant de haine.
— Keli : Oh non… une embuscade.
Elle se figea. Aucun plan ne pouvait la tirer d’affaire. Fuir ne servirait à rien. Se battre… serait suicidaire.
Puis soudain, en un souffle invisible, cinq têtes tombèrent. Tranchées net.
Keli, stupéfaite, regarda autour d’elle.
Une silhouette chuta du ciel. Une enfant. Petite, vive, dangereuse. Elle abattit son poing sur l’un des semi-dragons, le pulvérisant comme une poupée de pierre.
— Keli : C’était de la magie !? Tu es une magicienne draconique !?
La jeune fille répondit calmement :
— ??? Il serait préférable pour vous de quitter cet endroit. Il n’est pas très sûr.
— ??? Prenez la direction de gauche, vous y trouverez des gardes qui vous recherchent.
Et elle disparut. Dans l’air.
Keli, abasourdie, suivit ses instructions. Et à la sortie de la forêt, elle vit les armures familières des gardes royaux, menés par la capitaine Gwen.
— Gwen : Princesse Keli, comment allez-vous ?
— Keli : Je vais bien… heureusement, grâce à mes vaillants chevaliers.
— Gwen : Montez, vous me raconterez tout au palais.
Deux jours plus tard, dans les jardins du palais, Keli, assise parmi les fleurs, fixait le vide.
— Gwen : Vous semblez bien préoccupée, princesse Keli. Est-ce que quelque chose vous tracasse ?
— Keli : Je vous ai déjà dit que nous n’avons pas besoin de formalités entre nous. Mais vous avez, une fois de plus, raison.
— Gwen : Voulez-vous m’en parler ?
— Keli : Oui… mais pas ici. Allons plutôt faire un tour.
Dans une calèche tirée par deux chevaux noirs, la princesse raconta tout : Coram, Mily, le massacre, l’enfant draconique…
— Gwen : Votre récit est particulièrement étrange. Et cette petite dont vous parlez l’est encore plus…
— Keli : En effet, j’aurais aimé en parler mais…
La calèche s’arrêta brutalement.
— Gwen : Que se passe-t-il ?
— Charretier : Capitaine, il y a deux hommes qui se disputent sur la route.
Keli descendit, son regard déjà prêt à affronter un nouveau tumulte.
Et elle n’avait encore aucune idée de ce qu’elle allait découvrir.
L’un accusait l’autre de vol, tandis que l’autre niait farouchement. Le ton montait, les passants s'arrêtaient, formant un cercle de curiosité, de méfiance ou de simple ennui. Keli, quant à elle, était ailleurs. Elle ne regardait pas l'altercation — ou du moins pas directement.
Son regard venait de croiser une silhouette fuyante, emmitouflée sous une capuche trop large pour son petit gabarit. Une démarche vive, presque féline. Elle la reconnut aussitôt : la jeune fille rencontrée un peu plus tôt.
Son cœur fit un bond. Elle se tourna vers la capitaine Gwen, l’air hésitant. Mais à peine une seconde plus tard, Keli avait pris sa décision. Elle tourna les talons et se lança à la poursuite de la fillette, qui venait de s'engouffrer dans une ruelle étroite, coincée entre deux bâtisses décrépites.
Keli s'y engouffra à son tour, les bruits de la ville se dissipant derrière elle. Mais lorsqu’elle déboucha au bout de la ruelle, il n’y avait plus personne. Le silence y régnait comme si rien ni personne ne l’avait jamais traversée.
Essoufflée, elle scruta les environs : rien. Aucun recoin ne semblait assez large pour dissimuler un corps, aucune porte entrebâillée, aucun escalier de secours. Elle fronça les sourcils.
— Où est-ce qu’elle est passée…? murmura-t-elle pour elle-même.
C’est alors qu’une voix nonchalante, un peu moqueuse, retentit au-dessus d’elle :
— J’peux savoir pourquoi tu me suis, petite princesse ?
Surprise, Keli leva brusquement la tête. Perchée sur le toit d’une maison basse, jambes croisées comme si elle était en plein pique-nique, se tenait celle qu’elle cherchait. Son visage n’était plus dissimulé, et un léger sourire flottait sur ses lèvres, mi-curieux, mi-défensif.
Keli l’avait retrouvée.
Le petit marché de la cité royale était en effervescence. Des cris s’élevaient, mêlés à l’odeur du pain chaud, des épices et de la poussière. Deux hommes s'invectivaient au milieu des étals, les visages tendus par la colère. La foule formait un cercle autour d’eux, avide de querelles.
La capitaine Gwen fendit la foule d’un pas assuré. L’éclat de son armure d’argent fit taire les plus téméraires. Elle écouta les deux hommes, les observa avec attention, et finit par trancher : elle sortit quelques pièces et les tendit à l’un d’eux pour régler le prix d’une pomme.
Le conflit s’apaisa aussitôt, mais en se retournant, Gwen fronça les sourcils.
— Où est la princesse ? souffla-t-elle.
Son regard balaya la place. Nulle trace de Keli. Inquiète, elle s’adressa aux passants. Mais tous secouèrent la tête, indifférents ou distraits. Jusqu’à ce qu’un homme, plus âgé, tende le doigt vers une ruelle étroite.
— J’ai vu la princesse se diriger vers cette ruelle, il me semble qu’elle poursuivait quelqu’un.
— À la poursuite de quelqu’un !? répéta Gwen, tendue.
— Merci, cher monsieur.
Sans perdre un instant, Gwen s'élança dans la direction indiquée.
Pendant ce temps, dans un coin reculé de la ville, Keli faisait face à la silhouette encapuchonnée qu’elle avait suivie.
— Tu me poursuis, petite princesse ?
— Alors c’est toi qui as volé cette pomme !?
— Qu’est-ce que ça peut te faire, je n’ai rien à te dire.
L’inconnue se détourna. Mais la voix de Keli la retint.
— Attends…
Elle s’arrêta, sans se retourner.
— La dernière fois, tu as utilisé la magie draconique.
— Je ne sais pas de quoi tu parles.
— Je t’en prie, viens au palais avec moi, nous avons besoin de ton aide.
— Je t’ai déjà dit que je ne sais pas de quoi tu parles, et même si j’étais cette personne, je n’accepterais jamais d’aider un membre de la famille royale.
— Dans le passé, vous avez effectivement été lésés, c’est pourquoi vous nous méprisez autant, et je peux le comprendre. Cependant, je n’ai jamais cessé de croire en l’existence des dragons. Jusqu’à aujourd’hui, je crois en leur puissance. Alors s’il vous plaît… je vous en supplie, aidez-nous.
Un silence pesant s’installa. Le vent souffla entre les pierres froides de la ruelle. Finalement, la jeune fille releva la tête.
— Même si j’étais celle que vous croyez, et que je vous suivais, je ne pense pas pouvoir vous être d’une grande aide.
— Je suis convaincue que oui. Je t’en prie, viens avec moi. J’offrirai un festin en ton honneur.
À la mention du mot festin, un éclat passa dans les yeux de l’inconnue.
— D’accord, je te suis.
Mais Keli, emportée dans son élan, continua de supplier.
— Je t’en prie…
Puis elle s’interrompit, interloquée.
— Tu veux bien venir ?
— Je t’ai déjà dit oui.
— Je t’en remercie.
— Je viendrai avec toi si tu respectes mes conditions.
— Oh !?
— Je ne veux pas être fouillée, ni interrogée par les gardes. Je ne veux pas rester à l’intérieur du palais.
— Je vous donne ma parole, tout sera fait selon vos exigences.
Un peu plus tard, Gwen arriva dans la ruelle. Elle leva les yeux juste à temps pour voir une silhouette juvénile bondir d’un toit. Elle écarquilla les yeux, paniquée, puis courut au palais, haletante. Là, elle retrouva la princesse… redescendant tranquillement du toit, suivie de l’inconnue.
— Princesse Keli, comment vous portez-vous ?
— Capitaine Gwen !
— Qui est cette demoiselle ?
— Capitaine Gwen, permettez-moi de vous présenter…
— Asuka, dit l’inconnue, avec calme.
— Asuka !
— Enchantée de faire votre connaissance Asuka, je suis…
— Pas besoin de présentation Keli. Je sais déjà qui vous êtes, votre capitaine vient de crier votre nom il y a un instant.
— En effet… permettez-moi donc de vous présenter, capitaine Gwen, Asuka, la toute dernière magicienne draconique.
— Vous voulez dire…
— Oui, c’est bien elle qui m’a sauvé la vie la dernière fois.
Gwen observait la jeune fille, son cœur partagé entre scepticisme et fascination.
Asuka fut conduite au palais, installée dans le jardin, et un festin digne d’une reine lui fut servi. Elle mangea avec appétit, les yeux brillants.
— Eh bien, tu avais vraiment faim. J’espère que cela te plaît ?
— Ne t’en fais pas, tout est délicieux !
— Heureuse que cela vous plaise.
Mais Gwen ne partageait pas cet enthousiasme. Elle murmura à Keli, à voix basse :
— Pourquoi avez-vous ramené cette fille ici, Keli ?
— Vous vous souvenez de la stèle de dragon au sous-sol du palais ?
— Vous parlez de celle qui se trouve dans l’une des cellules du palais ?
— Exactement.
Asuka releva la tête, intriguée.
— De quoi parle cette stèle ?
— Nous ne savons pas grand-chose sur elle. C’est pourquoi nous avons besoin de votre aide.
— Je préfère souligner que je ne suis pas sûre de pouvoir vous être utile, mais… étant donné votre insistance…
Elle se leva, essuyant ses doigts.
— Conduisez-moi à cette stèle.
Keli et Gwen la menèrent dans les profondeurs du palais. L’air y était plus froid, plus lourd. Devant la stèle, Asuka s’arrêta.
— Depuis quand cette stèle est-elle présente ici ?
— Voulez-vous dire… commença Gwen.
— Je ne m’adresse pas à vous. Je ne vous ai pas demandé votre avis.
— Cette stèle existe depuis 15 ans maintenant. Et durant ces 15 dernières années, le royaume a connu de profonds changements.
— Que veux-tu dire exactement ?
— Les semi-dragons ont commencé à attaquer le royaume.
— La malédiction des dragons.
— Exactement. Nous y voilà.
Asuka s’approcha de la stèle. Lorsqu’elle posa les yeux sur les symboles gravés, son corps tout entier se tendit. Elle tremblait.
— Je ne parviens pas à comprendre ce qui est écrit.
— Quoi !?
— Mais… voyons, tu dois sûrement le savoir.
— Comme je te l’avais déjà expliqué, je ne suis pas en mesure de vous aider. Les humains ont créé ces fléaux, ils doivent en assumer les conséquences.
— Je comprends ta position. Mais tous ces enfants ne sont pas responsables. Nous ne devons pas les condamner pour un crime qu’ils n’ont pas commis. Tu es notre seul espoir, je t’en prie.
— Les enfants de ma tribu n’y étaient pourtant pour rien. Et pourtant, ils ont tous été tués.
— Oh !?
Un long silence s’étira. Puis Asuka murmura :
— Mais je connais quelqu’un qui pourrait vous aider.
— Qui donc ?
— Il s’agit de mon frère.
Le cœur de Keli bondit.
— Et où peut-on le trouver ?
— Je l’ignore. Il a disparu avec les dragons il y a bien longtemps. Je ne sais pas où il peut se trouver.
— Mais alors, comment pouvons-nous le retrouver ?
— Débrouillez-vous. Votre grand-père ou encore votre père savent sûrement ce qui s’est passé cette année-là.
Sans attendre de réponse, Asuka tourna les talons et s’éloigna, laissant Keli seule dans les ténèbres du sous-sol.
Déterminée, Keli confia la mission à ses meilleurs chevaliers. Ils devaient retrouver toute trace de la tribu draconique.
Deux semaines s’écoulèrent.
Un matin, Asuka réapparut dans la salle du trône, les bras croisés.
— Alors, l’avez-vous trouvé ?
— Nous travaillons encore dessus, mais je suis sûre…
Un chevalier entra en trombe.
— Princesse Keli ! Nous avons enfin mis la main dessus.
— Êtes-vous certain ?
— Expliquez-vous, ordonna Gwen.
— Le quatrième dragon s’est envolé vers l’île en bordure du fleuve.
— Parfait. Dites aux hommes de préparer un bateau. Quelques chevaliers accompagneront la princesse. Nous partons immédiatement.
— Très bien, capitaine.
Asuka regarda par la fenêtre, les pensées sombres.
(Je n’arrive pas à croire qu’ils l’ont retrouvé. Grand frère… j’espère que tu es en vie.)
Sur une île battue par la pluie, un jeune homme portait une fille inerte dans ses bras. Ses pas le menèrent jusqu’à une grotte, refuge contre la tempête. Ce soir-là, il perdit l’être qu’il aimait le plus.
Le lendemain, à l’aube, Keli, Gwen, Asuka et leurs chevaliers montèrent à bord d’un navire en direction du Sud. La mer était agitée, le vent cinglant.
Asuka, sur le pont, ferma les yeux.
(Il y a différentes odeurs sur cette île… y compris celles des dragons. Pas de doute… nous sommes au bon endroit.)
— Nous sommes enfin arrivés, déclara Keli, le regard rivé sur la terre sauvage qui s’offrait à eux.
Une fois les pieds posés sur la terre ferme, Asuka et ses compagnons furent accueillis par un mélange d’odeurs familières. L’île semblait figée dans le temps. Dès leur arrivée, la capitaine Gwen ordonna à ses chevaliers de lancer les recherches. Keli s’approcha d’Asuka, le regard émerveillé.
Keli : Cette île est magnifique, les dragons ont vraiment un pouvoir incroyable.
Asuka ne répondit pas. Silencieuse, elle s’enfonça plus loin sur le sentier, suivie de près par Keli et Gwen. Le trio progressa à travers les feuillages denses, mais un malaise planait : il n’y avait aucun signe de vie.
Gwen : Cette île semble déserte.
Keli : Oui, mais c’est le seul endroit où l’on a aperçu les dragons pour la dernière fois. Continuons à chercher.
Ils s’engagèrent davantage dans la forêt, jusqu’à découvrir l’entrée béante d’une grotte. Gwen s’arrêta net, surprise.
Gwen : Une grotte !?
Keli : Elle est immense...
Asuka : Allons à l’intérieur. Peut-être y trouverons-nous quelqu’un.
Les trois femmes pénétrèrent dans l'obscurité, mais ce qu’elles découvrirent à l’intérieur glaça leur sang. Un silence mortel régnait entre les parois rocheuses, seulement interrompu par les échos de leurs pas. Sur le sol, de nombreuses tombes, alignées, froides, poussiéreuses.
Keli : C’est affreux... que leur est-il arrivé ?
Asuka s’agenouilla, lisant les noms gravés dans la pierre. Sa gorge se serra. Il s’agissait des enfants du village draconique. Des amis. Des rires du passé. Elle s’effondra, le regard noyé de larmes.
Asuka : Pourquoi... ?
Elle ne comprenait pas. Elle refusait de comprendre. Keli, bouleversée, s’approcha d’elle.
Asuka tenta de formuler l’injustice qu’elle ressentait, la tristesse d’être arrivée trop tard après tant de voyages, tant d’efforts.
Keli : Asu...
Mais Gwen, toujours alerte, leva une main. Elle sentit une présence.
Gwen : Qui va là ?
Asuka et Keli se relevèrent, les yeux scrutant les ténèbres de la grotte.
Gwen : Montrez-vous.
Une voix s’éleva, grave, calme, mais tranchante comme une lame.
??? : Je ne pense pas être sur vos terres, mais vous enfreignez les miennes. Je vous conseille de partir.
Keli : Nous nous excusons de vous déranger, mais nous avons besoin de votre aide.
??? : Je n’ai pas dit que vous me dérangez. Je souhaite simplement que vous vous éloigniez.
Keli : S’il vous plaît, je...
La voix, si familière, déclencha une onde de choc dans le cœur d’Asuka. Elle tourna la tête. Ses yeux s’élargirent. Un souffle la quitta.
Asuka : Grand frère... ?
L’ombre s’avança, découvrant un jeune homme aux traits durcis. Il la reconnut aussitôt.
??? : Asuka...
Elle se jeta dans ses bras, incapable de retenir ses larmes.
Asuka : Je croyais que tu étais mort... Je suis tellement heureuse de te voir en vie...
Keli détourna le regard, émue, une larme glissant sur sa joue. Le jeune homme enlaça sa sœur avec force et tendresse.
??? : Sortons d’ici.
Ils quittèrent la grotte, laissant les tombes derrière eux. Une fois dehors, le jeune homme les regarda avec intensité.
??? : Est-ce vous qui l’avez emmenée ici ?
Keli : En effet, elle vous cherchait depuis longtemps et...
??? : Je n’ai pas besoin de vos explications. Mais je vous remercie.
Keli resta sans voix face à sa réaction. Il poursuivit.
??? : Vous me l’avez ramenée saine et sauve. C’est tout ce qui compte.
Asuka : Dis-moi, grand frère… cette grotte… elle abrite vraiment les tombes de nos amis ? Comment sont-ils... morts ?
Keli : J’aimerais aussi le savoir, si vous me le permettez.
Le regard de l’homme se posa sur elle.
??? : Puis-je savoir qui vous êtes ?
Keli : Excusez-moi pour mon manque de politesse. Je m’appelle Keli. Voici la capitaine Gwen.
Il haussa un sourcil.
??? : Je vois… La nouvelle héritière du royaume Aconit. Tu as bien grandi depuis la dernière fois.
Keli : Oh ! Comment ça ? Avons-nous déjà été en contact auparavant ?
??? : Pas du tout. Nous ne nous sommes jamais rencontrés. Mon nom est Akil.
Keli : Donc… tu es Akil...
Asuka : Grand frère, peux-tu nous expliquer comment nos amis sont morts... ?
Keli : En effet, nous aimerions tous connaître la vraie histoire de ces peuples autrefois respectés.
Un silence pesant s’installa. Akil ferma les yeux un instant. Puis soupira.
Akil : C’était il y a douze ans...
Et il se lança dans son récit.
> Souvenirs d’Akil
Ce jour-là, le village préparait un rituel sacré : une cérémonie pour invoquer la sagesse et la force des dragons. Asuka n’était encore qu’une enfant, âgée de trois ans. Akil, plus âgé, la surveillait avec affection.
Asuka : Grand frère ! Dépêche-toi, c’est bientôt l’heure !
Akil : Pas besoin de courir. Maman est sûrement encore en train de tout préparer.
Le village baignait dans la lumière. Les dragons veillaient depuis les cieux. C’était une époque de paix.
Asuka : Regarde ! Les dragons sont là !
Akil : Oui, je les vois aussi.
Asuka gonfla les joues.
Asuka : Allez, s’il te plaît, je veux les voir de plus près...
Akil : D’accord, je te promets qu’on ira les voir.
Asuka : Vraiment !?
Akil : Oui… mais pas tout de suite.
Asuka : Pourquoi ?
Akil : C’est une surprise. Tu la découvriras bientôt.
Elle sourit de toutes ses dents.
Asuka : Très bien !
Ils rejoignirent leurs parents sur la place du village. D’autres enfants s’étaient rassemblés, impatients. Asuka courut.
Asuka : Maman ! Papa !
Mère : Asuka, ma petite princesse !
Elle la serra fort dans ses bras.
Mère : Tu es toute excitée aujourd’hui.
Akil : Je lui ai dit de rester avec moi, mais vous la connaissez...
Mère : Elle est juste impatiente. Tu es un super grand frère.
Akil : Comment ça ?
Père : Eh bien oui, notre Akil est devenu un grand garçon.
Akil : Arrête, papa...
Asuka : Akil rougit !
Akil : Pas du tout...
Ils rirent ensemble. Une silhouette s’approcha.
??? : Bonsoir Akil.
C’était Karla, sa meilleure amie.
Akil : Oh, Karla ! Tu es là aussi ?
Karla : Oui, je vais également participer au rituel cette année.
Akil : Vraiment ?
Un sourire répondit à sa question. Leur mère prit alors la parole.
Mère : Je pense que c’est l’heure.
Père : Tous les enfants sont prêts.
Mère : Akil, va chercher les quatre éléments.
Akil : J’y vais.
Il les ramena en hâte.
Akil : Les voilà.
Mère : Merci, mon chéri. Nous pouvons commencer.
Akil s’approcha d’Asuka.
Akil : Es-tu prête, ma petite sœur ?
Asuka : Prête pour quoi ?
Mère : Prête à devenir une draconique.
Asuka : Vraiment !?
Akil : Oui, c’était ça, la surprise.
Asuka : Merci infiniment, grand frère.
Il l’installa dans un cercle magique. Leur mère donna les consignes.
Mère : Installez-vous. Videz votre esprit. Cherchez la plénitude.
Les enfants fermèrent les yeux, concentrés.
Mère : Je vais invoquer les grands dragons. Répétez après moi...
Mère : Aux grands dragons...
Enfants : Aux grands dragons...
Mère : Maintenant, puisez dans votre mémoire, et récitez à voix haute :
Enfants :
> Éveille-toi, ô souffle du dragon,
Emplis cette terre de bonté.
Bénis-moi et les miens de ton énergie positive.
Et repousse tous ceux qui nous souhaitent du mal, sous toutes ses formes.
Mère : Et maintenant... invoquez-les !
Enfants :
> Draconis ! Draconis ! Draconis !
J’appelle et invoque le noyau de votre tanière !
Sphère draconique de puissance,
Je demande la force draconique !
> Point de vue d’Akil :
C’est à ce moment précis que tout a basculé.
Le rituel... ne put jamais être achevé.
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